Abus de faiblesse au Negresco : l’affaire relancée
L’ancien directeur artistique du palace niçois a-t-il profité de la vulnérabilité de la propriétaire ? Un juge d’instruction estime que non mais la cour d’appel veut que le mis en examen soit jugé.
Le Negresco (estimé en 2016 à 400M €) attise les convoitises et pas seulement depuis le 7 janvier 2019 date du décès de Jeanne Augier, 95 ans, sa propriétaire. En 2011, la riche Niçoise a signé un contrat de travail très avantageux à Pierre Couette(*), son directeur artistique. Diplômé en droit du marché de l’art, ce trentenaire était devenu un proche de Mme Augier. Il est à l’origine de la création d’une association, esquisse de la fondation Mesnage-augier-negresco, légataire universelle de la millionnaire. Pierre Couette a-t-il profité de l’état de faiblesse de la vieille dame, atteinte de troubles cognitifs, pour signer deux contrats de travail très avantageux, l’un comme conseiller culturel de la SA Negresco, l’autre comme responsable administratif de la SAS Immobilière de l’hôtel Negresco ?
Me Nathalie Thomas, nommée administratrice judiciaire des sociétés de Mme Augier, sous tutelle en mars 2013, avait relevé plusieurs anomalies dès sa prise de fonction et les avait signalées au procureur de la République. Une enquête avait alors été ouverte pour abus de faiblesse.
L’année dernière, un juge d’instruction niçois avait estimé, finalement, que les charges étaient, selon lui, insuffisantes pour renvoyer en correctionnelle Pierre Couette pour le délit d’abus de faiblesse. La SA Hôtel Negresco, le fonds de dotation Mesnage-augier-negresco et le parquet avaient fait appel.
« Avantages démesurés »
Les magistrats d’aix-en-provence viennent de rendre leur avis. La chambre de l’instruction estime que M. Couette doit comparaître pour avoir « frauduleusement abusé de la situation de faiblesse de Jeanne Mesnage, veuve Augier, entre le 1er janvier 2011 et les 31 décembre 2013, particulièrement vulnérable en raison de son âge et d’une maladie ». La propriétaire du Negresco aurait été « conduite à des actes préjudiciables pour elle ». Pierre Couette est mis en cause pour avoir signé «des contrats de travail comportant des avantages financiers et en nature démesurés ». Il était nourri, logé, blanchi en plus de son salaire qui était celui d’un directeur d’hôtel. «Une rémunération injustifiée au retard du travail réalisé », selon les magistrats aixois. La chambre de l’instruction lui reproche également d’avoir obtenu la cession à titre gratuit de cent actions d’une des sociétés du groupe Negresco et d’avoir été nommé membre à vie du Fonds de dotation. Deux parties civiles réclameront sans doute des dommages et intérêts à Pierre Couette : la SA Hôtel Negresco et le fonds de dotation Mesnage-augier-negresco, légataire de feu Mme Augier, représentée par une administratrice parisienne Me Béatrice Dnogué-gaffie. Les débats en correctionnelle risquent d’être animés tant il est toujours délicat de connaître l’état de vulnérabilité d’une personne à l’instant « T ». Pierre Couette avait été licencié pour faute lourde par Me Nathalie Thomas le 15 avril 2014. Selon l’enquête préliminaire, Jeanne Augier était intellectuellement diminuée depuis 2011. Sans héritier, à 94,52 % propriétaire de la société anonyme exploitant le Negresco, at-elle voulu faire plaisir à Pierre Couette ou celui-ci a-t-il profité de l’état de faiblesse de la riche propriétaire ? C’est la question centrale à laquelle devront répondre les trois magistrats du tribunal correctionnel de Nice quand une date aura été décidée pour la tenue de ce procès.
(*) M. Couette n’a pas répondu à nos sollicitations.