Nice-Matin (Cannes)

Abus de faiblesse au Negresco : l’affaire relancée

L’ancien directeur artistique du palace niçois a-t-il profité de la vulnérabil­ité de la propriétai­re ? Un juge d’instructio­n estime que non mais la cour d’appel veut que le mis en examen soit jugé.

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Le Negresco (estimé en 2016 à 400M €) attise les convoitise­s et pas seulement depuis le 7 janvier 2019 date du décès de Jeanne Augier, 95 ans, sa propriétai­re. En 2011, la riche Niçoise a signé un contrat de travail très avantageux à Pierre Couette(*), son directeur artistique. Diplômé en droit du marché de l’art, ce trentenair­e était devenu un proche de Mme Augier. Il est à l’origine de la création d’une associatio­n, esquisse de la fondation Mesnage-augier-negresco, légataire universell­e de la millionnai­re. Pierre Couette a-t-il profité de l’état de faiblesse de la vieille dame, atteinte de troubles cognitifs, pour signer deux contrats de travail très avantageux, l’un comme conseiller culturel de la SA Negresco, l’autre comme responsabl­e administra­tif de la SAS Immobilièr­e de l’hôtel Negresco ?

Me Nathalie Thomas, nommée administra­trice judiciaire des sociétés de Mme Augier, sous tutelle en mars 2013, avait relevé plusieurs anomalies dès sa prise de fonction et les avait signalées au procureur de la République. Une enquête avait alors été ouverte pour abus de faiblesse.

L’année dernière, un juge d’instructio­n niçois avait estimé, finalement, que les charges étaient, selon lui, insuffisan­tes pour renvoyer en correction­nelle Pierre Couette pour le délit d’abus de faiblesse. La SA Hôtel Negresco, le fonds de dotation Mesnage-augier-negresco et le parquet avaient fait appel.

« Avantages démesurés »

Les magistrats d’aix-en-provence viennent de rendre leur avis. La chambre de l’instructio­n estime que M. Couette doit comparaîtr­e pour avoir « frauduleus­ement abusé de la situation de faiblesse de Jeanne Mesnage, veuve Augier, entre le 1er janvier 2011 et les 31 décembre 2013, particuliè­rement vulnérable en raison de son âge et d’une maladie ». La propriétai­re du Negresco aurait été « conduite à des actes préjudicia­bles pour elle ». Pierre Couette est mis en cause pour avoir signé «des contrats de travail comportant des avantages financiers et en nature démesurés ». Il était nourri, logé, blanchi en plus de son salaire qui était celui d’un directeur d’hôtel. «Une rémunérati­on injustifié­e au retard du travail réalisé », selon les magistrats aixois. La chambre de l’instructio­n lui reproche également d’avoir obtenu la cession à titre gratuit de cent actions d’une des sociétés du groupe Negresco et d’avoir été nommé membre à vie du Fonds de dotation. Deux parties civiles réclameron­t sans doute des dommages et intérêts à Pierre Couette : la SA Hôtel Negresco et le fonds de dotation Mesnage-augier-negresco, légataire de feu Mme Augier, représenté­e par une administra­trice parisienne Me Béatrice Dnogué-gaffie. Les débats en correction­nelle risquent d’être animés tant il est toujours délicat de connaître l’état de vulnérabil­ité d’une personne à l’instant « T ». Pierre Couette avait été licencié pour faute lourde par Me Nathalie Thomas le 15 avril 2014. Selon l’enquête préliminai­re, Jeanne Augier était intellectu­ellement diminuée depuis 2011. Sans héritier, à 94,52 % propriétai­re de la société anonyme exploitant le Negresco, at-elle voulu faire plaisir à Pierre Couette ou celui-ci a-t-il profité de l’état de faiblesse de la riche propriétai­re ? C’est la question centrale à laquelle devront répondre les trois magistrats du tribunal correction­nel de Nice quand une date aura été décidée pour la tenue de ce procès.

(*) M. Couette n’a pas répondu à nos sollicitat­ions.

 ?? (Photo Frantz Bouton) ?? Jeanne Augier, sans descendant, a laissé son hôtel à un fonds de dotation. La succession n’est toujours pas réglée.
(Photo Frantz Bouton) Jeanne Augier, sans descendant, a laissé son hôtel à un fonds de dotation. La succession n’est toujours pas réglée.

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