Nice-Matin (Cannes)

Mort de l’ex-chef de la police de Monaco : des doutes subsistent

Sept ans après le drame qui a coûté la vie au commissair­e André Muhlberger, happé par une hélice de bateau au large de Cap-d’ail, deux hypothèses s’affrontent.

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Quel bateau a causé la mort tragique d’andré Muhlberger, 50 ans, le 23 juin 2013, vers 18 h 15 au large de Cap-d’ail ? Le commissair­e de police au physique de play-boy, fin connaisseu­r des mafias de l’est, avait quitté son poste, quelques mois plus tôt, de directeur de la Sûreté publique à Monaco. Il avait aussi beaucoup d’amis slaves. De quoi alimenter les rumeurs et les fantasmes les plus fous. La réalité paraît à la fois prosaïque et tragique à l’évocation du dossier par Marion Menot, présidente du tribunal correction­nel de Nice. Après avoir déjeuné sur la plage de la Mala avec des amis, André Muhlberger, sportif accompli, a décidé de regagner à la nage le Joïka, un yacht sur lequel il était invité. Les autres convives ont préféré revenir en bateau-taxi. À leur arrivée, le commissair­e flottait dans une mare de sang près de l’hélice à bâbord.

Des expertises divergente­s

Le seul mis en examen dans cette affaire est Marco, un Italien de 45 ans, capitaine expériment­é du Joïka. Il a toujours nié toute responsabi­lité dans cet « homicide involontai­re ». La présidente lui pose d’emblée la question : « Êtesvous certain que votre manoeuvre n’a rien à voir avec la mort de M. Muhlberger ? »

« Bien sûr », répond le prévenu, assisté d’une interprète.

Le vent se levait, la mer se formait et le boot (amarre) d’un jetski risquait de s’emmêler. Marco aurait alors allumé l’un des deux moteurs pour reposition­ner le bateau de 22 mètres et libérer ainsi le jet-ski.

Cette manoeuvre anodine a-t-elle suffi à happer le nageur en train de regagner la plate-forme d’accès située à la poupe ? Des experts ne sont pas d’accord.

Un rapport des affaires maritimes a, dans un premier temps, incriminé une vedette, Les Boys, l’un des trois bateaux sur zone, mais d’autres expertises ont conclu que seul le Joïka avait pu provoquer d’aussi graves blessures à la victime.

Le fils et l’épouse du défunt, parties civiles, préfèrent garder le silence, traumatisé­s par le tumulte médiatique à l’époque du drame. « Les proches n’ont ni colère ni rancoeur. Ils ont eu juste de l’incompréhe­nsion face à un geste involontai­re qui n’est pas assumé par le prévenu. Il y a de l’autre côté de la barre une volonté acharnée de semer le doute », regrette Me Catherine Roth-muller. Me Béatrice Eyrignoux s’étonne pour sa part « qu’une hôtesse, sans compétence, serve de marin pendant la manoeuvre ».

« Capitaine imprudent »

Vincent Edel, procureur de la République, rappelle que « la vedette Les Boys est située entre vingt à cinquante mètres du Joïka. Comment la victime aurait-elle pu être tuée par les hélices de la vedette alors que des témoins voient M. Muhlberger nager à cinq ou dix mètres de la plate-forme du yacht ? ».

« Un halo de sang tout autour du corps flottant près du Joïka laisse penser qu’on est sur la scène de l’infraction », souligne le magistrat du parquet qui requiert « huit mois avec sursis » contre le capitaine « imprudent ».

En défense, Me Jean-marie Tomasi et Me Muriel Roncaglia, plaident la relaxe du capitaine italien, à l’instar de l’assureur du yacht.

Ils développen­t un point technique, selon eux, fondamenta­l : «En marche arrière, l’hélice tourne à l’envers. Il faut donc prendre en compte les bords de fuite des pâles, mesurant d’un à cinq centimètre­s ». Une épaisseur incompatib­le, selon les avocats parisiens, avec les blessures constatées sur la victime.

« La vedette Boys, elle, possède huit pales par moteur qui peuvent agir comme un hachoir. Cela se rapproche des blessures de M. Muhlberger. »

Le tribunal s’est donné deux semaines de réflexion avant de rendre son délibéré le 16 avril.

 ?? (Photo Éric Dulière) ?? André Muhlberger avait été le patron de la police monégasque pendant six ans jusqu’en octobre .
(Photo Éric Dulière) André Muhlberger avait été le patron de la police monégasque pendant six ans jusqu’en octobre .

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