Nice-Matin (Cannes)

L’avocat de Guérini plaide la prescripti­on ou la relaxe

« La suspicion, ça suffit ! », a lancé, hier, devant le tribunal correction­nel de Marseille l’ancien bâtonnier Dominique Mattei dans une vibrante plaidoirie d’une heure et demie. Le procès s’achèvera mercredi.

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S «i la prise illégale d’intérêt était retenue, ce ne serait qu’au bénéfice d’une affinité fraternell­e et sans preuve », lance l’avocat pour défendre son climat. « Vous prononcere­z la prescripti­on des faits parce qu’elle est acquise. Mais si vous ne le faisiez pas, vous prononcere­z la relaxe parce qu’aucune preuve n’a été apportée. La suspicion, ça suffit ! » ,a lancé l’ancien bâtonnier Dominique Mattei en conclusion d’une vibrante plaidoirie de quatre-vingtdix minutes.

Alors président du conseil général des Bouches-du-rhône, Jean-noël Guérini est accusé d’avoir préempté un terrain à La Ciotat sous le prétexte d’y sauvegarde­r une plante rare, le liseron duveteux, puis de l’avoir revendu à la communauté d’agglomérat­ion Garlaban Huveaune Sainte-baume (GHB) pour favoriser son frère qui en avait besoin pour l’extension d’une décharge.

L’avocat dénonce « l’opportunis­me judiciaire détestable »

Pour ces faits, le parquet avait requis, mercredi, quatre ans de prison dont deux ferme, 70 000 € d’amende et une privation des droits civils et civiques à l’encontre de l’élu.

Évoquant « un dossier confus, touffu et multidirec­tionnel », Me Mattei a dénoncé le déroulemen­t de l’enquête menée par le premier juge, Charles Duchaine, « un fauve de la loi » qui, « dans une jungle policière » a cherché à tout prix, à coups « de commission­s rogatoires acérées » ,àprouver que son client s’était « gavé de fonds publics ». Mais après douze ans d’instructio­n, « effacées » les charges de « favoritism­e », la destructio­n de preuves, l’« associatio­n de malfaiteur­s infamante et la suspicion de détourneme­nt de fonds publics ». Il ne subsiste de tout cela « qu’une petite fleur crépuscula­ire : la prise illégale d’intérêt », a-t-il lancé.

Usant de l’anaphore « je n’aime pas… », l’avocat s’est lancé dans une attaque en règle contre ce qu’il considère être les manquement­s d’une procédure à charge, menée avec une idée préconçue et sans vraiment rechercher la vérité. Il a dénoncé « l’opportunis­me judiciaire détestable » de parties civiles venues réclamer à l’audience une grosse somme d’argent (plus de 14 M€), ou encore « la symphonie de la suspicion » des procureurs qui ont requis « des peines disproport­ionnées » en « confondant indices et preuves ».

« Des témoins clés absents »

L’avocat a également pointé l’absence à l’audience de témoins clés du dossier qui, selon lui, auraient pu apporter un autre éclairage à l’affaire. « Le procureur ne s’est pas ému de l’absence d’eugène Caselli », ancien président de la communauté Marseille Provence Métropole (MPM), ou de Bernard Squarcini, ancien patron du renseignem­ent intérieur, présenté comme «lataupe» qui renseignai­t Jean-noël Guérini sur le dossier judiciaire, a-t-il souligné.

L’avocat s’est également étonné que les membres de la commission permanente du conseil général, qui ont voté la préemption du terrain en 2004 et sa vente en 2006, n’aient pas été interrogés.

« Ces décisions collégiale­s n’ont donné lieu qu’à une seule mise en examen : mon client », a-t-il souligné, en s’interrogea­nt sur le fait qu’on n’ait pas cherché à savoir si Jean-noël Guérini avait ou non « fait jouer son influence » lors des votes.

Le procès doit se terminer mercredi

Mais le principal argument brandi par l’avocat a trait à la décision de la préfecture des Bouches-durhône qui a permis la vente du terrain en prenant, en 2006, une déclaratio­n d’utilité publique (DUP) qui a levé le gel pour dix ans de la parcelle, lié à sa préemption pour un motif environnem­ental. « Mon client est, aujourd’hui, poursuivi parce qu’il a suivi une DUP prise par un préfet [Christian Frémont, décédé en 2014, ndlr] qui n’a jamais été auditionné » , a dénoncé l’avocat, en ironisant sur le fait que l’accusation devait sans doute considérer que « les services de la préfecture étaient corrompus ».

Quant à la prescripti­on des faits (trois ans avant l’ouverture de l’enquête en février 2009), elle ne fait pas de doute pour l’avocat, selon qui le juge Duchaine considérai­t que l’intention coupable de Jeannoël Guérini était inscrite dans la délibérati­on de préemption de novembre 2004.

Or la justice a, quant à elle, pris en référence la seconde délibérati­on sur la vente du terrain de juin 2006, qui, elle, n’est pas prescrite. Le procès, au cours duquel douze prévenus sont jugés, doit se terminer mercredi avec la défense d’alexandre Guérini. Le jugement sera ensuite mis en délibéré.

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(Photo PQR/LA Provence) Le parquet a requis deux ans de prison ferme contre Jean-noël Guérini.

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