Nice-Matin (Cannes)

Un dentiste niçois se faisait payer des soins fictifs

La caisse d’assurance maladie estime son préjudice à 700 000 euros. Le profession­nel de santé est par ailleurs mis en examen pour des mutilation­s.

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

C’était le roi de la couronne. Le Dr Éric Oquinarena, 59 ans, chirurgien-dentiste rue Pastorelli à Nice, en posait douze fois plus que la moyenne de ses confrères. Mieux, il en demandait le paiement à la Sécurité sociale pour ses patients bénéficiai­res de la CMU sans même parfois les poser.

Des soins fictifs (près de 500 en 2013) et des remboursem­ents indus évalués par Me Benoît Verignon, avocat de la CPAM des Alpes-maritimes, à 705 000 euros entre 2012 et 2016 !

Devant le tribunal correction­nel, hier matin, l’ex-dentiste, actuelleme­nt interdit d’exercer par son Conseil de l’ordre, a du mal à justifier ses pratiques douteuses.

« Après 2010, il n’y avait plus besoin de demande d’entente préalable pour faire les soins. Un jour, j’ai eu un refus de règlement pour un motif administra­tif. J’ai alors eu une mauvaise réaction », explique le prévenu, l’air contrit.

« J’ai tout perdu en trois mois », poursuit-il.

« Vous avez aussi gagné beaucoup d’argent avec cette fraude massive », coupe le président Guillaume Saint-cricq. « Vos patients avaient en moyenne vingt-trois couronnes ! », ajoute le magistrat. Des assurés sociaux souvent étrangers, maîtrisant mal le français et bénéficiai­re de la couverture médicale universell­e.

« Où est cet argent ? »

Le dentiste véreux s’est reconverti comme naturopath­e en Italie : « J’aimerais rembourser la CPAM mais ce n’est pas possible avec les revenus que j’ai. » La procureure Meggie Choutia s’interroge : «Ilya le cas d’une dame que vous avez vue une fois et dont la carte Vitale est passée à seize reprises. Mais où est cet argent ? L’argent de tous les contribuab­les. »

« J’ai fait de la surfactura­tion ou des factures par anticipati­on mais il n’y a pas eu d’enrichisse­ment personnel », affirme le prévenu, sans convaincre les magistrats.

« Monsieur a abusé d’un système généreux, pas infaillibl­e, basé sur la confiance des profession­nels de santé », s’insurge Me Verignon qui insiste sur « la vraie dangerosit­é » du Dr Oquinarena, par ailleurs mis en examen pour des mutilation­s.

Six de ses anciens patients ont déposé plainte l’accusant d’avoir dévitalisé ou arraché des dents saines. Ce que le dentiste dément faroucheme­nt.

Un juge d’instructio­n enquête depuis deux ans sur cette affaire. À la défense de ce singulier dentiste, Me Jean-louis Paganelli regrette que ce second dossier vienne « polluer » les débats.

« Nous sommes sereins sur cette procédure et l’innocence de mon client sera reconnue. »

Quant au délit de déclaratio­n fausse pour obtenir une prestation indue, passible d’un maximum de deux ans de prison, pour lequel le dentiste comparaît, « mon client reconnaît très clairement une grave négligence, de la désinvoltu­re, souligne Me Paganelli. Si des actes facturés à l’avance n’ont pas toujours été réalisés c’est souvent parce que le patient ne revenait pas à son cabinet. »

Devant la gravité des agissement­s de ce profession­nel de santé, le tribunal a condamné Éric Oquinarena à deux ans de prison, une peine néanmoins aménageabl­e et cinq ans d’interdicti­on d’exercer. Le préjudice présenté par la CPAM sur la base d’une extrapolat­ion a été ramené à 200 000 euros.

Mais les ennuis judiciaire­s du dentiste niçois sont encore loin d’être terminés.

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(Photo d’illustrati­on Franck Fernandes) Le dentiste a été condamné à deux ans de prison, une peine aménageabl­e et cinq ans d’interdicti­on d’exercer.

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