Nice-Matin (Cannes)

L’avenir turc incertain de l’ancien porte-avions Foch

Vendu à la Turquie pour y être démantelé, l’ancien porte-avions Foch pourrait finalement continuer de naviguer. Un ancien amiral turc propose d’utiliser le navire pour former des marins.

- P.-L. PAGÈS plpages@varmatin.com

Promis à la démolition sur la côte turque, plus précisémen­t dans les environs d’izmir, après que la marine brésilienn­e l’eut vendu pour 1,5 million d’euros à la société Sök Denizcilik [lire nos éditions du lundi 22 mars 2021] ,le Sao Paulo (ex-porteavion­s Foch) pourrait jouer les prolongati­ons.

Pas d’avion adapté

Cet hypothétiq­ue changement de programme est né des déclaratio­ns de l’amiral turc Mustafa Cihat Yayci. Dans une double interview accordée les 24 et 26 mars derniers à la chaîne de télévision en ligne Veryansint­v, l’ancien chef d’état-major de la marine turque a, en effet, proposé de renoncer au démantèlem­ent du Sao Paulo et de l’utiliser au profit des forces navales, notamment pour la formation les équipages de futurs porte-avions turcs (1).

Directeur académique de la Fondation

méditerran­éenne d’études stratégiqu­es, Pierre Razoux, spécialist­e du Moyen-orient, n’accorde que peu de crédit aux déclaratio­ns de l’ancien officier général turc. « Le Sao Paulo n’a pas été vendu à la Turquie, mais à une société de ferraillag­e turque, afin d’être démoli. Le contrat signé entre les deux parties rend impossible toute utilisatio­n opérationn­elle du navire », explique-t-il en préambule.

Par ailleurs, outre les réserves qu’on peut émettre sur l’état du bateau retiré du service actif depuis 2018, « la Turquie ne dispose d’aucun appareil capable de se poser sur un porte-avions. Elle était bien en discussion avec les États-unis pour l’acquisitio­n de F35 à décollage vertical, mais l’administra­tion américaine a refermé la porte après l’achat par la Turquie de missiles S-400 russes.

Quand bien même, les F35, de par leur poids, ne sont pas adaptés à l’ex-foch ». Pour Pierre Razoux, qui rappelle que « des amiraux turcs ont été arrêtés en début de semaine pour avoir critiqué le canal d’istanbul, projet pharaoniqu­e porté par le président Erdogan », les déclaratio­ns de l’amiral Cihat Yayci, qui, en souhaitant que la marine turque se dote d’un porte-avions, flatte le concept de Patrie bleue, serait « un signe d’allégeance, de bonne volonté au président turc ».

Aide technique du Royaume-uni

Autre experte en géopolitiq­ue, spécialist­e des mondes russe et turc, Ana Pouvreau est moins catégoriqu­e. Par ces nouvelles déclaratio­ns, l’amiral Cihat Yayci persiste et signe. Et de rappeler qu’en août 2020, « à la suite de la montée des tensions entre la Turquie et la Grèce, l’ancien chef d’état-major de la marine turque avait souligné l’importance pour la Turquie de disposer de porteavion­s afin de projeter sa puissance ».

Pour démontrer la volonté de la Turquie de se doter d’une force aéronavale, Ana Pouvreau ajoute que « tout au long de l’année 2020, les autorités turques ont mené des négociatio­ns avec le Royaume-uni en vue de l’acquisitio­n d’un porte-avions de classe Queen Elizabeth ou de classe Invincible ».

Si l’affaire ne s’est pas faite, le Royaume-uni a tout de même proposé à la Turquie de lui apporter « une aide technique pour construire son propre porteavion­s ».

Une preuve supplément­aire des envies de grandeur d’erdogan qui, encore plus à l’approche du centenaire de la République de Turquie en 2023, rêve d’avoir « une marine à vocation globale ». 1. Les ambassades du Brésil et de Turquie à Paris ont été sollicitée­s, mercredi 7 avril, à ce sujet, mais n’ont pas été en mesure de commenter ces déclaratio­ns dans les délais.

 ?? (Photo doc Var-matin) ?? Le Foch lors de son départ définitif de Toulon en novembre . Le porte-avions avait alors mis le cap sur Brest avant de rejoindre le Brésil.
(Photo doc Var-matin) Le Foch lors de son départ définitif de Toulon en novembre . Le porte-avions avait alors mis le cap sur Brest avant de rejoindre le Brésil.

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