O tempora, o mores…
Au-delà de ce qu'elle peut avoir d’abject, l'affaire Olivier Duhamel marque un tournant. Naguère, le crime d'inceste était mis sous le boisseau. Quel que soit le milieu social, les victimes se taisaient par peur du scandale.
Secrets de familles. Circulez, y'a rien à voir !
Désormais, rien ne sera plus jamais pareil. La parole de Camille Kouchner, qui a dénoncé les faits subis par son frère à la fin des années quatre-vingt, devrait libérer celles de milliers d'ombres muettes. Tout comme l'affaire Weinstein a engendré le mouvement #Metoo.
Un jour prochain, on se demandera comment tout cela a pu être toléré. L'indifférence à cette tragédie intime, vécue par tant de nos concitoyens (), apparaîtra scandaleusement coupable. Préparons-nous à affronter les regards accusateurs de nos enfants. Il nous faudra leur expliquer, sans que cela n'apparaisse comme une excuse, que la sensibilité des hommes évolue en fonction des périodes. Nous sommes heurtés par beaucoup de choses qui n'effarouchaient guère nos grandsparents : la peine de mort, le sexisme, le gaspillage des énergies fossiles. Gageons que nos descendants, à leur tour, jugeront sévèrement certaines de nos pratiques. Ils s'étonneront qu'on ait pu accepter, sans mot dire, la surpopulation carcérale, les maisons de retraite déshumanisées, les SDF qui dorment à même le bitume.
À l’instar des héros de La Nuit des temps de Barjavel, nos petits-enfants nous regarderont peut-être avec dégoût au seul fait que nous ayons mangé de la viande.
Oui, les temps changent. Il faut en prendre la mesure. Et garder en tête qu'au-delà des inclinations de son époque, il est toujours utile de déconfiner sa mémoire.
1. D'après un sondage Ipsos réalisé fin 2020 pour l'association Face à l'inceste, un Français sur dix affirme avoir été victime d'inceste, soit 6,7 millions de personnes.
« Nous sommes heurtés par beaucoup de choses qui n’effarouchaient guère nos grands-parents. »