De l’importance de faire entrer l’art vivant à l’école
Elle attend. Sur son cintre. La robe carmin de La Rouge. Personnage créé et incarné par Olivia Correia qui, crise sanitaire oblige, a fait sa dernière apparition en public le 5 mars 2020, devant une salle comble, au théâtre Antibéa. Date clé dans l’évolution de son seul en scène : « Dominique Czapski [NDLR. directeur artistique] m’avait demandé d’écrire une nouvelle fin. Moins sombre. Je ne sais pas comment j’avais fait à cette période mais j’avais dégoté un masque chirurgical d’ailleurs pour clore le spectacle ! » Emplie d’une énergie folle, la comédienne ne parvient pas à la réprimer lorsque le couperet du premier confinement tombe : « J’avais cette envie dingue de jouer, même en sachant que j’allais faire ça seule devant personne ! J’ai même pensé à m’infiltrer dans le théâtre avec mon sac de couchage et ma lampe torche », s’amuse-t-elle en allant plus loin. « J’imaginais jouer dans un supermarché. Après tout, c’est encore un des rares endroits où l’on a le droit d’aller ! Je me voyais avec mon caddie, jouer dans les rayons, devant les clients… » Une bonne idée, pleine de vie. La Rouge au rayon sauce tomate.
« Un bon comédien est-il maître sur Internet ? »
« Bon, outre la possibilité de ne pas être vraiment la bienvenue dans les lieux, j’ai une autre difficulté : il fallait que ce soit filmé. Pour que cela ait plus d’impact. » Une réflexion qui a secoué Olivia Correia : « Aujourd’hui que vaut ce qui se joue si ce n’est pas filmé, monté, diffusé ? Que vaut ce que je fais si personne ne le voit ? Au-delà de l’interdépendance avec le public il s’agit d’interdépendance avec la technologie malheureusement. » Une interrogation qui en génère d’autres. « On ne fait pas du théâtre pour les réseaux sociaux, c’est le lien avec le public, en chair en os qui donne son sens à ce que l’on dit, ce que l’on incarne. »
« Le théâtre peut guérir »
Comment exister malgré tout dans cette ère où les voix et visages ne se croisent qu’à travers des écrans ? Et ce, dans une nouvelle forme de dramaturgie propre au numérique : « Le bon comédien est-il celui qui maîtrise les réseaux sociaux ? »De quoi faire froid dans le dos. « Qui doit protéger l’authenticité de l’art vivant ?
Cette pandémie a mis en lumière des enjeux clés pour l’avenir de tout un secteur », relève la comédienne qui fait le parallèle avec l’importance du corporel et du « dit » chez les jeunes générations. Avec, pourquoi pas, une véritable entrée du théâtre à l’école. Non pas en tant que discipline à part. Mais comme lien, savant tricot à réaliser entre les différentes matières. « Pour jouer, il faut comprendre et restituer. Ce sont les mêmes actions que pour apprendre, que ce soit de la géographie ou encore des maths. Savoir exposer quelque chose est une aptitude plus qu’utile pour réussir sa scolarité, se construire en tant qu’individu. » Alors, depuis quelque temps, la comédienne imagine un projet où les élèves pourraient s’appuyer sur la comédie pour consolider leurs connaissances, s’approprier des acquis.
Une manière aussi de passer outre les difficultés ? « Le théâtre peut guérir. Donner les clés de l’expression à un enfant, c’est lui donner la possibilité de grandir au mieux. »