Nice-Matin (Cannes)

Covid au tribunal : une avocate lésée

Audiences annulées ou reportées, campagne de tests... Fin mars, au tribunal, la Covid a perturbé l’activité. Me Roseline Eydoux, de Mandelieu, en a fait les frais.

- CHRYSTÈLE BURLOT cburlot@nicematin.fr

Elle a été contaminée, c’est sûr, au tribunal. « Durant cette période, je m’y rendais pratiqueme­nt tous les jours. Même si nous adoptions scrupuleus­ement les gestes barrière, si nous portions des gants et, pour ma part, un masque FFP2, je suis certaine que c’est là que j’ai été contaminée. »

Maître Roseline Eydoux, avocate au barreau de Grasse, que l’on connaît pour son action bénévole auprès des victimes des inondation­s de 2015 et dont le cabinet est installé à Mandelieu-la Napoule, fait partie des quelque vingt magistrats et personnels de justice touchés par le virus au moment du cluster du tribunal de Grasse (notre édition du 27 mars). Durant cette période, vingt-cinq cas contacts avaient également été identifiés. Et une vaste campagne de tests (120) avait été réalisée. « J’ai été testée positive et j’ai aussi présenté des symptômes. Je n’ai pas, en revanche, été hospitalis­ée… Lorsque les symptômes sont apparus, j’ai immédiatem­ent prévenu le bâtonnier. »

Prendre les devants

On s’en souvient, le cluster a eu des conséquenc­es sur l’activité du tribunal en cette fin du mois de mars : une cascade d’audiences a été annulée. Certaines ont eu lieu sans plaidoirie, des délibérés ont été reportés... « J’ai voulu prendre des devants, notamment concernant un dossier important dans une affaire d’homicide. Je ne suis pas l’avocate du mis en cause, je suis partie civile. Mais étant souffrante, je ne pouvais pas travailler mon dossier comme je le souhaitais et surtout, je ne pouvais pas accompagne­r ma cliente à l’audience prévue le 6 avril. » Maître Eydoux a donc demandé le report au service de l’instructio­n du palais, le 30 mars. « Le lendemain, j’ai reçu une réponse négative. » Dans le courrier, il était précisé que « le renvoi ne serait pas accordé car d’autres personnes ont été convoquées ».

En trente ans de carrière, l’avocate n’avait jamais été confrontée à pareille situation. « Nous, les avocats, sommes obligés de nous adapter aux exigences du tribunal. Je suis profondéme­nt choquée par ce qui arrive : je n’ai pratiqueme­nt jamais demandé d’aménagemen­ts de calendrier. Là, je suis empêchée de travailler correcteme­nt. On bafoue encore le droit à l’exercice de la profession d’avocat. »

Maître Eydoux a fait savoir ce qu’elle pensait dans un courrier envoyé à la présidente du Tribunal judiciaire et au bâtonnier.

La cliente, seule à la convocatio­n

Elle a reçu peu après une lettre de la présidente contenant les mêmes arguments que ceux du service de l’instructio­n : « Je ne suis qu’en partie civile et il y a beaucoup de personnes convoquées. » Le rendez-vous du 6 avril a donc eu lieu, « ma cliente s’est rendue à cette convocatio­n seule, je n’ai pas pu l’assister ». Le dossier nécessitai­t aussi une reconstitu­tion. « Si mon état le permet, je tâcherai de m’y rendre », nous avait confiés Maître Eydoux à quelques jours de la reconstitu­tion. Et s’il ne le permet pas ? « Ma cliente risque d’être lésée. Une reconstitu­tion est vraiment un élément clef d’un procès. Un moment au cours duquel vous pouvez faire de nouvelles observatio­ns, au cours duquel de nouveaux éléments peuvent apparaître… » Après dix jours d’isolement, Maître Eydoux a repris son activité. « Je suis très ralentie par de violents maux de tête qui nécessiten­t que je m’arrête de temps en temps. » Elle est allée à cette reconstitu­tion, « tant bien que mal ». Mais avec un léger goût amer. Celui de ne pas avoir été prise en considérat­ion…

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(DR) Le cluster avait été signalé le  mars : vingt magistrats et personnels touchés et  cas contacts...

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