Nice-Matin (Cannes)

Le silence rompu

- de MICHÈLE COTTA Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

« Il a bien senti que c’était sur ce terrain, en premier, que son action serait mise en cause par ses adversaire­s »

C’est sans doute la première fois que le président de la République s’exprime aussi longuement sur les problèmes de sécurité. Pas seulement parce que, presque chaque soir, un quartier de banlieue de grandes villes donne le spectacle d’une sorte de guérilla urbaine incessante, pas seulement parce que les caillassag­es des véhicules de police et les tirs de mortiers sont devenus quotidiens, et que parfois, les choses, insupporta­bles, vont beaucoup plus loin, lorsqu’il s’agit par exemple de policiers brûlés dans leur voiture à Viry-châtillon. Ce n’est sans doute pas un hasard justement, si le chef de l’état s’exprime après la décision de justice incroyable­ment clémente rendue précisémen­t dans cette affaire : cinq condamnati­ons seulement alors que dix-huit assaillant­s étaient poursuivis pour ces actes d’une ignoble cruauté. Emmanuel Macron le sait, beaucoup de ses adversaire­s politiques, à droite surtout, lui reprochent sa discrétion, et même, disent-ils, son absence de déterminat­ion sur les problèmes régaliens, ceux de la sécurité surtout, sur lesquels, en effet, il s’exprime peu depuis son accession au pouvoir. On ne pourra plus lui reprocher son silence en la matière après l’interview-fleuve qu’il donne au journal Le Figaro aujourd’hui. Le Président ne veut pas laisser croire, à un an de la présidenti­elle, qu’il n’est pas concerné par le problème qui est devenu un des plus importants, sinon le plus, pour les Français. Il a bien senti que c’était sur ce terrain, en premier, que son action serait mise en cause par ses adversaire­s, à droite et à l’extrême droite, et ne veut pas leur laisser le privilège de la lutte pour la sécurité des Français. Augmentati­on de plus d’un milliard et demi du budget alloué aux forces de sécurité depuis son élection, objectif prévu du recrutemen­t de   nouveaux policiers et de   places de prison supplément­aires, adoption – malgré la majorité des parlementa­ires de gauche – de la loi Sécurité globale, qui sanctionne plus fortement les atteintes aux policiers et aux gendarmes, création d’un délit sur les séparatism­es, contre « l’islamisme politique », nécessité, en outre, de la lutte contre les trafics de stupéfiant­s, qu’il désigne comme « la matrice économique de la violence dans notre pays », autant d’annonces sur lesquelles revient fortement Emanuel Macron. En ajoutant, pour la première fois, en direction des magistrats parfois jugés trop laxistes, dans une phrase, qui sera longuement commentée par ceux auxquels elle s’adresse, qu’il ne sert à rien de « déployer des uniformes dans la rue, si, derrière, la justice ne suit pas ». On le pressent, le Président le premier : la future élection présidenti­elle portera essentiell­ement sur tous ces sujets de sécurité, dont l’immigratio­n, sur lesquels sa principale adversaire, Marine Le Pen – qu’il ne cite pas – compte bien mener campagne.

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