Nice-Matin (Cannes)

14-Juillet : un complice arrêté en Italie

Installés depuis quatre ans à la ferme des Jovents, à St-martin-de-pallières, Camille et Rudy Michel produisent des glaces artisanale­s d’une qualité rare.

- RAPHAËL COIFFIER rcoiffier@nicematin.fr PHOTOS LUC BOUTRIA

Là-haut. En pleine nature sauvage. Coupée d’une vie surexcitée. À la sortie de Saint-martin-de-pallières. Frontière invisible avec les Alpes-de-haute-provence. Mais encore accrochée à la roche varoise. Se dessine un autre tableau. Qui n’est pas sans rappeler la petite maison dans la prairie. Celle de notre enfance...

Là-haut. S’organise un monde où la nature est une alliée. Une belle à épouser. Malgré ses coups de gueule hivernaux. Ses siestes estivales. Sous la couette caniculair­e. Un monde que Rudy et Camille Michel ont choisi, il y a quatre ans, de parcourir. Sans en faire le tour à bord des oiseaux de fer. Après avoir bourlingué ses bottes crottées sur la planète France, le jeune couple a bâti ici son Eden. Non sans en baver. Travaillan­t, à l’aube de leur rêve, jusqu’à 22 heures par jour. Sans jamais se plaindre. Sans regretter le choix de

cette voie agricole. Si peu reconnue. « On a eu un coup de coeur pour cet endroit. Il appartenai­t à l’origine à un berger. Quand on l’a découvert, ça a été une évidence » raconte Rudy. Fallait-il encore concrétise­r leur projet d’installati­on. Ne pas se tromper sur sa destinatio­n. Et, comme souvent, madame a eu le dernier mot. « Moi, je voulais un élevage de chèvres. J’ai dû batailler car il trouvait ça trop contraigna­nt... »

Sauf qu’au contact de la biquette, le ronchon a craqué. Si bien que l’élevage de leur ferme des Jovents en compte aujourd’hui 69. De toutes les races. L’alpine, la Poitevine, la Chamoisée, les belles barbichett­es s’épanouisse­nt en plein air. « Et elles ont toutes un prénom précise Camille. Qu’elles reconnaiss­ent. Car si elles peuvent être garces entre elles et font aussi parfois des bêtises, elles sont attachées à leurs maîtres. » À peine dans le pré, elles ne tardent d’ailleurs pas à réclamer des câlins. À coups de tête. À coups de cornes. Une façon de vous dire

«jesuislà.» Difficile de toute façon de les oublier avec deux traites quotidienn­es. De ce lait si particulie­r, transformé, sur place, en or blanc comestible. En fromages certes, mais aussi et surtout en glaces. Dont le chef, Benoît Witz, fraîchemen­t installé au Domaine Lou Calen à Cotignac, dit le plus grand bien.

« Il est venu avec son pâtissier pour les goûter raconte Rudy. C’était bizarre de voir un tel cuisinier chez nous. Je crois qu’il a aimé. » Il a adoré même ces fruits gelés du paradis. Vanille et noix de macadamia. Menthe chocolat. Café. Rhum et raisins. Noix de coco. Noisette. Mais aussi thym et pastis. Une dizaine de parfums sont proposés. Dans les règles de l’art. De l’artisanat. « En fait, on en avait fait pour une fête de village et on a fait un carton. Du coup, on s’est spécialisé dans

cette gamme. » Avec succès puisqu’ils ont notamment obtenu deux médailles (or et argent) à la Foire de Brignoles. Il suffit de goûter pour comprendre. De laisser fondre une bouchée onctueuse et douce pour basculer du bon côté de la force. Celle de la qualité. « C’est sûr, il n’y a pas de colorants. Pas d’arômes artificiel­s. C’est la

glace de nos grands-mères. » Au foisonneme­nt réduit. Cet air, vous savez, dont certains industriel­s abusent. Si bien qu’un kilo de crème glacée équivaudra­it en fait à 500 g. Pourtant vous paierez bel et bien un kilo.

Ce n’est évidemment pas le cas chez Rudy et Camille. On ne vous trompe pas sur la marchandis­e. Qui a donc un coût et un prix : 17 euros le bac. Le prix du travail bien fait (il leur faut trois jours pour faire une glace). Le prix du sain. À apprécier. Comme un bon vin. Une viande tracée. Un fruit mûr. Le prix d’une agricultur­e pensée et raisonnée. De leur idéal. Embrassé sept jours sur sept. Sans répit.

Avec, encore, des idées plein la tête. Pour régaler leurs clients.

Leurs visiteurs. Car, en cette ferme, tout est ouvert. On ne cache rien. « On a un projet d’agritouris­me. On aimerait que les gens découvrent notre univers. Peut-être que ça susciterai­t aussi des vocations » s’avance Camille.

Goûter paysan à la bonne franquette avec crêpes au lait de chèvre et jus de pommes. Balade en calèche. Rencontre avec les cochons, les ânes, les chevaux, les cabris, les poules. Dégustatio­n des glaces (dont la prochaine au miel), des fromages, des yaourts. Participat­ion à la traite. Les tourtereau­x ne s’interdisen­t rien. «On aime se distinguer. Faire différemme­nt. S’ouvrir aux autres et partager notre terroir. Celui qui nous ressemble. »

Simple et beau à la fois. Authentiqu­e et moderne. Fort de valeurs humaines. Pour un avenir gorgé d’optimisme. Où l’agriculteu­r retrouve enfin la place qu’il mérite. Il y a certes encore du chemin à parcourir. Preuve en est, ils ne se versent pas encore de salaires. Une hérésie à l’heure de la 5G. Bien moins nourricièr­e du corps et de l’esprit...

«Onaimese distinguer. Faire différemme­nt. Partager notre terroir. »

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Rudy et Camille Michel ont trouvé leur bonheur dans leur ferme des Jovents à Saint-martin-de-pallières.
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 ??  ?? En plus des glaces, les deux jeunes agriculteu­rs produisent des fromages remarquabl­es. Sans parler des crèmes dessert...
En plus des glaces, les deux jeunes agriculteu­rs produisent des fromages remarquabl­es. Sans parler des crèmes dessert...
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Pour veiller sur le cheptel, les éleveurs peuvent compter sur la vigilance de leurs Working Kelpie.
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Attention aux doigts : les chevreaux ne demandent actuelleme­nt qu’à téter.
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