Georges Cadis, pionnier de La Trinité :
« On est toujours dehors »
Cadiscar. Un atelier discret, niché dans les lacets du sanctuaire Notredame de Laghet. Trois kilomètres après l’hypermarché de La Trinité. Dans la petite allée, un campingcar intégral de près de quatre tonnes, siglé d’une étoile. Sellerie cuir, ronce de noyer, douche et toilettes séparées, luxe ostentatoire et confort électrique, 150 000 euros requis, permis poids lourd exigé. Le haut du panier. Un aboutissement ; le nirvana pour l’amateur de bivouac autoporté.
Un peu plus loin, un utilitaire en cours d’aménagement. Trois mois de chantier, 30 000 euros de travaux, la liberté assurée avec un permis VL et un gabarit mesuré. Enfin, à l’abri, l’engin du pionnier. Design indéfinissable, un toit de caravane Eriba greffé sur des panneaux assemblés. Dedans, l’espace est compté. Dehors, un hublot sur le côté et une plaque US pour faire de l’effet. L’équipement est symbolique et la télé n’a jamais fonctionné. Mais cet engin sympathique a parcouru l’europe et reprendra du service cet été, à destination de la Dordogne et du Languedoc. « Qu’est-ce que c’est, comme marque ? On n’en a jamais vu des comme ça ! », rigole le propriétaire en se remémorant la surprise d’un voisin de parking. Lui, c’est Georges. Georges Cadis, 86 ans, qui a passé sa vie à transformer ici des fourgons en camping-cars, avant de confier le volant du sien à Paula. À bientôt 75 ans, elle est sa compagne, son chauffeur ; 75 000 km au compteur.
« Toujours dehors »
Georges Cadis n’est peut-être pas devenu milliardaire, mais il a été le premier à vendre un camping-car britannique sur le sol français. Un Ford Transit Autohome MK1 qu’il était allé chercher au Havre, au début des années soixante-dix. Vingt ans plus tôt, il avait habillé un châssis Berliet d’une caravane découpée, à la demande d’un plongeur du commandant Cousteau. Loin, très loin des profilés d’aujourd’hui qu’il réserve aux bobos, comme il dit en faisant rigoler ses enfants, Stella et Alain, qui ont repris le flambeau. N’empêche, ses « Cadiscars » ont été vus partout, depuis le Brésil jusqu’au Pôle Nord. « Il y en a même un qui s’est couché sur la plage de Copacabana. Des baigneurs l’ont remis sur ses roues et mon client a pu repartir comme si de rien n’était. » Du costaud !
Une vie de labeur. « Je ne prenais jamais de vacances. Sauf trois jours par an pour aller voir mes parents. Depuis ma retraite, je me suis rattrapé. » Elle aussi. Paula conduit, ce qu’il apprécie. Et tous deux trépignent. « La Covid nous bloque. D’habitude, on part six mois dans l’année. Ne pas se soucier de savoir où l’on dort. La liberté. » Paula, le regard qui brille, acquiesce : « Quand il faut rentrer au garage, je suis triste. » Six mètres. « Il ne faut pas plus grand. » C’est suffisant, l’essentiel est optimisé et l’accessoire se déplie. «On est toujours dehors », explique Georges qui privilégie les nationales et les campings municipaux, du moins ce qu’il en reste. L’idée de rouler en convoi ne lui a jamais effleuré l’esprit, le camping-cariste étant, selon lui, plutôt individualiste. «De temps en temps, l’apéritif avec deux, trois voisins, mais ça ne va jamais plus loin. » Beaucoup, murmure-t-il, seraient près de leurs sous. «En général, plus le camping-car est gros, plus son propriétaire est radin. »