Nice-Matin (Cannes)

« Il est prématuré d’affirmer que c’est bénéfique ou délètère » Ehpad Korian à : l’impatience des familles

- G. A. PROPOS RECUEILLIS PAR GAËLLE ARAMA garama@nicematin.fr G. A.

Au positionne­ment très affirmé du Dr Richard Galy, le chef du service d’infectiolo­gie au CHU de Nice, le Pr Michel Carles, oppose la prudence. «Je ne dis pas que le Dr Galy a tort a priori. Mais l’approche d’évaluation est nécessaire pour éviter de proposer des traitement­s non efficaces qui exposent à des effets secondaire­s. Cela a d’ailleurs été une préoccupat­ion forte des concitoyen­s vis-à-vis de nombreux traitement­s et de la vaccinatio­n. »

En cours d’évaluation

« Dans la pneumopath­ie Covid, il y a un bénéfice reconnu à donner des corticoïde­s et des anticoagul­ants dont on connaît la balance bénéfices/risques à un certain stade de la maladie sur des éléments cliniques, radiologiq­ues et biologique­s. Mais cette balance bénéfices/risques à en donner précocemen­t est en cours d’évaluation dans des études préliminai­res et pourrait s’avérer plus néfaste que bénéfique ».

Pour le Pr Carles, l’administra­tion de ces médicament­s n’est pas anodine. « Ce traitement précoce a des effets secondaire­s. Si une bonne évolution avec ce traitement précoce est possible, c’est en partie car cette maladie évolue souvent favorablem­ent. Et nous avons pu constater que, malgré cette précocité de traitement, des évolutions péjorative­s sont survenues. Il est logique et souhaitabl­e d’avoir des éléments plus complets sur ce type de prise en charge avant de la recommande­r systématiq­uement. On fait de la médecine rationnell­e ». Et le professeur de rappeler que « depuis un an, on a proposé beaucoup de traitement­s avec beaucoup de certitude et qui, malheureus­ement, se sont parfois avérés inutiles, inefficace­s et pour certains délétères ».

Parfois péjoratif

Comme c’est le cas pour la prescripti­on systématiq­ue d’antibiotiq­ues à la phase précoce de la Covid : «Ila été démontré que cela ne sert pas, ce qui expose au risque d’effet secondaire sans bénéfice pour le patient. Il faut rappeler que près d’une personne sur deux qui est contaminée n’aura aucun symptôme et que la majorité des formes avec symptômes vont guérir sans traitement ».

Il y a un an tout juste, le drame du cluster de l’ehpad La Riviera (groupe Korian), à Mougins, bouleversa­it toute la France. En quelques semaines à peine, 41 personnes âgées étaient décédées de la Covid. D’après les premiers éléments, le virus est entré fin février dans l’établissem­ent, touchant les deux tiers du personnel. La sous-préfète, Anne Frackowiak-jacobs, avait évoqué à l’époque « un temps de retard pour prendre en charge la situation. » Parmi les nombreuses familles endeuillée­s, cinq ont décidé de porter plainte contre X. Et c’est désormais à la Justice de faire la lumière sur les circonstan­ces de cette tragédie. « L’enquête n’est pas terminée. Un point d’étape sera fait prochainem­ent avec les familles », indique Fabienne Atzori, procureur à Grasse.

Une enquête préliminai­re qui n’avance pas vite d’après l’avocat du collectif

Combien de médecins appliquent ce protocole ?

À l’automne, je me suis mis en lien avec d’autres médecins de ville, ceux des Ehpad de Mougins et beaucoup ont appliqué ce traitement. C’est une informatio­n qui se répand et se partage dans le réseau médical. Mais personne n’en parle.

Pourquoi ?

Il y a ce sempiterne­l principe de précaution qui bloque l’initiative scientifiq­ue. S’il s’agissait d’un nouveau médicament, ce serait normal d’imposer des tests et des études randomisée­s. On nous explique qu’on est en guerre, qu’il y a urgence. Alors, il faut sensibilis­er le gouverneme­nt sur la nécessité de communique­r sur ce traitement précoce qui, selon moi, a fait ses preuves.

Qui avez-vous alerté ?

J’ai écrit au président Macron. Je lui ai demandé de saisir les institutio­ns des familles, Arakelian.

Sommes disproport­ionnées

Au bout de plusieurs mois, mes clients n’avaient toujours pas été entendus ! Il y a un mois, j’ai saisi le doyen des juges d’instructio­n du tribunal de Grasse d’une plainte avec constituti­on de partie civile afin qu’une informatio­n judiciaire soit ouverte. » Une procédure qui s’accompagne de consignati­ons, à savoir des sommes

«Me

Fabien d’argent à verser par chacune des familles : 750€, 2500€, 3 000 , 7 200 et 9800€. « Des consignati­ons disproport­ionnées et dissuasive­s dont j’ai fait appel », indique l’avocat en attente de l’audience qui pourrait en réviser le montant. Prochaine étape ? « Solliciter des demandes d’actes de confrontat­ion. On espère des mises en examens rapides. Ces dossiers sont de vrais combats. Ce qui s’est passé à Mougins n’est pas anodin ».

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(Photo S. B.) Dans cette maison de retraite,  seniors avaient succombé à la Covid au printemps dernier.
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(Photo N. C.) Le Pr Carles, chef de service au CHU.

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