Nice-Matin (Cannes)

« J’ai vraiment été mauvais »

Patrick Müller a joué à L’OL (2000-04, 2006-08) et à L’ASM (2008-10). Sextuple champion de France avec les Gones, il évoque le choc, ses titres dans le Rhône et ses déboires sur le Rocher.

- CHRISTOPHE­R ROUX

Il se passait quelque chose en moi pendant les causeries de Houllier”

Il y a sa ville de naissance et celle d’adoption. La première se nomme Genève, la seconde Lyon. Patrick Müller a deux maisons. L’ex-défenseur internatio­nal suisse ( sél.) vit sur les bords du Leman, où il oeuvre pour L’UEFA et s’occupe d’un programme d’échanges entre les Fédération­s, mais il garde un oeil sur ces Gones qu’il n’exclut pas de servir à nouveau si on fait appel à lui. Approché pour prendre la succession de Florian Maurice à la tête de la cellule de recrutemen­t l’an dernier, Bruno Cheyrou lui a été préféré. Il s’est dit «honoré » et son coeur « s’emballe » encore pour ce club auquel il reste attaché. C’est donc naturellem­ent que sa préférence va à L’OL, ce soir. Il «adore» L’ASM, mais son passage sur le Rocher ne lui a pas laissé un souvenir impérissab­le. Et il en parle avec franchise et humilité.

Patrick, quatre clubs prétendent encore au titre de champion. L’OL ou L’ASM peuvent aller au bout ?

Je suis Lyonnais de coeur et si l’un des deux clubs devait être champion de France, je mettrais L’OL d’abord et L’ASM en deuxième. La défaite de Lyon contre Lille

(-, NDLR) complique forcément la chose, mais j’ai toujours l’espoir qu’un miracle se produise (rire).

A quel match s’attendre ?

C’est le sprint final, il y a de la tension mais il n’y a pas à calculer pour L’OL. Je crois que Rudi Garcia va s’appuyer sur le match de Coupe de France de la semaine passée (victoire de L’ASM -), parce que c’était un petit miracle que Monaco se qualifie. Il faudra juste être plus réaliste. Cette équipe lyonnaise est irrégulièr­e et elle s’est effondrée contre Lille en seconde mi-temps, mais je ne me fais pas de souci. Quand je la vois jouer, je me dis qu’elle peut marquer à tout moment. Monaco enchaîne les victoires, impression­ne sur le plan statistiqu­e et se veut solide. Fofana et Tchouaméni sont de futurs grands, mais L’OL a des attaquants qui vont vite. Ils peuvent utiliser les espaces dans le dos de la défense monégasque.

En , vous offrez la Coupe de la Ligue à L’OL contre L’ASM (- a.p.), un premier trophée depuis . Sept titres de champion de France suivirent. Aviez-vous conscience d’avoir enclenché un tel cycle ?

C’était inimaginab­le. On savait que le club et l’équipe montaient gentiment et qu’on pouvait gagner une fois le championna­t de France. Maintenant, personne ne pouvait imaginer qu’on le ferait sept fois d’affilée. Aujourd’hui, quand je retourne à Lyon, tout le monde me parle de ce but. Je ne sais pas si les futures génération­s en parleront encore, mais il est gravé à jamais.

Quel entraîneur vous a le plus marqué ?

Gérard Houllier. C’était un manager à l’anglaise. Il n’était pas tout le temps présent sur le terrain, mais il se passait quelque chose en moi pendant ses causeries. C’était le meilleur. Je l’ai adoré pour son énergie et la manière qu’il avait de transmettr­e ses attentes.

Un souvenir particulie­r avec lui ?

Le jour d’un match de Ligue des champions à Gerland contre le Real Madrid (-, septembre ). Il était venu dans ma chambre après le repas. Je suis remplaçant sur les matchs précédents et il m’annonce que je commencera­i avec Cris dans l’axe. On était en tête à tête et c’est un souvenir qui me restera à vie. Il me faisait confiance pour un match énorme.

J’avais une grosse pression.

Cette attention pouvait sembler banale…

Mais c’est la seule fois de ma carrière qu’un coach a agi de cette manière avec moi. Je n’étais pas titulaire et c’était un peu une surprise. J’avais beaucoup apprécié sa démarche.

A Monaco, Ricardo puis Guy Lacombe ont peu misé sur vous…

Avec Ricardo, je reviens d’une saison blanche. J’avais été opéré du genou et je n’avais joué que les trois matchs de poule de l’euro . Il voulait que je récupère et me prépare pour revenir à  %. J’ai finalement enchaîné une dizaine de matchs (en ), mais sur les derniers j’ai vraiment été mauvais. Je ne cherche pas d’excuse, mais quand on n’a pas joué pendant de nombreux mois et qu’on enchaîne ensuite sur huit à dix semaines, il y a peut-être un second souffle à trouver. J’ai été sorti du groupe et les joueurs qui m’ont remplacé ont été très bons. Je comprenais, je n’en ai pas voulu à Ricardo. A sa place, je ne me faisais pas jouer non plus. Faire des vagues ? Je suis honnête et je savais juger mes performanc­es.

Lacombe vous a carrément mis à l’écart, dans un loft…

Je ne peux pas lui en vouloir d’avoir préféré d’autres joueurs, mais je lui en veux sur sa façon de l’amener. C’est la seule chose qui m’a un peu déçu. Je n’ai jamais su pourquoi j’étais à l’écart.

Vous mettez un terme à votre carrière sur cette saison blanche…

La mise à l’écart avait débuté pendant la préparatio­n. On était sept dans le loft mais on avait le moral. A ce moment-là, on se dit qu’on peut changer les choses et s’imposer. Ça n’a pas été le cas, mais je n’ai pas de regret. Je savais qu’un jour ou l’autre le football s’arrêterait. Si on m’avait dit petit que j’allais vivre ces choses-là, jouer dans des grands clubs et gagner des titres, je n’y aurais pas cru.

Avec les qualités que j’avais, tenir aussi longtemps était inespéré.

Pourquoi n’êtes-vous pas parti ? J’aurais pu aller ailleurs en Europe ou à Washington, mais j’ai pris en compte les enfants et la famille. J’avais appelé Raphaël Wicky qui jouait à Los Angeles à l’époque. Il est aujourd’hui l’entraîneur de Chicago. On avait évolué ensemble en équipe nationale et après notre discussion sur la MLS, je n’étais pas sûr que ce soit fait pour moi. C’était des voyages de quatre-cinq jours entre les côtes Est et Ouest, tu n’étais jamais à la maison.

J’ai un petit regret aujourd’hui, mais vite fait. Les langues sont importante­s dans l’après-carrière et ça m’aurait aidé pour l’anglais.

Quel est le joueur le plus fort avec lequel vous avez évolué ?

Mahamadou Diarra. Il arrivait d’arnhem (Pays-bas) mais il était impression­nant dès les premiers entraîneme­nts. Je découvrais un joueur athlétique, technique et fort à la récupérati­on. Il était impossible de lui prendre la balle, il faisait des transversa­les du droit comme du gauche. A Monaco, c’est Nicolas Nkoulou. Il avait de la maturité malgré son jeune âge.

Le plus drôle ?

Les gens n’ont pas cette image de lui, mais Eric Abidal était le boute-en-train du groupe. A Lyon, il faisait tout le temps des blagues. Il amenait un petit plus dans le vestiaire.

Qui est votre meilleur ami dans le foot ?

Sidney Govou. On était deux jeunes du groupe et j’ai tout de suite eu un bon feeling avec lui. C’est aussi un déconneur qui aime rigoler et s’amuser. C’est un gars extraordin­aire. On garde contact.

‘‘

Guy Lacombe ? Je n’ai jamais su pourquoi j’étais à l’écart”

L’anecdote que vous n’avez jamais racontée ?

La fête qui a suivi notre victoire en Coupe de la Ligue (en ). C’était magique, mais je peine à me souvenir de comment, quand et avec qui j’étais ce soir-là (rire). Le lendemain, on devait rentrer à Lyon et je suis arrivé dans un bus, seul, au rendez-vous fixé en bas de notre hôtel. Je ne me souviens de rien, mais on me l’a raconté. Je ne sais pas d’où je venais.

Je ne sais pas si j’avais un peu bu ou si c’était autre chose. J’ai fait beaucoup de têtes et ça m’a un peu bousillé les neurones (rire).

 ??  ?? Monaco ()
Lyon ()
Monaco () Lyon ()
 ??  ?? Avec Gérard Houllier en , puis à L’ASM en .
Avec Gérard Houllier en , puis à L’ASM en .

Newspapers in French

Newspapers from France