Le mouillage des navires réglementé
La préfecture maritime Méditerranée a publié en octobre un arrêté réglementant le stationnement des bateaux de 20, 24 mètres et plus. « Une injustice », selon certains professionnels.
Au centre de ce combat : la posidonie. Une plante florale qui pousse à quelques mètres des rives, entre 1,50 et 25 mètres de profondeur. En Corse, elle peut descendre à 38 mètres. « C’était aussi le cas sur la Côte d’azur, il y a quarante ans », glisse Heike Molenaar, docteure en biologie marine et chercheuse indépendante.
Il est donc nécessaire de la protéger car, telle une forêt sous-marine, elle produit de l’oxygène sous l’eau, sert de nurserie aux poissons, abrite plus de 2 000 espèces d’animaux et de plantes. Forte de ce constat, la préfecture maritime Méditerranée (Prémar) a publié deux arrêtés encadrant le mouillage et l’arrêt des navires de 20, 24 mètres et plus. Ces textes aspirent également à désengorger des zones fréquentées, proches de la côte, où se déroulent la plupart des accidents.
Des zones interdites
Depuis, des déclinaisons locales ont suivi, pour indiquer aux plaisanciers et professionnels les zones interdites au mouillage par commune. La Prémar précise d’ailleurs qu’elles ont été rédigées en concertation avec les acteurs locaux, économiques et associatifs, après avoir été mises à disposition du public, sur Internet. Pourquoi ces interdictions ? Quand un bateau s’arrête, il se stabilise à l’aide d’une ancre. Selon sa taille, elle est plantée plus ou moins profondément. Quand le bateau part, l’ancre est levée. Un geste qui peut arracher, endommager la posidonie. « Plus le bateau est gros, plus l’ancre est lourde. On commence par les plus gros navires, car ils font plus de dégâts », pose la Prémar.
Un argument un peu facile, pour les professionnels du yachting. « On sait ce qu’on fait. Quand un pro jette son ancre, il essaie de ne pas le faire dans la posidonie. Pour la lever, on se positionne à la verticale et on la remonte sans racler le fond », nuance un broker azuréen, ancien capitaine, qui souhaite conserver l’anonymat. D’ailleurs, ne devient pas capitaine qui veut. Il faut passer un Certificat matelot pont, le brevet de capitaine 200, 500, 3 000 ou illimité. En plus, tous les membres de l’équipage – « même un coiffeur » – détiennent leur Certificat de formation de base à la sécurité. « On est sensibilisés à l’écologie. Par exemple, on ne jette même pas un fruit dans l’eau, car on sait que ça ne fait pas partie du régime alimentaire de la faune et de la flore locale », poursuit le broker. Sa crainte ? Que, faute d’emplacement agréable, les propriétaires de yachts préfèrent d’autres destinations à la Côte d’azur. «Ces décisions pénalisent l’entreprise du yachting. Et pas forcément les personnes riches qui, elles, pourront partir où elles veulent. Il y a des gens qui ont acheté des bateaux pour en faire leur activité, sans parler de ceux qui travaillent dessus », soulève l’ancien capitaine.
Des craintes pour l’emploi local
Et justement, ces personnes sont aussi là pour éviter des gestes malheureux. « On voit, sur les images des plongeurs, que le fond est jonché de mégots ou de bouteilles. Sur un yacht, ça n’arrive pas. Si le propriétaire a une cigarette en main, on va lui apporter un cendrier. Et je peux vous assurer qu’on ne jette pas de bouteille par-dessus bord », ajoute le professionnel.
Outre les membres d’équipage, les commerçants locaux peuvent aussi être affectés par le potentiel départ de propriétaires de bateaux. « À Antibes, quand je vais chez le boucher, je repars parfois avec une facture à 6 000 euros », complète-til, en citant le pub Le Blue Lady, des coiffeurs, l’épicerie anglaise… qui fonctionnent majoritairement grâce aux membres d’équipages, qui ont jeté l’ancre à l’année. « Pour certains, c’est un loisir. Nous, c’est notre métier », achève-t-il.