Carambolage
Qui aurait pu imaginer lors de l’élection présidentielle de que l’extrême droite deviendrait près d’un demi-siècle plus tard le point nodal de notre vie politique ? Jean-marie Le Pen, leader du Front national (FN) lancé deux ans plus tôt, sombrait au fond des urnes présidentielles avec , % des suffrages ! Quarante-sept ans plus tard, rebaptisé en Rassemblement national, le FN est au carrefour de tous les débats et calculs politiques.
Certes, rien n’est encore écrit de la présidentielle de et les sondages actuels ne disent rien de son résultat final. Reste qu’ils donnent des tendances et montrent que la progression du RN se poursuit sans que l’on sache à présent jusqu’où elle peut conduire sa présidente Marine Le Pen. Tous ceux qui ont longtemps cru que l’extrême droite ne serait qu’une éphémère vaguelette – et en ont joué ! – en sont pour leurs frais. Elle est devenue l’élément structurant de la politique française. C’est elle qui a fait exploser le bipartisme qui ordonnait depuis les scrutins de la Ve République, plus que la victoire d’emmanuel Macron en . Avec le recul, son succès présidentiel apparaît
même comme le produit de cette longue entreprise extrémiste de déconstruction. Le chef de l’état a certes compris le désarmement des partis dits de gouvernement mais il n’a pas su pousser le RN dans ce carambolage politique dévastateur.
Emmanuel Macron a échoué, en effet, dans son entreprise de recomposition démocratique. « En Marche » n’a pas réussi son implantation dans le pays et n’est qu’un parti d’appoint. La vie partisane ne s’est pas restructurée autour du projet présidentiel. Enfin, le RN n’a pas reculé, bien au contraire. Du coup, le Président est enfermé dans une stratégie défensive, faite d’alliances de fortune. Les élections régionales à venir en sont la preuve. Le chef de
« Le chef de l’état ne construit pas, il utilise la menace lepéniste pour gérer un sauve-qui-peut. »
l’état marchande le soutien de son parti croupion auprès de sortants menacés par la formation lepéniste. L’accord passé avec Renaud Muselier en Paca en est la parfaite illustration. Avec le risque de se retrouver perdantperdant.
Cette politique opportuniste contribue, en fait, à aggraver l’atomisation du paysage partisan. Certes, elle crée de profonds troubles au sein des Républicains mais la gauche, dont une partie de l’électorat populaire a rejoint l’extrême droite, perd, elle aussi, pied. Le chef de l’état ne construit pas, il utilise la menace lepéniste pour gérer un sauve-qui-peut. Sa tactique réussira peut-être mais, aussi habile soit-elle, elle ne réglera rien : des arrangements électoraux ne sont pas une réponse de fond face à une extrême droite transformée en épicentre de notre vie publique par un demi-siècle de calculs erronés pour la vaincre.