Nice-Matin (Cannes)

« J’ai trimballé un mec à poil sur une façade »

Rebondisse­ment : il n’y a pas un héros, mais deux, dans l’incendie de la rue Smolett à Nice. Evans, professeur d’art martial, est celui qui a hissé la victime à bout de bras. Témoignage.

- ALICE PATALACCI apatalacci@nicematin.fr

C’était un drôle de dimanche », sourit Evans. Le Niçois partait se balader, avant-hier matin, quand il voit un riverain, au milieu de la route. Intrigué, il sort de sa voiture, entend des cris, lève les yeux au ciel et aperçoit un homme, sur son balcon, piégé par les flammes (nos éditions d’hier).

« Il fallait le sortir de là »

« Je voyais les gens qui regardaien­t, mais n’agissaient pas. Ça m’a semblé incongru, il fallait sortir cet homme de là », se remémore Evans.

Il se dirige donc vers le 36, rue Smolett à Nice et appuie sur l’interphone, pour qu’on lui ouvre la porte. « C’était un peu long parce que l’électricit­é avait sauté. Un habitant du 3e étage a fini par comprendre qu’il fallait m’ouvrir », ajoute-t-il. Il arrive devant la porte de la cage d’escalier, galère cinq bonnes minutes avec une grille et se rue dans l’escalier.

Il se place à l’inter-étage, où il ouvre un petit Velux. La victime, bloquée sur son balcon au 2e étage, avait déjà une jambe par-dessus la rambarde.

« Si je le lâche, il meurt »

« Quelqu’un avait sorti un matelas, très fin, sur le trottoir, comme pour amortir une chute potentiell­e. Mais c’est trop dur, il se serait blessé, s’il avait sauté dessus» , continue Evans. Pour éviter tout accident, il sort son bras par le Velux et le tend vers la victime. « Heureuseme­nt qu’il n’était pas trop lourd. Parce que je ne pouvais pas le prendre par la main, ça glisse avec la transpirat­ion. C’est faux, ce qu’on voit dans les films. Je l’ai pris par l’avant-bras et, à ce moment-là, je me suis dit “si je le lâche, il meurt” .Ensoi, les pompiers sont arrivés quelques minutes après. Fallait-il attendre, fallait-il agir ? C’est une sensation particuliè­re, il faut le vivre pour comprendre », pose-t-il. Evans tire donc le jeune homme, puis demande une couette pour le couvrir. « J’en parlais avec des amis, l’après-midi. Avec du recul, j’ai tiré un mec à poil sur une façade en fait. Bon, c’était ça ou il cramait, je n’avais pas trop le choix », ajoute-t-il, en rigolant.

« J’avais envie de lui mettre une gifle »

Mais voilà, sûrement choquée, la victime n’a pas cessé de hurler pendant l’interventi­on. Une fois en sécurité dans l’escalier et emmitouflé­e dans une couette grise, Evans le laisse et descend. « Je n’avais pas envie de rester. Honnêtemen­t, il faisait tellement de bruit, que j’avais envie de lui mettre une gifle pour le calmer un peu. Et les pompiers étaient là, je ne voulais pas les empêcher de faire leur travail », tempère-t-il.

Professeur d’art martial et préparateu­r physique, Evans est plutôt bien entraîné.

« Ça m’a permis de me tester, de voir que je ne garde pas mon sang-froid que dans une salle, c’est important dans les arts martiaux » ,relativise-t-il.

Et d’achever : « J’ai passé une journée nickel après mais, ce matin, j’avoue que j’ai l’épaule un peu luxée ».

 ?? (Photo Eric Ottino) ?? Un appartemen­t du , rue Smolett, a pris feu, avant-hier matin. La victime s’est retranchée sur son balcon.
(Photo Eric Ottino) Un appartemen­t du , rue Smolett, a pris feu, avant-hier matin. La victime s’est retranchée sur son balcon.

Newspapers in French

Newspapers from France