Nice-Matin (Cannes)

Trafic de drogue à Nice : « 169 personnes écrouées en  mois »

Xavier Bonhomme, procureur de la République de Nice, arrivé il y a dix-huit mois, dresse un bilan de son action et réaffirme sa volonté de déstabilis­er les trafiquant­s de stupéfiant­s.

- PROPOS RECUEILLIS PAR CH. PERRIN chperrin@nicematin.fr

Vous avez créé en juin  un GLTD (Groupe local de traitement de la délinquanc­e) pour lutter plus efficaceme­nt contre le trafic de drogue.

Quel bilan en tirez-vous ?

Le but était de regrouper toutes les institutio­ns qui oeuvrent dans ce domaine pour partager les informatio­ns et être plus efficace. Le résultat est plus que positif : de septembre  à avril , nous avons déféré  personnes pour trafic de stupéfiant­s.  d’entre elles (dont  ont été placées en détention provisoire), ont fait l’objet d’une ouverture d’informatio­n judiciaire parce qu’il s’agissait de réseaux importants qui nécessiten­t des investigat­ions supplément­aires.  ont été jugées en comparutio­n immédiate :  ont été condamnées à de la prison ferme (pour un total de  années de prison, ce n’est pas rien). Sur les  personnes,  ont été incarcérée­s en huit mois.

Les trafiquant­s arrêtés sont vite remplacés...

Nous n’éradiquero­ns pas le phénomène mais nous sommes réactifs, nous portons de sérieux coups et nous déstabilis­ons les trafiquant­s. Je salue au passage l’action des policiers, des gendarmes, des douaniers, de la DRFIP (direction des finances publiques) et de la Ville de Nice qui nous permettent d’être efficaces. Dans le même temps, nous traquons les usagers à la fois dans un esprit de prévention mais également en infligeant des amendes forfaitair­es délictuell­es (de  euros). Notre départemen­t est l’un de ceux qui appliquent le plus cette nouvelle procédure.

Un mot sur la lutte antiterror­iste...

Une procureure adjointe consacre un tiers de son temps à cette tâche en tant que déléguée du parquet national antiterror­iste. Je peux vous dire que les services sont en alerte constante et que dans notre départemen­t, beaucoup de personnes (je ne vous donnerai pas de chiffres) sont suivies, et bien suivies.

Le garde des Sceaux annonce régulièrem­ent des créations de postes. La juridictio­n à Nice en bénéficie-t-elle ?

Nous avons l’assurance que le parquet sera au complet puisque Mme Funel, procureure adjointe, qui part à la retraite, sera remplacée et que trois jeunes magistrats vont nous rejoindre. Nous avons obtenu des moyens pour développer la justice de proximité avec un juriste assistant qui travaille en lien avec les municipali­tés pour lutter contre les incivilité­s.

En décembre, nous avons eu en tout le renfort de trois juristes assistants et trois fonctionna­ires de greffe. Les derniers moyens supplément­aires annoncés ces derniers jours concernent, je pense, davantage la juridictio­n civile.

La justice a besoin de développer sa communicat­ion. Quelle est votre stratégie en la matière ?

J’aimerais aller dans les communes de manière régulière pour représente­r l’institutio­n judiciaire, pour échanger avec les habitants, expliquer comment on fonctionne, quelles sont nos contrainte­s, nos attentes, nos dispositif­s... C’est une manière de rapprocher la population de sa justice, de changer notre image. Dans le même esprit, les sept délégués du procureur tiendront très prochainem­ent des audiences dans les Maisons de la justice et du droit à L’ariane et à Menton.

Les délais de jugement s’allongent à nouveau... À mon arrivée, le délai était de  mois. Nous l’avions ramené à quatre mois mais la grève des avocats, la pandémie et les problèmes de vacances de postes au siège (près de  %) font que les audiences  sont déjà quasiment pleines. C’est problémati­que. Tout comme nous avons un problème de salles pour organiser les audiences. Une salle supplément­aire avec un box est en train d’être aménagée.

Vous faites partie des  magistrats qui cosignent le livre « Rendre la Justice ». Pourquoi avoir choisi le thème de l’impartiali­té ?

Le grand public, des médias, certains acteurs judiciaire­s (souvent par malice) estiment à tort, me semble-t-il, que le procureur de la République n’est pas impartial dans l’exercice de ses missions. Or, depuis une loi de , l’impartiali­té est une obligation, que ce soit lors de la direction d’une enquête ou dans la défense des intérêts de la société. On est d’autant plus crédible qu’on respecte cette règle déontologi­que au quotidien.

L’impartiali­té, c’est aussi par rapport à ses opinions, à ses goûts, à son mode de fonctionne­ment... Ce n’est pas antinomiqu­e avec le fait d’être soumis à une hiérarchie, au fait d’appliquer les instructio­ns générales qui définissen­t les priorités de la politique pénale. Dans ma carrière, jamais on ne m’a demandé de poursuivre telle ou telle personne. Pour lever toute ambiguïté, je pense qu’à terme les nomination­s des procureurs ne devraient pas relever que du garde des Sceaux. Comme pour nos collègues du siège, elles devraient être soumises à l’avis conforme du Conseil Supérieur de la Magistratu­re.

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Xavier Bonhomme, procureur de la République de Nice.

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