Nice-Matin (Cannes)

Ugo Garrido jongle avec ses souvenirs

Jongleur star des années 1950 à 1970, invité vedette des plus grands shows en compagnie des plus grands artistes de son époque, il vit sa retraite à Cannes en toute modestie, à 85 ans.

- ALEXANDRE CARINI acarini@nicematin.fr

Il n’a plus la dextérité ni la vivacité d’antan, lorsqu’il était un jongleur bondissant, scintillan­t et toujours souriant. Mais à 85 ans, Ugo Garrido, Italien à l’air hidalgo, porte encore beau. Les cheveux lisses tirés par un catogan, l’oeil coquin et la stature encore svelte. Dans son modeste appartemen­t cannois, le voilà qui s’extirpe de son canapé. Sous l’oeil admiratif de sa petite fille, Dana, le vieil homme ouvre le tiroir d’une commode et en extirpe une massue en bois. Cet objet qui a fait sa gloire jadis, lorsqu’il en jouait avec une aisance déconcerta­nte.

Mains… et pieds !

Ugo est pourtant l’héritier des circassien­s Frediani, une lignée d’acrobates à cheval depuis trois génération­s. Mais son dada à lui, ce fut ces espèces de quilles qui lui donneront réputation à travers le globe, bien au-delà d’un tour de piste. « J’étais l’exception de la famille, parce que j’étais le seul à faire du jongle. Au fil des années, j’ai créé mon propre numéro ».

Enfant singulier, mais aussi particuliè­rement doué. Qui fait tourner ses quilles à une vitesse vertigineu­se, des mains… comme des pieds ! Né à l’aube de la guerre en 1936, le petit Ugo doit suivre sa famille de saltimbanq­ues, brinquebal­ée par le conflit civil en Espagne, le fascisme de Mussolini en Italie. Sa mère andalouse décède lorsqu’il n’a que six ans. Mais l’enfant s’aguerrit très vite dans le sillage d’amerigo, son père prénommé ainsi parce qu’il a été conçu aux States. Lors d’un show donné au Casino d’estoril, l’agent artistique d’un couple de danseurs français repère le jeune prodige. Flaire le talent unique. L’incroyable carrière débute donc en France, où Ugo partage très vite l’affiche des théâtres et casinos en compagnie de Zizi Jeanmaire, Jacques Brel, et autres Raymond Devos. « Une, deux, trois massues, pas plus. Mais un numéro d’environ huit minutes, digne du grand musichall américain, qui lui demande des heures d’entraîneme­nt chaque jour ». Impression­nés lors d’un passage au Palais Méditerran­ée de Nice (après le Palais de Cannes), les Aiglons champions de France (1957) convient l’artiste passionné de foot à leur table.

« Comme je jonglais bien avec mes pieds, ils m’ont aussi proposé de venir taper le ballon avec eux, mais là, j’ai soudain trouvé une excuse pour m’esquiver ! »

Trahi par son genou

En revanche, ses jongles parcourent le monde, dont onze passages au grand « Ed Sullivan Show », le must du must. En 1961, il se produit même devant la reine d’angleterre, au théâtre The Prince Wales, parmi les artistes invités par Elisabeth II : un jongleur « anobli » ! Hélas, tout roi du cirque tombe un jour de son trône. Lors d’une répétition, Ugo se blesse grièvement au genou. Fin de carrière, à 36 ans. Fabricant de pâtes fraîches, pizzaïolo, il devra exécuter des petits boulots pour s’assurer une maigre retraite. Depuis, il n’a plus réellement touché une massue du bout de ses doigts meurtris, Reste les riches souvenirs d’un brillant artiste, qui a jonglé avec tous les honneurs de la vie.

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 ?? (Photos Dylan Meiffret et DR) ?? A  ans, Ugo Garrido-frediani brandit sa massue, mais ne jongle plus qu’avec ses beaux souvenirs...
(Photos Dylan Meiffret et DR) A  ans, Ugo Garrido-frediani brandit sa massue, mais ne jongle plus qu’avec ses beaux souvenirs...
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