Nice-Matin (Cannes)

Ibrahim Maalouf clôt Jazz à Juan

DONNE DU SENS À SA MUSIQUE

- AGNÈS FARRUGIA afarrugia@nicematin.fr

« Ma musique ressemble à toutes les cultures : elle est en constante évolution »

Pour clore le 60e festival Jazz à Juan, le trompettis­te franco-libanais Ibrahim Maalouf et ses 15 musiciens ont enflammé la scène. Ils y ont joué le dernier album de l’artiste, S3NS, une musique festive aux couleurs du monde.

Son onzième album, S3NS (ce n’est pas un 3 mais un E à l’envers que le clavier (arg) ne connaît pas), est une palette de jazz teintée de sonorités venues d’amérique latine. Autant dire qu’avec sa trompette et ses quinze musiciens survoltés, Ibrahim Maalouf a fait swinguer le public qui assistait au dernier concert du festival. Juan-lespins, face à la mer, soleil rasant, brise légère et (bonne) musique à fond. Irrésistib­le. Le programme bien rodé a fait la part belle à l’impro. Sa spécialité. Au terme d’une interview longue de dix minutes, nous avons pu lui poser quelques questions. Rencontre.

Cet album, SNS, est-il empli de sens ou, au contraire, à contresens ?

Les deux. J’ai toujours envie de donner du sens à ma musique, et aux choses en général. C’est une forme d’apaisement. Et cet album est un mélange de sonorités festives qui parle pourtant de résilience, d’apprendre à tomber, encaisser les coups, les éviter, se relever. L’histoire de la vie en fait.

Quelles influences musicales ont bercé votre inspiratio­n sur cet opus ?

Latino-américaine­s. Cuba, Chili, Mexique, on retrouve nombre de sonorités de ces pays et c’est ce que j’aime dans ma musique, qu’elle ressemble à toutes les cultures. Au fond, ma musique est comme elles, elle est en constante évolution.

La trompette avec laquelle vous jouez est spéciale. Avec un quart de ton, ce qui donne une couleur orientale à chacun de vos morceaux. Toujours pour donner du sens ?

C’est une trompette que mon père a inventée pour cette raison. Ouvrir les portes de l’orient. Et évidemment que cela donne du sens à ma musique, à la façon dont je souhaite l’interpréte­r. C’est comme un accent que l’on n’a pas envie de perdre. Et avec cet instrument j’accorde toutes les musiques.

Il se dit que Bad de Michael

Jackson a réveillé quelque chose chez vous. Vrai ?

Oui. Quand j’avais  ou  ans, alors que je baignais dans la musique classique et orientale, on me fait écouter ce morceau de pop totalement débridé et ultraentra­înant. Eh oui, ça m’a remué, ouvert à d’autres rythmes, d’autres cultures musicales.

Pour trouver l’inspiratio­n, vous marchez dans la rue, écouteurs aux oreilles, sans aucun son qui en sortent. Pas trop dur le confinemen­t ?

Carrément. Je ne sortais quasiment pas. Je suis resté auprès de ma grand-mère, décédée depuis au bel âge de  ans. Quelque part, cela m’a permis de passer du temps avec elle. Mais il est vrai que j’ai moins marché. En effet, c’est ma technique. Je mets les écouteurs, sans son, pour me couper un peu du monde mais pas complèteme­nt. J’écoute la rue, les gens, je m’imprègne, cela m’inspire.

Vous êtes trompettis­te, compositeu­r et producteur. Certains voient d’un mauvais oeil ce côté artiste-businessma­n. Une réponse à donner ?

J’ai choisi l’indépendan­ce. Je fais peut-être ce que d’autres n’ont pas pu/voulu/su faire. Je m’autoprodui­s. C’est comme quand vous jouez dans le métro, casquette au sol. À chaque aventure, c’est un risque à courir. Je choisis de le courir.

Votre parcours est riche, éclectique, aux multiples rencontres et collaborat­ions. Que retenir de vos différents passages ici à Juan-les-pins ?

J’y ai des souvenirs incomparab­les. J’ai croisé Sting, Marcus Miller... De belles rencontres, dans un cadre merveilleu­x en bord de Méditerran­ée. Incroyable.

Vos origines libanaises me poussent à vous demander quelques mots sur la situation au Liban. Vous voulez ?

Le Liban traverse une crise d’une ampleur sans précédent. J’ai tout de même envie de diffuser un message d’espoir. Les Libanais de la diaspora ont un rôle à jouer, ils sont forts et parviendro­nt à traverser la tempête.

Prochaine date : île du Gaou, Six-fours-les-plages, samedi 31 juillet, 20 h. Tarif : 42,50 €.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France