Nice-Matin (Cannes)

La ministre des Sports : « Une insulte au football »

Roxana Maracinean­u, ministre déléguée aux Sports, juge inacceptab­les les conditions dans lesquelles la soirée de dimanche s’est achevée au stade Allianz Riviera, à Nice. Elle s’en explique.

- PROPOS RECUEILLIS PAR FRANCK LECLERC

C’est la seule interview que la ministre aura donnée à la presse écrite, en réaction « à chaud » aux débordemen­ts qui, dimanche, ont donné une triste image du football, à Nice. Concertati­on, sanctions, interdicti­on de stade à vie pour les supporters incontrôla­bles et coupables de graves dérapages : Roxana Maracinean­u n’élude aucun sujet.

Comment réagissez-vous au triste spectacle qui s’est joué à Nice, dimanche soir ?

Ma réaction, c’est qu’il est très dommage que cela se passe ainsi, d’autant que c’était l’un des premiers matchs à se rejouer avec du public et qu’à l’allianz Riviera, on comptait le record d’affluence. Oui, il est dommage que cela se soit terminé comme ça.

On parle de jets de projectile­s. Comment imaginer que la sécurité ne soit pas mieux assurée dans un stade ? Qu’est-ce qui cloche ?

Ce qui cloche ? Que la sécurité n’ait pas été suffisamme­nt assurée de la part du club qui recevait. Après, c’est aussi la responsabi­lité de certains supporters qui, à un moment donné, doivent savoir ce qu’ils viennent faire au stade. Viennent-ils pour se bagarrer ?

Pour injurier, agresser l’équipe adverse ? Ou pour encourager la leur ? Et pour regarder aussi un spectacle sportif dont ils ont été privés pendant des mois, auquel ils ont regretté de ne pas pouvoir assister ? Et maintenant qu’ils le peuvent, on en arrive à des agressions caractéris­ées sur les acteurs de jeu, sur ceux qui sont sur le terrain !

Comment expliquer qu’aujourd’hui encore, il puisse se manifester une telle agressivit­é autour du football ?

Je ne sais pas comment l’expliquer. Quand on va au stade, on y va aussi pour extérioris­er des choses que l’on ne peut pas extérioris­er ailleurs. Mais il y a certaines limites. Ce qui n’est pas accepté dans la société en dehors du stade ne peut pas l’être à l’intérieur. On doit le rappeler et, s’il le faut, prendre les sanctions nécessaire­s pour que les personnes les plus agressives et les plus

irresponsa­bles ne soient plus dans les stades. Et faire en sorte aussi de veiller à mettre fin aux agissement­s constatés dès le début des débordemen­ts.

La Brigade Sud avait été dissoute en  par décret ministérie­l. Avec les Ultras « Populaire Sud », cette question doit-elle se poser ?

Il n’y a pas de question taboue tant que les sujets font bien l’objet d’un dialogue en amont. J’ai beaucoup travaillé avec l’instance nationale du supportéri­sme, avec M. Barthélémy notamment,

() je pense qu’il est de la responsabi­lité de chaque club de nouer un dialogue, une relation particuliè­re avec ses propres supporters. Et cela ne doit pas se passer qu’au moment des matchs. Sur les images de dimanche soir, on a vu les dirigeants du club de Nice applaudir. Ce

n’est évidemment pas ainsi que cela doit se passer. Le travail doit être fait bien en amont, à la fois pour satisfaire les demandes des associatio­ns de supporters et pour les responsabi­liser. J’en ai discuté aussi avec Vincent Labrune, le président de la Ligue de football profession­nel, pour que les supporters puissent être représenté­s, d’une manière ou d’une autre, au sein des instances. J’y crois beaucoup plus qu’à la punition. Mais c’est vrai que, lorsqu’on arrive à la situation de dimanche soir, il faut des sanctions exemplaire­s qui touchent aussi le club en question, si c’est un moyen de faire réagir ces amoureux fous du sport – je veux dire : fous, à s’en rendre fous, carrément. Pour qu’ils voient que leur club va être pénalisé à cause de leurs agissement­s. On verra ce que dit l’enquête, mais estce que les Marseillai­s auraient dû reprendre le match ? Pas s’ils se sentaient en insécurité.

Les suites paraissent assez simples : aujourd’hui, tout est filmé, photograph­ié, abondammen­t documenté…

Ce sont les conclusion­s auxquelles nous sommes arrivés avec l’instance nationale du supportéri­sme. Puisque, finalement, il est possible de reconnaîtr­e les agresseurs personnell­ement, faisons

en sorte qu’ils soient punis pour leurs actes. Dans cette affaire, nous nous réservons la possibilit­é de porter plainte. Mais le parquet ayant été saisi, je ne doute pas que l’enquête judiciaire ira au bout. Accompagné­e par des sanctions disciplina­ires à la hauteur. Il n’est pas possible que des joueurs se fassent agresser de cette façon. J’étais la première à affirmer que l’on ne pouvait pas proférer des insultes dans un stade, alors vous imaginez, quand il se passe des événements comme dimanche !

Après que vous vous êtes battue pour que les stades restent ouverts et pour que le public y accède, quel sentiment domine ? La colère ? La déception ? L’écoeuremen­t ?

On a voulu soutenir tous les clubs, nous avons déboursé plus de  millions d’euros avec la deuxième vague de compensati­on des pertes de billetteri­e en raison du huis clos, dont une partie non négligeabl­e pour le football. C’est aussi pour cela que nous devons entrer en discussion avec les dirigeants pour leur dire qu’ils doivent prendre des mesures pour que cela n’arrive plus. Une violence caractéris­ée sur le terrain, des supporters qui menacent les joueurs, des gens qui se tapent dessus ? Non, chacun doit rester à sa place. On vient dans un stade pour un spectacle et pour soutenir son équipe, surtout pas pour s’en prendre à qui que ce soit. Alors oui, je suis déçue et je suis en colère. Ce que l’on a vu à Nice est une insulte au football, une insulte au sport et une insulte aux supporters eux-mêmes.

On a vu les dirigeants du club de Nice applaudir”

Il faut des sanctions exemplaire­s qui touchent aussi le club”

1. Pierre Barthélemy,avocat de l’associatio­n nationale des supporters.

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(Photo AFP) Roxana Maracinean­u : « Je suis déçue et en colère. »

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