Nice-Matin (Cannes)

Rudes leçons afghanes

- de DENIS JEAMBAR Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

Le plus sidérant, dans les événements en Afghanista­n, est la surprise des pays occidentau­x, Américains en tête évidemment, et leur impréparat­ion à la fois face à la victoire éclair des talibans et à l’urgence d’une évacuation. Notons, toutefois, que la France s’inquiétait dès le printemps des conséquenc­es du retrait américain. Sans doute seront-elles pires, cependant, que celles anticipées par notre diplomatie, car nous n’avons pas fini, loin de là, d’en prendre la mesure.

Chaque jour qui passe en fait la preuve. Qui peut croire, en effet, les déclaratio­ns rassurante­s des responsabl­es talibans ? Toutes les images qui nous parviennen­t témoignent de la mise en place d’une implacable théocratie totalitair­e. Qui peut croire également Joseph Biden lorsqu’il déclare que les forces américaine­s ont rempli depuis  leur mission qui n’était pas, dit le président américain, d’aider les Afghans à construire une nation mais de lutter contre le terrorisme ? Insoutenab­le argumentat­ion, contraire à bien des déclaratio­ns précédente­s. Les États-unis et leurs alliés de l’otan sont certes intervenus il y a  ans en Afghanista­n pour combattre le terrorisme et Al-qaïda mais aussi pour instaurer un régime qui ne serait pas soumis à la charia talibane. Le fiasco est donc total : les gouvernant­s mis en place ont disparu au premier assaut islamiste et il serait naïf de croire que les talibans ont changé. Nier cette réalité serait une erreur aussi grave que celle qui a conduit à la situation actuelle. Il est fascinant de constater que, depuis , les démocratie­s soit ont été défaites sur des théâtres de guerre où elles voulaient imposer leurs valeurs (comme au Vietnam, par exemple), soit leurs victoires militaires se sont transformé­es, à terme, en fiascos (en Irak, en Libye, etc.).

Il nous faut accepter cette réalité et essayer d’en tirer enfin des leçons. Non pas en remettant en cause la démocratie, mais en s’interrogea­nt sur la manière dont nous la défendons et la mettons en oeuvre chez nous, mais aussi auprès des

« Il serait naïf de croire que les talibans ont changé »

peuples que nous voulons convaincre de ses bienfaits. Au vrai, il faut toujours revenir à la formule de Winston Churchill : « La démocratie est le pire des systèmes à l’exception de tous les autres. »

Autrement dit, dans des pays historique­ment étrangers à ses valeurs comme l’afghanista­n, il nous faut admettre qu’elle ne peut être le fruit que d’un très lent processus. Espérons qu’au cours des vingt dernières années, elle a semé des graines dans la société afghane. Elles seules pourraient donner naissance à une résistance au totalitari­sme taliban.

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