Nice-Matin (Cannes)

Retour sur l’affaire du berger de Castellar, tué en août 

Trente ans après les faits, le meurtre de Pierre Leschiera reste irrésolu. Si la haine entre les frères Verrando et le berger était de notoriété publique, l’un d’eux serait-il malgré tout le coupable ?

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Après avoir porté plainte pour « menaces de mort » contre les trois frères de la famille Verrando, maçons et chasseurs à Castellar, en août 1991, Pierre Leschiera, dit « Pierre le Berger », était abattu quelques jours plus tard. Alors qu’il montait en direction de sa bergerie à moto, la victime, âgée de 33 ans, avait été exécutée froidement à coups de chevrotine dans le dos, avant d’être achevée à coups de crosse en pleine tête.

Les possibles raisons de la rancoeur

Les frères Verrando ne portaient pas dans leur coeur Pierre Leschiera, ce grand gaillard costaud, qui parle bien et sait tenir tête. Jalousaien­t-ils la réussite du berger avec son cheptel de près de 1 000 têtes ?

Le fait d’avoir réclamé et obtenu par la justice, à défaut des Verrando eux-mêmes, des droits de passage devant leur demeure pour mener son troupeau à la bergerie, serait-il la source de la colère ? Ou encore parce que les moutons de Pierre empiétaien­t sur le territoire de chasse et faisaient fuir le gibier ?

Pierre le Berger dérangeait-il les Verrando ou d’autres habitants de Castellar ?

Devant la justice, Francis Leschiera, le père de Pierre, relatait sans relâche les « sabotages » dont avait été victime son fils mais aussi « les chiens lâchés sur son troupeau », « les pneus de sa moto crevés », « le toit de sa bergerie criblé de plombs ».

Pour Francis, pas de doute possible, les frères Verrando sont les coupables.

Procès et acquitteme­nts en série

Alain Verrando soupçonné en premier à cause de résidus de poudre sous ses ongles (lire ci-dessous), qui n’avait aucun alibi et donnait des versions changeante­s sur son emploi du temps, avait été mis en examen. Après huit ans d’enquête rocamboles­que et trois juges d’instructio­n, le suspect avait été renvoyé devant les assises des Alpesmarit­imes en 1999, avant d’être acquitté trois ans plus tard.

Son neveu, Jérôme Verrando, alors cité comme simple témoin à la barre, avait été mis en cause par les avocats de son oncle. Le jeune homme, âgé de 16 ans au moment des faits, avait également proféré des menaces de mort à l’encontre de Pierre Leschiera. Il était désormais aussitôt soupçonné par la justice et mis en examen avant d’être acquitté en 2007. Un rebondisse­ment qui a brisé la cohésion de la famille réputée la plus influente de Castellar. Il a rendu furieux le père de Jérôme qui a dégainé à son tour, en suggérant quelques jours plus tard une participat­ion de son propre frère au meurtre de Pierre le Berger. Les deux inculpés étaient ensuite rejugés en appel en 2008. L’avocat général réclamait l’acquitteme­nt de Jérôme mais demandait 20 ans de réclusion pour Alain.

Après deux heures de délibérati­on, les jurés acquittaie­nt à nouveau Jérôme et Alain Verrando faute d’élément nouveau pour étayer l’accusation. À l’énoncé du verdict, la fille de Pierre Leschiera, Laure, qui n’avait que 6 ans au moment du meurtre, n’avait pas pu retenir ses larmes.

L’état indemnise les protagonis­tes

En 2012, pour rattraper le plus gros fiasco judiciaire de la Côte d’azur, l’état procédait à différente­s indemnisat­ions. Alors qu’alain Verrando, qui avait passé dix mois en prison, réclamait 500 000 euros , il ne touchera que 36 000 euros au titre de préjudice matériel et moral. Le tribunal de grande instance de Nice lui accordait 156 000 euros supplément­aires, au titre de dysfonctio­nnement de l’enquête. Au titre du préjudice moral, la Commission d’indemnisat­ion des victimes d’infraction­s (CIVI) allouait 30 700 euros à la fille de Pierre, 25 000 euros à sa compagne, 12 000 euros à ses parents et 10 000 euros à sa soeur.

En juillet 2013, la famille Leschiera était déboutée de son action en justice contre l’état. Les proches de Pierre avaient en effet réclamé 225 000 euros de dommages et intérêts, en invoquant une faute lourde de l’état. Le tribunal de grande instance de Paris avait estimé qu’il n’était pas possible de reprocher « à l’autorité judiciaire de ne pas être parvenue à identifier le ou les auteurs du crime, dès lors (...) que celleci a accompli toutes les diligences nécessaire­s pour y parvenir ».

Pour autant, la famille de Pierre ne lâche rien et la procédure pour obtenir une inculpatio­n de l’état est toujours en cours.

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(DR) Alors qu’il montait en direction de sa bergerie à moto, Pierre Leschiera, âgée de  ans, avait été exécuté froidement à coups de chevrotine dans le dos, avant d’être achevé à coups de crosse en pleine tête.
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(Photo archives N-M) En , les parents de Pierre Leschiera ouvraient pour nous l’album de famille.

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