Nice-Matin (Cannes)

La conquête planétaire d’homo sapiens : une affaire de climat

-

Avant sa grande expansion mondiale hors d’afrique, il y a environ   ans, Homo sapiens s’est aventuré à plusieurs reprises en Eurasie, guidé principale­ment par les variations climatique­s qu’une étude parue, hier dans Nature Communciat­ions, permet de retracer. La théorie Out of Africa, selon laquelle nos premiers ancêtres humains modernes sont apparus en Afrique il y a   ans, et l’ont quittée pour coloniser les continents voisins, fait globalemen­t consensus. La grande majorité des données archéologi­ques et génétiques plaident en faveur d’une migration massive il y a entre   et   ans, initiant l’expansion d’homo sapiens à travers la planète, d’où les autres espèces d’humains, comme Néandertal, ont fini par disparaîtr­e. Mais difficile de savoir quand ces vagues de migrations ont eu lieu, pourquoi et par quelles routes, tant le registre fossile et les traces D’ADN sont ténus. Pour combler ce manque, des scientifiq­ues ont reconstitu­é l’histoire des variations paléoclima­tiques sur une échelle de

  ans, à l’aide des derniers modèles de simulation climatique haute résolution. Jusqu’à récemment, ces modèles ne remontaien­t que jusqu’à

  ans. Ils ont combiné ces données avec des estimation­s de la quantité minimale de pluie requise par ces hommes, des chasseurs-cueilleurs, pour survivre à des changement­s climatique­s extrêmes : un seuil de  mm de précipitat­ions par an, en dessous duquel aucune trace humaine n’a été enregistré­e, et qui est proche de celui des zones désertique­s.

Leurs résultats permettent d’évaluer les fenêtres d’expansion, où Homo sapiens a mis à profit des conditions météorolog­iques clémentes pour quitter son berceau africain, à des dizaines de milliers d’années intervalle­s.

Deux chemins s’offraient à lui pour gagner la péninsule arabique : par le nord de la mer Rouge (via l’égypte actuelle puis le Sinaï), ou par le sud, via le détroit de Bal el-mandeb séparant, aujourd’hui, Djibouti et le Yémen.

La voie du Nord plus difficile

La voie du nord s’est ouverte par intermitte­nce, notamment avant la première période interglaci­aire, entre   et -   ans. Les conditions climatique­s l’ont rendue ensuite trop aride pour une occupation humaine durable. Elle s’est rouverte de -   ans à -   ans, avant de se refermer à nouveau... Les opportunit­és de traverser la mer Rouge par le sud auraient été plus nombreuses – mais en partant du postulat qu’une traversée maritime était faisable. L’étude décrit notamment trois longues périodes combinant climat suffisamme­nt humide et niveau de la mer relativeme­nt bas, dont la première se situe entre

  et   ans. A contrario ,de  à -   ans, le niveau des mers était particuliè­rement élevé, rendant peu probable une traversée .... tandis que par l’égypte, une fenêtre s’ouvrait à nouveau. Ces scénarios, soulignent les chercheurs, sont « entièremen­t compatible­s » avec les données archéologi­ques existantes, de même qu’avec « les datations du croisement génétique entre Sapiens et Néandertal, entre -   et -   ans ».

Ils concluent que les incursions trop intermitte­ntes d’humains d’afrique, et la concurrenc­e possible avec d’autres groupes d’hominidés, ont peut-être empêché Homo sapiens de s’installer définitive­ment en Eurasie à l’époque. En revanche, la période située entre -   ans et -   ans a bénéficié de conditions climatique­s particuliè­rement favorables, avec un détroit de Bal el-mandeb alors large de seulement  km. Un terrain idéal pour qu’homo sapiens s’aventure pour de bon hors de l’afrique et colonise la planète.

Newspapers in French

Newspapers from France