Nice-Matin (Cannes)

Valérie Garnier : « J’ai J’ai vu dans leur regard qu’elles voulaient la même chose.”

Deux semaines après avoir ramené la médaille de bronze des JO de Tokyo, la sélectionn­euse des Bleues, Valérie Garnier, nous a accordé un long entretien, chez elle à Carqueiran­ne.

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Le  août dernier à Tokyo, elles ont participé au festin du sport collectif français. En battant la Serbie (-), les joueuses de l’équipe de France de basket ont décroché la médaille de bronze. Une revanche éclatante face à une équipe qui les avait privées du titre européen, six semaines plus tôt.

À la tête des Bleues depuis , la sélectionn­euse Valérie Garnier vient d’apporter une deuxième médaille olympique au basket féminin français, après l’argent de Londres (). Elle totalise également quatre médailles d’argent lors des cinq derniers Eurobasket. Peu le savent mais Valérie Garnier, native de Cholet (Maine-et-loire) a débuté sa carrière d’entraîneur à Carqueiran­ne en  (NF puis NF). Elle avait trente ans et y est restée sept années. De quoi nouer de fortes amitiés et tomber amoureuse du village et ses alentours. Alors, quand en , elle quitte Istanbul et le club de Fenerbahçe, c’est le Var qu’elle choisit à nouveau pour poser ses valises.

La semaine dernière, soit dix jours seulement après avoir livré la dernière bataille de Tokyo, Valérie Garnier a accepté de se livrer lors d’un long entretien sur le port de Carqueiran­ne. Un moment privilégié avec une sélectionn­euse épuisée mais si heureuse d’exercer sa passion et sa fonction. Jusqu’aux Jeux de Paris ? Sa fédération doit se prononcer prochainem­ent sur son éventuelle prolongati­on. En attendant, on l’écoute évoquer le tournoi, la vie confinée au village olympique, l’avenir de l’équipe de France et le lien fort qui l’unit à son village préféré.

Vous venez de vivre une folle aventure couronnée par une médaille de bronze. Pour vous, quelle valeur a-t-elle ?

Ce n’est pas de l’or mais ce n’est pas donné à tout le monde de revenir avec une médaille olympique. Dans le basket féminin, que ce soit aux Mondiaux ou aux JO, l’or appartient aux États-unis. Ça ne laisse donc que deux médailles aux autres. On aurait pu envisager la deuxième place mais on est tombé sur une équipe du Japon qui nous a battus deux fois. Ça doit vouloir dire qu’elle est meilleure que nous. En battant l’espagne en quart et la Serbie pour la médaille, on est la meilleure nation européenne du tournoi. On est très proche de l’australie, du Canada, de l’espagne ou de la Belgique, qui n’ont rien ramené. Cette médaille a cette valeur-là. Vous savez, quand on commence une carrière, on ne sait pas si on aura une médaille olympique dans sa vie. Finir une compétitio­n sur une victoire et une médaille, ça a été un grand bonheur. D’autant qu’il a fallu basculer très vite après la demi-finale perdue. On jouait seize heures après…

Comment avez-vous réussi cette prouesse ?

La défaite face au Japon a été difficile à avaler. Il y a eu beaucoup de déception, de frustratio­n, de colère. Avec mon staff, on a dû dormir deux heures afin de préparer le match face à la Serbie. J’avais écrit des choses, je voulais faire passer des messages mais quand je me suis levée, j’avais une conviction différente et des messages qui étaient autres. J’avais la conviction qu’on irait chercher cette médaille. Et quand j’ai retrouvé les filles pour la vidéo, j’ai vu dans leurs regards qu’elles voulaient la même chose. Sur un terrain, les Serbes ne lâchent rien. Il fallait leur voler la confiance et relever le défi de l’engagement. C’est ce qui s’est passé.

Encore fallait-il tenir sur la durée…

On avait cette volonté et je leur avais dit qu’on ferait des rotations toutes les quatre minutes. Avec ce rythme d’engagement et cette intensité physique, je pense qu’on a un peu étouffé les Serbes. On avait choisi de cibler Vasic et Brooks très rapidement pour leur faire faire des fautes. C’est ce qui s’est passé.

Les Bleues reviennent de loin dans ce tournoi…

Ce tournoi a été fort en émotions car en poules, on est avec les États-unis, le Japon et le Nigeria, soit le groupe qui a fourni les trois équipes médaillées. Face aux États-unis, on devait gagner ou perdre de moins de  points sinon on rentrait à la maison. On a fait un très, très gros match face à des Américaine­s qui n’ont jamais lâché. Elles n’ont pas vraiment compris pourquoi on a exulté de joie à la fin, malgré la défaite, mais ça nous donnait un billet pour les quarts. Face à l’espagne, on n’a pas voulu baisser la tête devant l’équipe qui a cette faculté à nous faire baisser la nôtre.

Après la victoire pour la place de troisième, vous, qui êtes plutôt réservée, explosez de joie…

Comme en quarts, parce que le projet, c’était deux médailles pendant l’été. Certains diront que c’est encore une médaille d’argent à l’euro (la cinquième d’affilée) oui, mais bon l’espagne qui coorganisa­it l’euro avec la France est sortie en huitièmes et en quarts aux Jeux. On peut avoir des regrets pour la finale de l’euro mais on n’a pas mis les mêmes ingrédient­s que pour le match de la médaille à Tokyo.

Comment avez-vous vécu ce feu d’artifice du sport collectif français ?

On avait interdicti­on de sortir du village olympique. Dans le bâtiment France, on logeait au quatorzièm­e étage avec l’équipe masculine. C’est la force des JO. Les garçons savaient que toutes les filles étaient derrière eux et vice-versa. Le hand était au treizième, le volley au douzième. On se croisait dans l’ascenseur et on s’encouragea­it. On se parlait depuis les coursives. On a échangé avec Laurent Tillie, après ses deux défaites en poules, et il a décroché l’or ! On a aussi beaucoup échangé avec Vincent Collet. On a fait partie du même groupe de développem­ent pendant l’année, on a entraîné le pôle France ensemble. À ce propos, si le basket féminin veut franchir une marche, c’est en allant vers le basket masculin dans le rythme, la vitesse, les passes, les appuis. Les Américaine­s s’entraînent face à des hommes.

C’est un vrai sujet de réflexion.

Vous êtes en vacances, mais ressassez-vous l’échec tactique ou l’impuissanc­e face au Japon ?

Si on définit le basket comme un sport de course, de mouvement, de passes et d’adresse, le Japon coche toutes les cases. Cette équipe a marqué une moyenne de  à  paniers à trois points par match, c’est énorme. Dès que tu en oublies une, ça tombe ! Toutes les équipes européenne­s ont eu du mal car elles jouent avec des grandes, moins mobiles y compris sur les extérieurs. Les Japonaises nous ont emmenés dans un jeu de mouvement, difficile à contenir. Passer en zone face à une équipe qui a ce taux d’adresse nous aurait mises encore plus en danger.

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Valérie Garnier et ses joueuses ont décroché la deuxième médaille olympique du basket féminin français.
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