« Sauvegarder la posidonie est un enjeu important »
Après deux ans à la tête de la préfecture maritime de la Méditerranée, l’heure de la retraite est venue pour l’amiral Isnard. L’occasion de revenir sur sa politique de défense de l’environnement.
Demain, le vice-amiral d’escadre, Laurent Isnard, fera ses adieux aux armes. Après trente-sept ans de carrière, il tourne la page, quitte la Marine nationale. Indifférent aux pressions, mais toujours dans une démarche de concertation, il lègue à son successeur les premiers jalons d’une réglementation ambitieuse pour la préservation de l’environnement et des fonds marins. Notamment toute une série d’arrêtés interdisant aux navires de vingt-quatre mètres et plus de mouiller dans les herbiers de posidonie, considérés comme de véritables « poumons de la Méditerranée ».
Quel bilan tirez-vous de la première saison d’application des arrêtés interdisant le mouillage des navires de mètres et plus dans les herbiers de posidonie ?
Il est encore un peu tôt pour tirer un bilan chiffré. Mais grâce à la surveillance des sémaphores, quelque bateaux se trouvant en infraction ont été repérés. Ces infractions ont été constatées principalement de l’est-var jusqu’à la frontière italienne et en Corse du Sud. Pour l’essentiel, il s’agissait de navires de à m, battant pavillon étranger, qui n’étaient pas au courant des dernières réglementations. Après les avoir informés, dans une démarche pédagogique, ils ont accepté sans problème de changer de position et n’ont donc pas été verbalisés.
Pour les rares récidivistes, je rappelle qu’ils risquent une amende pouvant aller jusqu’à
euros et une peine d’un an d’emprisonnement.
Ces nouvelles contraintes ontelles, comme le craignaient les professionnels du yachting en début de saison, conduit à une désaffection de nos côtes ?
Non. Si j’en crois les statistiques ayant trait au nombre d’interventions en mer réalisées par les services de l’état, en hausse de % par rapport à l’été , je peux affirmer que l’activité a été très soutenue encore cet été. Pour être clair, je rappellerai que cette réglementation pour protéger les herbiers de posidonie n’est pas destinée à nuire à la plaisance. Mais pour rendre cette activité compatible avec la protection de l’environnement. Globalement, les propriétaires de yachts, sensibles à ces questions-là, l’ont d’ailleurs très bien compris.
La posidonie est une espèce officiellement protégée depuis . Comment expliquez-vous qu’il ait fallu attendre plus de trente ans afin que les herbiers soient protégés concrètement ?
Il y a d’abord une prise de conscience collective sur les questions environnementales. Mais ce n’est pas la seule raison. Grâce aux satellites, on peut désormais élaborer une cartographie précise des herbiers de posidonie.
Quasiment au centimètre près, on sait où se trouvent les posidonies vivantes, mortes ou disparues.
Quand vous arrivez en réunion avec ces cartes sous le bras, vous pouvez commencer à négocier avec les différents usagers de la mer, regarder comment mieux préserver ces herbiers.
Surtout si vous gardez à l’esprit que les posidonies ne poussent que d’un centimètre par an.
Pourquoi la survie des herbiers de posidonie est-elle si importante ?
Les avantages de la posidonie ne manquent pas. Nurserie pour un grand nombre de poissons, elle filtre l’eau, amortit la houle et produit de l’oxygène : jusqu’à litres par mètre carré d’herbier et par jour ! Et depuis quelques années, on sait que les herbiers constituent aussi des puits de carbone. À surface égale, un herbier de posidonie est capable de stocker à fois plus de carbone qu’une forêt tropicale. Leur sauvegarde est un enjeu important.
Outre l’interdiction de mouiller dans les herbiers, quelles autres solutions proposez-vous ?
On travaille au développement de zones de mouillage et d’équipement léger. Que ce soit à Port-cros où bouées ont été installées, ou à Bonifacio qui dispose de coffres pour la plaisance, ça fonctionne très bien. D’autres projets, qui peuvent bénéficier du plan de relance, sont à l’étude. Notamment à Ramatuelle et dans les calanques de Cassis. Pour favoriser le développement de ces solutions alternatives, un séminaire, visant à aider les collectivités locales à monter leur dossier et trouver des financements, se tiendra à Marseille, le octobre.
On est vraiment dans une approche constructive.
Outre la posidonie, sur quels dossiers environnementaux travaillez-vous ?
Sur la réduction des bruits sousmarins rayonnés qui perturbent la faune marine. Dans le cadre du projet PIAQUO, on cherche à réduire les nuisances sonores sous-marines émises par les navires. Un domaine dans lequel excelle la Marine nationale. La simple diminution de la vitesse des navires peut donner des résultats, mais des études sont également menées sur la construction, la motorisation et le dessin des hélices.
Avant d’être nommé préfet maritime de la Méditerranée il y a deux ans, étiez-vous sensibilisé à la protection des posidonies ?
Je suis nageur de combat, ancien du Commando Hubert. Je pratique encore régulièrement la plongée. Comme n’importe quel citoyen, je suis sensible à mon environnement. Donc, oui, j’étais sensibilisé à la protection des posidonies. Et de la Méditerranée en général, un petit espace, contraint, fragile qui subit les activités humaines de ses vingt et un pays riverains.