La maladie de Lyme détectée
Un jeune interne en médecine niçois a découvert que des tiques, vecteurs de la maladie de Lyme, étaient bien présentes dans les Alpes-maritimes, entre 400 et 1 200 m d’altitude.
Des cas ponctuels de borréliose de Lyme sont régulièrement enregistrés dans les Alpes-maritimes. Mais se référant à des recherches conduites dans les années soixante-dix et ayant conclu à l’absence de la tique vectrice de cette infection dans le département, il est systématiquement signifié à ces malades qu’ils ont été probablement mordus à l’occasion d’un déplacement dans une autre région.
En 2016, un cas ébranlait ce dogme : une maladie de Lyme était, en effet, diagnostiquée chez un forestier vivant dans l’arrièrepays niçois et qui, preuves à l’appui, se défendait d’avoir quitté le département depuis plus de dix ans. Mais ce cas avéré de Lyme non importé ne parvenait pas à mettre fin au dogme. Et en septembre 2020, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (1), dans son dernier rapport, continuait de conclure à l’absence d’ixodes ricinus, l’espèce de tiques principales vectrices de la maladie de Lyme, dans les Alpesmaritimes.
Plus de 1000 tiques prélevées dans tout le moyen pays
Comment expliquer le phénomène, alors que ces tiques sont présentes sur la quasi-totalité du territoire ? Principale hypothèse avancée : un climat très sec, défavorable à son développement. Réponse insuffisante pour Jacques Sevestre, un jeune interne en biologie médicale « passionné par les petites bêtes et les maladies qu’elles transmettent ». Dans le cadre de son master en sciences, le futur médecin décide d’aller vérifier luimême, sur le terrain ce qu’il en est réellement : « Je souhaitais
(2) évaluer en vie réelle le risque d’attraper certaines maladies transmises par les tiques et en particulier la borréliose de Lyme. » C’est ainsi que pendant plus de deux ans (de mai 2018 à septembre 2020), le jeune homme va arpenter les sentiers de randonnée et de chasse du moyen pays, armé de… drapeaux. « La méthode du drapeau (dragging method) permet de prélever les tiques à l’affût en simulant le passage d’un hôte. Ce leurre mécanique est réalisé à partir d’une pièce de tissu, appelée drapeau, qu’on attache à un bâton ; les tiques, à l’affût en haut des brins d’herbe s’accrochent aux tissus en pensant qu’il s’agit d’un hôte. » Accompagné parfois d’autres étudiants, l’interne en médecine couvrira un large territoire : « La Roya, le Mercantour, l’arrière-pays grassois, le plateau de Caussols… » Une chasse très fructueuse, puisqu’elle lui permettra de prélever plus de 1 000 tiques dont un certain nombre sur… lui ! « Si on les retire très vite, dans les douze heures qui suivent leur fixation, le risque d’être infecté par la morsure est quasiment nul », tempère l’interne.
10 % des tiques infectées par des Borrelia du groupe Lyme
Cette « banque de tiques » issue du terrain va être enrichie d’une centaine de tiques retirées sur des patients reçus en consultation à l’hôpital à la suite de morsures, et d’une cinquantaine d’autres fournies par des chasseurs les ayant prélevées sur des animaux abattus.
Riche de ces 1 232 tiques, conservées dans des pots stériles, et identifiées en fonction de critères morphologiques, Jacques Sevestre peut alors conduire la seconde partie de son projet : étudier, en utilisant des techniques très innovantes, le portage par ces tiques, d’agents potentiellement pathogènes pour l’homme, et notamment la bactérie Borrelia.
« Nous avons identifié six espèces différentes sur le territoire (il existe une quarantaine d’espèces en
France) ; mais c’est Ixodes ricinus, potentiel vectrice de la maladie de Lyme qui était la plus représentée : plus de 70 % des tiques prélevées. Et 10 % d’entre elles étaient infectées par des Borrelia du groupe Lyme. Soit une proportion assez similaire à ce qui est observé dans d’autres régions. »
Des résultats clairs, aussitôt publiés dans une revue scientifique et qui revêtent un intérêt majeur pour les autorités de santé régionales, les médecins, et tous les pratiquants de loisirs en zone verte. Jacques Sevestre rappelle , pour conclure, que « lorsque l’on est mordu par une tique, on ne sent rien. C’est quelques jours plus tard qu’apparaît, en cas d’infection, une cocarde rouge qui s’étend. Généralement, un traitement antibiotique, en cas d’infection permet de se rétablir. C’est plus ennuyeux lorsque la tique mord dans des zones difficiles à repérer : plis, aisselles, etc. Mais il faut savoir que, même en cas de morsure par une tique contaminée, le risque de transmission de la maladie de Lyme reste faible, évalué à moins de 10 %. Et que le système immunitaire est généralement capable d’éliminer la bactérie pathogène. »
1. L’ECDC est une agence de UE qui a été créée en 2005 pour aider l’europe à mieux se défendre contre les maladies infectieuses telles que la grippe, les maladies d’origine alimentaire et hydrique, et le Vih/sida.
2. Ces recherches ont été encadrées par le service de parasitologie du CHU de Nice et L’IHU Méditerranée Infection de Marseille.