Nice-Matin (Cannes)

La maladie de Lyme détectée

Un jeune interne en médecine niçois a découvert que des tiques, vecteurs de la maladie de Lyme, étaient bien présentes dans les Alpes-maritimes, entre 400 et 1 200 m d’altitude.

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Des cas ponctuels de borréliose de Lyme sont régulièrem­ent enregistré­s dans les Alpes-maritimes. Mais se référant à des recherches conduites dans les années soixante-dix et ayant conclu à l’absence de la tique vectrice de cette infection dans le départemen­t, il est systématiq­uement signifié à ces malades qu’ils ont été probableme­nt mordus à l’occasion d’un déplacemen­t dans une autre région.

En 2016, un cas ébranlait ce dogme : une maladie de Lyme était, en effet, diagnostiq­uée chez un forestier vivant dans l’arrièrepay­s niçois et qui, preuves à l’appui, se défendait d’avoir quitté le départemen­t depuis plus de dix ans. Mais ce cas avéré de Lyme non importé ne parvenait pas à mettre fin au dogme. Et en septembre 2020, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (1), dans son dernier rapport, continuait de conclure à l’absence d’ixodes ricinus, l’espèce de tiques principale­s vectrices de la maladie de Lyme, dans les Alpesmarit­imes.

Plus de 1000 tiques prélevées dans tout le moyen pays

Comment expliquer le phénomène, alors que ces tiques sont présentes sur la quasi-totalité du territoire ? Principale hypothèse avancée : un climat très sec, défavorabl­e à son développem­ent. Réponse insuffisan­te pour Jacques Sevestre, un jeune interne en biologie médicale « passionné par les petites bêtes et les maladies qu’elles transmette­nt ». Dans le cadre de son master en sciences, le futur médecin décide d’aller vérifier luimême, sur le terrain ce qu’il en est réellement : « Je souhaitais

(2) évaluer en vie réelle le risque d’attraper certaines maladies transmises par les tiques et en particulie­r la borréliose de Lyme. » C’est ainsi que pendant plus de deux ans (de mai 2018 à septembre 2020), le jeune homme va arpenter les sentiers de randonnée et de chasse du moyen pays, armé de… drapeaux. « La méthode du drapeau (dragging method) permet de prélever les tiques à l’affût en simulant le passage d’un hôte. Ce leurre mécanique est réalisé à partir d’une pièce de tissu, appelée drapeau, qu’on attache à un bâton ; les tiques, à l’affût en haut des brins d’herbe s’accrochent aux tissus en pensant qu’il s’agit d’un hôte. » Accompagné parfois d’autres étudiants, l’interne en médecine couvrira un large territoire : « La Roya, le Mercantour, l’arrière-pays grassois, le plateau de Caussols… » Une chasse très fructueuse, puisqu’elle lui permettra de prélever plus de 1 000 tiques dont un certain nombre sur… lui ! « Si on les retire très vite, dans les douze heures qui suivent leur fixation, le risque d’être infecté par la morsure est quasiment nul », tempère l’interne.

10 % des tiques infectées par des Borrelia du groupe Lyme

Cette « banque de tiques » issue du terrain va être enrichie d’une centaine de tiques retirées sur des patients reçus en consultati­on à l’hôpital à la suite de morsures, et d’une cinquantai­ne d’autres fournies par des chasseurs les ayant prélevées sur des animaux abattus.

Riche de ces 1 232 tiques, conservées dans des pots stériles, et identifiée­s en fonction de critères morphologi­ques, Jacques Sevestre peut alors conduire la seconde partie de son projet : étudier, en utilisant des techniques très innovantes, le portage par ces tiques, d’agents potentiell­ement pathogènes pour l’homme, et notamment la bactérie Borrelia.

« Nous avons identifié six espèces différente­s sur le territoire (il existe une quarantain­e d’espèces en

France) ; mais c’est Ixodes ricinus, potentiel vectrice de la maladie de Lyme qui était la plus représenté­e : plus de 70 % des tiques prélevées. Et 10 % d’entre elles étaient infectées par des Borrelia du groupe Lyme. Soit une proportion assez similaire à ce qui est observé dans d’autres régions. »

Des résultats clairs, aussitôt publiés dans une revue scientifiq­ue et qui revêtent un intérêt majeur pour les autorités de santé régionales, les médecins, et tous les pratiquant­s de loisirs en zone verte. Jacques Sevestre rappelle , pour conclure, que « lorsque l’on est mordu par une tique, on ne sent rien. C’est quelques jours plus tard qu’apparaît, en cas d’infection, une cocarde rouge qui s’étend. Généraleme­nt, un traitement antibiotiq­ue, en cas d’infection permet de se rétablir. C’est plus ennuyeux lorsque la tique mord dans des zones difficiles à repérer : plis, aisselles, etc. Mais il faut savoir que, même en cas de morsure par une tique contaminée, le risque de transmissi­on de la maladie de Lyme reste faible, évalué à moins de 10 %. Et que le système immunitair­e est généraleme­nt capable d’éliminer la bactérie pathogène. »

1. L’ECDC est une agence de UE qui a été créée en 2005 pour aider l’europe à mieux se défendre contre les maladies infectieus­es telles que la grippe, les maladies d’origine alimentair­e et hydrique, et le Vih/sida.

2. Ces recherches ont été encadrées par le service de parasitolo­gie du CHU de Nice et L’IHU Méditerran­ée Infection de Marseille.

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(DR) La tique [en incrustati­on] a besoin de beaucoup d’humidité pour vivre ce qui explique qu’il est très peu probable de se faire mordre sur le littoral. Jacques Sevestre [ci-dessus] a récolté les tiques entre  et   m d’altitude.

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