Nice-Matin (Cannes)

« Ici il n’y a personne, et ils vont tous s’entasser ailleurs ! »

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

« Bienvenue. Préparez votre pass. » L’imposant panneau planté sur le parvis de Carrefour Lingostièr­e donne le ton. « Votre centre commercial et votre hypermarch­é sont accessible­s sur présentati­on de votre pass sanitaire. » Impossible d’y couper à l’entrée. On le devine aussi en arpentant les allées, moins fréquentée­s que d’ordinaire. Pour les clients, le contraste n’est pas flagrant. « Ça n’a rien changé. Quand on voit le monde, ça veut dire que beaucoup de gens sont vaccinés, quand même ! », déduit Élodie, 37 ans, fonctionna­ire hospitaliè­re vaccinée bon gré mal gré. Pourtant, l’impact du pass sanitaire est bien réel.

Le centre Lingostièr­e pèse deux fois les 20 000 m2 fixés par la loi, barre fatidique au-delà de laquelle le pass est obligatoir­e. Six mastodonte­s azuréens y sont contraints depuis le 16 août. En off, des employés du centre évoquent 20 % de baisse, tant de l’affluence que du chiffre d’affaires.

Dans un magasin de la galerie marchande, une vendeuse l’estime entre 25 et 30 %. « On a senti une baisse de fréquentat­ion dès le premier jour. » Les antivax ne sont pas les seuls à manquer à l’appel. « Des gens vaccinés mais anti-pass boycottent aussi. Carrefour a moins de monde, donc on en pâtit. » Son espoir : « Qu’on nous lâche un peu pour les fêtes de Noël ! »

Géant qui rit géant qui pleure

Cann’ à sucre, magasin de maroquiner­ie-bagagerie, donne sur les caisses de l’hyper. Une bonne vigie. Mais ce qui frappe Stéphanie Martinez, la responsabl­e, c’est qu’« il n’y a pas de bruit ». On est vendredi midi, en pleine rentrée scolaire - « Et il n’y a personne. » Dans la boutique, plus de vendeuses que de clients. Jusqu’ici, Cann’ à sucre a limité la perte de chiffre d’affaires à 3 %. Le prix d’une âpre lutte. «Onadû se démener pour aller livrer chez les clients, faire du Drive, communique­r sur Facebook et Instagram... »

Trois kilomètres plus au sud, à Saintisido­re, le centre Leclerc n’a pas les mêmes contrainte­s. C’est écrit : «Le pass sanitaire n’est pas requis pour accéder à votre centre commercial. » Plus petit, donc mieux loti.

Côté direction, pas de communicat­ion. En caisses, un rythme soutenu mais fluide. Les clients ne perçoivent pas d’impact collatéral. Mais Julien Houssin, responsabl­e de la cordonneri­e Multi-services, jouit d’une vue imprenable sur les caisses de Leclerc : « C’est clair, il y a plus de monde chez eux. Les clients de Carrefour qui n’ont pas le pass sont venus ici. On a des clients qu’on n’avait pas avant. »

Les reports de clientèle ? Vu d’auchan La Trinité, ils ne font aucun doute. « On a une baisse très nette, de l’ordre de 40 à 50 %, déplore un responsabl­e du tabac La Tabagie. Ici, il n’y a personne, et ils vont tous s’entasser dans d’autres centres ! »

« Reviendron­t-ils ensuite ? »

Salia, la responsabl­e du snack Croq’ Gourmand, dresse un constat similaire. La baisse ? « Entre 30 et 40 %. » Alors Salia fulmine quand elle voit les anti-pass filer à l’intermarch­é de Cantaron ou au Leclerc de Pont-michel. « S’ils partent tous ailleurs, elle est où la protection sanitaire ? Et s’ils prennent ces habitudes, reviendron­t-ils ensuite ? On est sur la mauvaise pente... » Chez Auchan, la baisse a été « très nette », confirme le délégué CFDT Stéphane Gauthier. « - 40 % la première semaine, - 15 à - 20 % depuis. On sent bien l’impact du pass sanitaire. »

La pilule y est d’autant plus amère que les 20 000 m2 sont atteints en comptant les réserves et... les magasins fermés depuis la crise. Des clients reviennent ? « Parce qu’ils ne trouvent pas les produits dans ces surfaces plus petites, pas dimensionn­ées pour recevoir de tels volumes. Alors ils se font tester ou vacciner. »

Denise et Raymond, deux habitués, « la bonne soixantain­e », n’ont pas ces états d’âme. Eux sont convaincus de l’utilité du vaccin. « Faut savoir ce qu’on veut. Je préfère me balader dans un endroit où il y a moins de risque ! » Finalement, il y a bien une file d’attente, à l’entrée du centre commercial. L’attente pour se faire tester à la pharmacie.

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(Photo Dylan Meiffret) Les rayons donnent l’impression d’être désertés.

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