Nice-Matin (Cannes)

Dégâts collatérau­x

- D’ERIC NERI Rédacteur en chef edito@nicematin.fr

La Covid a fait de terribles dégâts : malades, intubés, morts… Mais c’était sans compter avec les dégâts collatérau­x dans les familles, entre amis, au boulot. Le vaccin et le pass sanitaire ont inoculé le virus de la discorde autour du poulet-frites du dimanche, pendant la sortie à vélo entre copains ou devant la machine à café au bureau. Le débat se fait passionnel.

Au point que le sujet est, parfois, devenu tabou pour éviter des fâcheries dans des relations sociales qui, jusqu’alors, se portaient comme un charme ou presque.

On se croirait revenu au plus fort de la Guerre froide entre ceux qui croyaient au Père tout-puissant et ceux qui vénéraient le Petit père des peuples. Entre les contempteu­rs de la dictature du prolétaria­t et les détracteur­s de l’exploitati­on de l’homme par l’homme. Heureuseme­nt, il y avait

Don Camillo et Peppone qui mettaient les rieurs de leur côté ! Mais aujourd’hui, on ne rigole plus. Les chaînes d’info et les réseaux sociaux enflamment les débats et clivent les opinions à grand renfort de médecins ou de spécialist­es en tout genre dont, à quelques exceptions près, le doute et la nuance ne sont pas toujours les premières des qualités, malgré l’extrême complexité du sujet. Pourtant, ce virus, inconnu il y a deux ans, laisse encore de nombreuses questions en suspens, alors que de nouveaux variants pointent le bout de leur nez et qu’il y a des trous dans la raquette de l’infaillibi­lité annoncée des vaccins. Ce qui ne remet pas en cause pour autant leur utilité, notamment pour les plus fragiles et les plus âgés : la forte baisse des admissions en réanimatio­n en témoigne. La limitation des libertés publiques provoquée par le pass sanitaire vaut également mieux que quelques avis définitifs et formules à l’emportepiè­ce.

Dans ce maelström, Macron, Véran, Raoult et d’autres encore subissent un lynchage inquiétant sur les réseaux. Certes, ils ne méritent sans doute pas l’excès d’honneur de leurs laudateurs, mais pas, non plus, ces tombereaux d’indignités. Certains politiques n’ont, il est vrai, rien fait pour apaiser les débats. À l’image des promoteurs de la vaccinatio­n obligatoir­e pour tous qui pourtant, dans d’autres circonstan­ces, n’ont que le mot « liberté » à la bouche. Ou des opportunis­tes qui se sont engouffrés dans le créneau des « anti » en espérant retrouver une audience en chute libre, tout en fermant les yeux sur certaines dérives intolérabl­es. On ne s’étonnera donc pas qu’une partie du grand public s’essaie au monsieur-madame-je-sais-tout. Jusqu’à la caricature : recevoir d’un ami une vidéo devenue virale qui évoque un grand complot mondial pour asservir la population ou ne plus pouvoir entamer une discussion avec un proche favorable au vaccin et au pass au motif qu’ «on peut débattre de tout sauf de ça ! »

Et si on calmait un peu le jeu ?

« On se croirait revenu au plus fort de la Guerre froide, entre ceux qui croyaient au Père tout-puissant et ceux qui vénéraient le Petit père des peuples. »

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