« Il y a un avant et un après -Septembre »
En quoi le -Septembre a changé la société américaine ?
Historiquement, les États-unis alternent entre des périodes d’ouverture sur le monde et des crises d’isolationnisme. Les attentats du -Septembre ont déclenché une période de repli sur soi, parce que le monde est dangereux et qu’il faut s’en protéger. Dans le même temps, la politique extérieure américaine a été marquée depuis le début des années par le désir de répondre et de faire la guerre contre le terrorisme qui a donné le tempo de la respiration des relations internationales. Il y a clairement un avant et un après -Septembre.
Mais dans la société américaine plus spécifiquement, quel a été l’impact de cette journée historique ?
Il me semble que ça a donné un coup de fouet aux théories complotistes. Immédiatement après le drame, certains ont contesté le fait que ce soit un acte terroriste, ou même qu’un troisième avion se soit crashé sur le Pentagone.
L’idée du « deep state »,
« l’état profond » – autrement dit que les élites complotent contre leur propre pays pour se maintenir au pouvoir – n’est pas nouvelle, mais elle a prospéré à partir du septembre .
Des réseaux conspirationnistes, avec parfois des millions de personnes, se sont construits à partir de ce moment-là.
On a assisté à une espèce de tournant lié à la peur.
Les Américains, qui n’ont jamais connu de bombardement sur leur sol, avaient tellement le sentiment de vivre dans un sanctuaire inviolable, qu’une partie d’entre eux a refusé de croire à une attaque terroriste venant de l’extérieur. Le -Septembre a aussi été un traumatisme en ce sens.
Ces attentats ont-ils provoqué des clivages dans la société américaine ? Les musulmans ont-ils été stigmatisés ?
La population musulmane, ultra-minoritaire, n’a jamais été un problème pour les États-unis. Mais le succès du livre de Samuel Huntington, Le Choc des civilisations, au début des années , a changé la donne. Progressivement, l’islam a été perçu comme un danger intérieur. Les attaques du -Septembre ont encore écorné son image. La poussée fondamentaliste n’a rien arrangé. Et pour la première fois, l’islam a fait irruption dans le débat public américain lors des élections de .
Face aux excès des Républicains qui dénonçaient la construction d’une mosquée à proximité de Ground Zero, Barack Obama est même intervenu pour défendre la liberté religieuse, l’un des fondements de la Constitution américaine.
Puisque vous parlez de liberté, comment a été vécu le loi antiterroriste adoptée dès octobre ?
Patriot Act,
Après les attentats du -Septembre, il y a comme une union sacrée derrière le président George W. Bush. Une grande partie de la population américaine, qui ne se sentait pas personnellement menacée par cette loi, l’a acceptée sans ciller.
Parmi les opposants au on a retrouvé les mouvements d’extrême droite empreints d’une très forte tradition libertaire.
Mais aussi les associations des droits de l’homme, et notamment l’american Civil Liberties Union, qui a bataillé contre Guantanamo, un trou noir juridique pour ceux qui y ont été envoyés.
Les musulmans, plus exposés, ont commencé également à se fédérer pour se défendre.