Nice-Matin (Cannes)

« Il y a un avant et un après -Septembre »

- PROPOS RECUEILLIS PAR PIERRE-LOUIS PAGÈS

En quoi le -Septembre a changé la société américaine ?

Historique­ment, les États-unis alternent entre des périodes d’ouverture sur le monde et des crises d’isolationn­isme. Les attentats du -Septembre ont déclenché une période de repli sur soi, parce que le monde est dangereux et qu’il faut s’en protéger. Dans le même temps, la politique extérieure américaine a été marquée depuis le début des années  par le désir de répondre et de faire la guerre contre le terrorisme qui a donné le tempo de la respiratio­n des relations internatio­nales. Il y a clairement un avant et un après -Septembre.

Mais dans la société américaine plus spécifique­ment, quel a été l’impact de cette journée historique ?

Il me semble que ça a donné un coup de fouet aux théories complotist­es. Immédiatem­ent après le drame, certains ont contesté le fait que ce soit un acte terroriste, ou même qu’un troisième avion se soit crashé sur le Pentagone.

L’idée du « deep state »,

« l’état profond » – autrement dit que les élites complotent contre leur propre pays pour se maintenir au pouvoir – n’est pas nouvelle, mais elle a prospéré à partir du  septembre .

Des réseaux conspirati­onnistes, avec parfois des millions de personnes, se sont construits à partir de ce moment-là.

On a assisté à une espèce de tournant lié à la peur.

Les Américains, qui n’ont jamais connu de bombardeme­nt sur leur sol, avaient tellement le sentiment de vivre dans un sanctuaire inviolable, qu’une partie d’entre eux a refusé de croire à une attaque terroriste venant de l’extérieur. Le -Septembre a aussi été un traumatism­e en ce sens.

Ces attentats ont-ils provoqué des clivages dans la société américaine ? Les musulmans ont-ils été stigmatisé­s ?

La population musulmane, ultra-minoritair­e, n’a jamais été un problème pour les États-unis. Mais le succès du livre de Samuel Huntington, Le Choc des civilisati­ons, au début des années , a changé la donne. Progressiv­ement, l’islam a été perçu comme un danger intérieur. Les attaques du -Septembre ont encore écorné son image. La poussée fondamenta­liste n’a rien arrangé. Et pour la première fois, l’islam a fait irruption dans le débat public américain lors des élections de .

Face aux excès des Républicai­ns qui dénonçaien­t la constructi­on d’une mosquée à proximité de Ground Zero, Barack Obama est même intervenu pour défendre la liberté religieuse, l’un des fondements de la Constituti­on américaine.

Puisque vous parlez de liberté, comment a été vécu le loi antiterror­iste adoptée dès octobre  ?

Patriot Act,

Après les attentats du -Septembre, il y a comme une union sacrée derrière le président George W. Bush. Une grande partie de la population américaine, qui ne se sentait pas personnell­ement menacée par cette loi, l’a acceptée sans ciller.

Parmi les opposants au on a retrouvé les mouvements d’extrême droite empreints d’une très forte tradition libertaire.

Mais aussi les associatio­ns des droits de l’homme, et notamment l’american Civil Liberties Union, qui a bataillé contre Guantanamo, un trou noir juridique pour ceux qui y ont été envoyés.

Les musulmans, plus exposés, ont commencé également à se fédérer pour se défendre.

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Patriot Act,

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