Nice-Matin (Cannes)

À Bébel demain « Là où il est aujourd’hui, il va pouvoir continuer à faire des acrobaties »

- PROPOS RECUEILLIS PAR ALAIN GRASSET

Passionné de sport et de boxe, Jean-paul Belmondo n’avait pas manqué le retour sur les rings de Tony Yoka à Antibes. Suspendu un an pour trois manquement­s aux contrôles antidopage, le champion olympique français () avait décidé de revenir à la compétitio­n sur la Côte d’azur. Plus précisémen­t à l’azurarena, un soir de juillet  face à l’allemand Dimitrenko. Dans le public,

« Bebel » avait pris place entre le musicien Maxime Nouchy et son ami Mamo, du célèbre restaurant Michelange­lo à Antibes. Les fans s’étaient pressés autour de l’acteur iconique pour tenter de décrocher un précieux selfie…

Parmi ses proches, Jean-paul Belmondo pouvait compter sur l’amitié sans faille de Claude Lelouch. L’acteur et le réalisateu­r se connaissai­ent depuis les années 60. Ils ont tourné trois films ensemble : Un homme qui me plaît ( 1989), Itinéraire d’un enfant gâté (1988) et Les Misérables (1995). Le réalisateu­r d’un homme et une femme, Palme d’or du Festival de Cannes, nous confie quelques-uns de ses souvenirs avec Bébel.

Votre première rencontre avec Belmondo date de .

Quand il est devenu une star en  avec À bout de souffle de Jean-luc Godard, Unifrance [l’organisme qui défend les films français à l’étranger, ndlr] m’a commandé un documentai­re sur Jean-paul. Nous l’avons tourné en . Nous avons fait connaissan­ce comme cela alors qu’il était en train de devenir une star. À la sortie d’a bout de souffle, Jean-paul a reçu   propositio­ns françaises et italiennes. Il a d’ailleurs beaucoup travaillé en Italie durant cette période. Et comme il ne savait pas si le succès allait durer, il s’est dit : «J’yvais!jefaistout!» Jean-paul penser alors que le succès n’allait pas durer longtemps, et il a voulu en profiter au maximum. Entre  et , il tournait trois à quatre films paran!

A l’occasion de ce documentai­re, comment les choses se passaient avec Belmondo ?

En fait, on passait notre temps à déconner. Jean-paul ne prenait rien au sérieux. Pour le documentai­re, je le suivais toute la journée à la boxe, au football, avec ses copains dont Charles Gérard qui était déjà là. J’ai tout de suite compris que pour lui ce qui était important, c’était avant tout l’amitié. J’ai senti aussi qu’il avait besoin d’être en permanence dans une cour de récréation. Après le documentai­re, j’ai continué à suivre Jean-paul sur les tournages et sur tout ce qu’il pouvait entreprend­re en dehors des plateaux de cinéma. Et puis, quand j’ai fait Un homme et une femme, il m’a rappelé en me disant :

« C’est bien qui avait le reportage sur moi ! » Je lui ai répondu par l’affirmativ­e. Et il m’a dit en plaisantan­t : « J’étais pas sûr ! » Jean-paul a ajouté : «J’aivu Un homme et une femme. Quand tu veux, on s’amuse ensemble ! » .Et nous avons décidé de tourner tous les deux.

En , vous embarquez Belmondo et Annie Girardot aux États-unis pour « Un homme qui me plaît »…

Oui ! On a traversé toute l’amérique. D’ailleurs, à chaque fois que j’ai tourné avec Jean-paul, nous n’avons cessé de voyager. Avec Itinéraire d’un enfant gâté, nous avons fait le tour du monde. Et pour Les Misérables ,ona fait le tour de France. Sur le tournage de Un homme qui me plaît, j’ai découvert un véritable Stradivari­us Jean-paul savait tout jouer. Ce qu’il y avait de formidable avec lui, c’est que quoi que je lui demande, tout passait toujours par l’humour. Il était incapable de dire un truc sérieuseme­nt. Ça c’était formidable, parce que ça permettait de tout lui faire dire. Il suffit de voir comment il a balancé le dialogue de Michel Audiard et de Philippe de Broca [le réalisateu­r de L’homme de Rio, Les Tribulatio­ns d’un Chinois en Chine]. C’était toujours joyeux. La récréation était là sur le plateau. Avec Annie Girardot et Jean-paul, j’avais la chance d’avoir deux acteurs qui s’entendaien­t à merveille. Deux acrobates ! Ils boxaient à égalité. Pour le metteur en scène que j’étais, un vrai régal. J’en garde un très souvenir.

Comment se fait-il que vous ayez dû attendre  pour retourner ensemble avec « itinéraire d’un enfant gâté » ?

Tout simplement, parce que nous étions pris tous les deux. Jean-paul était une superstar. Moi mes films marchaient très forts. J’enchaîné à cette époque film sur film. On se téléphoner pourtant avec Jean-paul, en se disant : « Quand est-ce qu’on tourne ensemble ? » Nous y sommes enfin parvenu en  avec Itinéraire.

Au bord du ring à Antibes un soir d’été 

Belmondo a été un des premiers acteurs français à se produire avec sa société Cerito Films…

A un moment donné de sa carrière, il a très bien compris qu’il valait mieux qu’il s’exploite lui-même plutôt que les autres [producteur­s, ndlr] l’exploitent. Et c’est justement ce qui est arrivé pour itinéraire, que nous avons produit tous les deux. Ce qui nous a permis de faire le film que nous voulions faire, en s’offrant toutes les libertés. Du coup, les choses durant ce long marathon de tournage était beaucoup plus simples.

« Itinéraire d’un enfant gâté » a valu le César du meilleur acteur à Belmondo, mais il a refusé de se rendre à la cérémonie pour recevoir son Trophée…

Jean-paul a toujours été négligé par l’intelligen­tsia. Comme celle-ci est aussi dans les Festivals, il a été vraiment méprisé. Pour le César, qui est la seule récompense de toute sa carrière, il a dit à l’académie : « Allezvous faire foutre ! » Et donc il n’est jamais allé le chercher. Vous savez, quand on s’appelle Belmondo, on n’a pas de regrets. Il a été gâté par la vie, il a eu quatre enfants, des femmes,  films, le succès. Il a eu la vie la plus exceptionn­elle qu’on puisse souhaiter.

Quand vous lui proposez de jouer Jean Valjean dans « Les Misérables », il éprouve une grande émotion…

D’un seul coup, il a laisser échapper une larme, tellement il était ravi que je lui propose « le rôle des rôles » .Ily a tout dans Jean Valjean ! Tous les acteurs qui ont joué Jean Valjean, Harry Baur, Jean Gabin, Lino Ventura, ont été extraordin­aires dans le rôle. Je me souviens que le jour où il accepté le rôle, il m’avait dit :

« J’espère que je serai à la hauteur ! » Et il l’a été, bien sûr !

Après son AVC en août  à Lumio, en Corse, vous avez espéré tourner encore…

Oui, j’avais espéré que s’il retrouvait la parole, on pourrait faire un nouveau film. Il était évidemment pas question de filmer un grabataire. J’avais un scénario formidable pour une suite à Itinéraire. Et puis cette améliorati­on n’a pas eu lieu et j’ai décidé de ne pas le faire. Il n’était pas question de montrer à Jean-paul diminué.

La dernière fois que vous l’avez vu, c’était dans son appartemen­t des Invalides il y a un mois et demi…

Les derniers mois ont été très difficiles et compliqués pour Jeanpaul. Il ne parlait plus, mangeait peu, mais il avait toujours son sourire. Là où il est aujourd’hui, il va pouvoir continuer à faire des acrobaties.

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(Photo Eric Ottino)
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