Un hommage national à Bébel
Jean-paul Belmondo aimait Nice et la Côte d’azur. Il y avait ses habitudes et ses amis. Le photographe Charles Bébert et le cascadeur Pierre Rosso racontent leur Bébel.
Mike est mort bien avant Bébel. Comme en témoigne l’avis de décès de ce restaurateur villefranchois publié dans Nice-matin, le 17 décembre 1999. On peut y lire « Lieutenant-colonel Mike Portail, US Marine Corps, Silver Star ». Personne n’a osé retirer à Mike ses galons. Le soi-disant vétéran de l’armée américaine qui aimait tant parader sur le quai des Marinières, à Ville franche-sur-mer, avec sonm 16 en bandoulière, n’a jamais été colonel. En revanche, c’était bel et bien un espion à la solde de l’oncle Sam. Un personnage digne du Septième art, que Jean-paul Belmondo aurait interprété à merveille ? Et bien ce fut le cas !
On peut même dire que Bébel ne serait jamais devenu l’as des as sans Mike. De son vrai nom Michel Portail, le tueur de flic. Un criminel qui a défrayé la chronique judiciaire dans les années cinquante et inspiré un certain Jean-luc Godard, tout jeune réalisateur. Pour son premier long-métrage, il brode une histoire romantique autour d’un tragique fait divers et en confie le premier rôle à un de ses copains de conservatoire : Jean-paul Belmondo. C’est ce film, À bout de souffle, qui va révéler Bébel.
« JAMAIS DOUBLÉ SUR UNE CASCADE »
Nul ne peut dire si la star aux 160 millions d’entrées a un jour croisé Mike lors de ses tribulations azuréennes. Après avoir purgé sa dette envers la société, ce dernier avait ouvert un snack au pied de la Citadelle. Mais la cantine de Belmondo à Villefranche-sur-mer c’était plutôt le Mayssa. Tout simplement « parce que le poisson était bon », souffle Pierre Rosso. Le cascadeur niçois est aujourd’hui inconsolable. « Je n’arrête pas de pleurer, confie-t-il. Nous étions amis depuis soixante-six ans. » Les deux hommes s’étaient évidemment rencontrés sur un tournage. Ils sont vite devenus inséparables. Même si Bébel n’avait guère besoin des services de ce voltigeur niçois. «Il ne s’est jamais fait doubler sur une cascade, assure son ancien compagnon de route. Et pourtant, il en a fait des trucs incroyables… »
IL REJOINT SA CHAMBRE AU NEGRESCO EN ESCALADANT LA FAÇADE
Pas seulement à l’écran d’ailleurs. Pierre Rosso retrouve le sourire en se remémorant une de leurs frasques passées. Les deux hommes avaient alors 20 ans. Bébel avait pris ses quartiers au Negresco. Lorsque le groom du célèbre palace de Nice lui a indiqué l’ascenseur, l’acteur, dans son indéfectible sourire a lâché : «Oh la, trop dangereux ! » « Ça nous a pris comme ça, raconte le cascadeur. On a décidé de rejoindre sa chambre en escaladant la façade. On a grimpé jusqu’au dernier étage et on a plongé à travers une fenêtre. Mais on s’est trompé. Ce n’était pas la bonne chambre ! » Pierre se souvient du regard médusé du couple qui s’y trouvait en voyant Belmondo s’excuser platement du dérangement.
VACANCES EN FAMILLE À SAINT-JEAN ET PIED DE NEZ AUX PAPARAZZI
Il était ainsi Bébel : « Je crois que je ne l’ai jamais vu refuser un autographe à quelqu’un », résume Pierre Rosso.
« C’était un mec accessible », renchérit le photographe Charles Bébert(1). Lui, c’est en Principauté qu’il a abordé pour la première fois l’acteur. « On s’est mis à bavarder, se souvient cet ancien proche de Jacques Médecin. J’étais d’oran.
Son père était d’alger… » Cela a suffi à créer un lien entre les deux hommes. « À chaque fois qu’il venait à Nice, il m’appelait. » Parfois Bébert allait chercher Bébel à l’aéroport. Le chasseur d’images se souvient de s’être heurté une fois à un cordon de CRS : « On ne passe pas ! Jean-paul qui était assis un peu plus loin avec son chien s’est levé et s’est approché. Il a dit aux policiers : c’est bon, laissez-le passer ! C’est mon ami Bébert ! »
« Lorsqu’il venait passer les vacances avec ses enfants au Grand Hôtel du Cap ,à Saint-jean, je passais pour ainsi dire la semaine avec eux, se souvient encore le photographe. Il ne voulait pas être emmerdé. Mais il me laissait faire toutes les photos que je voulais. Et lorsque les vacances touchaient à leur fin, ils me disaient : ‘‘vas-y tu peux balancer !’’ »
Les clichés exclusifs ne tardaient pas à trouver preneur. Tous les paparazzis débarquaient alors sur la presqu’île. Trop tard ! Bébel s’était déjà envolé.
DEUX COUVERTS À L’ESQUINADE
ET UN STEAK AU POIVRE
Insaisissable, comme dans ses films. Ou comme ce jour où il passe un coup de fil à un autre de ses amis niçois pour lui commander… un steak au poivre ! Marcel Béraud n’y croit pas. Le patron de L’esquinade sait que Jean-paul est en tournage en Allemagne. Et pourtant, le soir venu, c’est bien le sourire espiègle de Belmondo qui passe la porte de son restaurant, quai des Deux-emmanuel, sur le port. Il était comme ça Bébel, capable de prendre un jet juste pour venir s’asseoir à l’une de ses tables préférées de la Côte d’azur.
Capable aussi de revoir à sa sauce les dialogues d’audiard pour faire une réclame d’enfer à sa cantine niçoise. Dans Flic ou voyou il cite son nom à trois reprises, pas moins. La réplique est devenue culte : « Ce soir, 20 heures, deux couverts à L’esquinade ! » Marcel Béraud ne l’a découverte qu’à la sortie du film en salles. Pendant le tournage son copain Belmondo s’était contenté, un soir qu’il dînait chez lui, de lui faire un clin d’oeil en lui disant « je suis en train de te faire une pub terrible ».
L’esquinade ,au Balico, quai Saintjean-baptiste,
Àou encore au Baby Scotch, la boîte de Gilbert Fazio rue du Congrès, Belmondo avait ses habitudes et ses amis. Il aimait la Côte et il aimait Nice. Tout simplement parce qu’il aimait le Sud et le soleil ce Bébel que son vieux compagnon Pierre Rosso a « toujours vu bronzé » été comme hiver. (1) L’exposition « De Bébel à Bébert » est à découvrir jusqu’au 19 septembre, place Pierre-gautier, à Nice.