Nice-Matin (Cannes)

« La ministre du Travail mériterait qu’on l’attaque en diffamatio­n »

Après les propos d’elisabeth Borne enjoignant les employeurs à « se remettre en cause » pour réussir à attirer davantage de main-d’oeuvre, le José Orsini pousse un coup de gueule.

- ERIC GALLIANO egalliano@nicematin.fr

Cette fois ce n’est pas à « Monsieur Juan Castex » (sic) qu’il s’adresse, mais à Élisabeth Borne, la ministre du Travail. Et José Orsini en perdrait presque son sens de l’humour. Ce restaurate­ur niçois a acquis une petite notoriété sur les réseaux sociaux à la veille du premier confinemen­t. Comme beaucoup de ses confrères il ne s’attendait pas à une telle mesure. Ses frigos étaient pleins. Alors, plutôt que de tout jeter, le patron du Bistrot du Port lance un appel sur Facebook invitant les restaurate­urs à donner leurs provisions aux associatio­ns. Six millions de vues en quelques heures.

« Une minorité de brebis galeuses »

Depuis, José s’est piqué au jeu. Durant le confinemen­t, il présentait chaque semaine sa nouvelle carte à emporter, en ligne et en humour… Allant jusqu’à « s’enterrer vivant » dans sa cuisine. Au passage, le restaurate­ur en profitait parfois pour dire « quelques vérités » au Premier ministre. Mais depuis ce week-end, c’est un autre membre du gouverneme­nt, Élisabeth Borne, qui a droit aux honneurs de sa page Facebook. Le restaurate­ur niçois n’a guère goûté les propos de la ministre du Travail.

Interrogée sur la pénurie de main-d’oeuvre à laquelle sont confrontés les profession­nels du tourisme, elle a déclaré que ces derniers n’avaient qu’à « se remettre en cause », estimant qu’ils ne payaient pas assez leurs employés.

Si José Orsini reconnaît que cela a pu être le cas à une époque, cela ne concerne plus aujourd’hui « qu’une minorité de brebis galeuses ». Pour lui, le problème est ailleurs, assène-t-il, bulletins de paie à l’appui : « Je paye mes salariés entre 2 200 et 2 500 euros net, et ils me coûtent en réalité 4 200 euros chacun. Ce ne sont pas des salaires de misère, mais des charges de misère que nous devons acquitter. Un employé me coûte autant en fixe qu’en charges. C’est la ministre du Travail qui devrait se remettre en question », estime-t-il.

« Les payer mieux, je ne demande que ça »

Et de l’interpelle­r : « Qu’elle baisse mes charges de 30 %, et je m’engage à augmenter d’autant le salaire de mes employés. Les payer mieux, je ne demande que ça. En embaucher plus, c’est mon rêve. Mais pour cela, plutôt que de nous stigmatise­r, cette dame ferait mieux de venir passer une journée dans nos établissem­ents. Elle apprendrai­t la réalité de nos métiers. » José Orsini assure qu’il a d’ailleurs un certain nombre de solutions à lui proposer. Au-delà des allègement­s sur la fiscalité du travail, il assure qu’il y a un vrai problème de formation.

« Refondre le système éducatif »

Pour lui, « il y a urgence à refondre le système éducatif, car la réalité c’est que la plupart des lycées profession­nels n’arrivent pas à remplir leurs classes ». La profession n’attire plus. Et d’autant plus que durant la Covid, certains ont goûté à un autre rythme de vie. C’est vrai que la profession est contraigna­nte, notamment en termes d’horaires. José Orsini est d’accord que, pour compenser, il faut sans doute mieux payer les salariés. Mais il refuse que la ministre du Travail en rejette la faute sur les seuls patrons, alors que l’état empoche, via les prélèvemen­ts sociaux, la moitié des salaires qu’ils versent .

Et de conclure : « On devrait l’attaquer pour avoir tenu de tels propos, car c’est carrément diffamatoi­re. »

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