Nice-Matin (Cannes)

Les Russes des Alpes-maritimes appelés aux urnes demain

Depuis hier et jusqu’à dimanche, la Russie renouvelle 450 députés de la Douma. Les ressortiss­ants russes du départemen­t peuvent participer au scrutin à Le consul les y invite.

- ERIC GALLIANO egalliano@nicematin.fr

Derniers coups de pinceau dans les bureaux. « L’agence consulaire de Villefranc­he avait pris la grêle lors des intempérie­s », explique-t-on au sein de cette petite antenne diplomatiq­ue de la Fédération de Russie. Pas question d’accueillir les ressortiss­ants russes dans ces conditions. Ils seraient « environ 100 000 » installés sur la Côte. Lors du dernier scrutin, l’an passé, qui avait pourtant réformé la constituti­on du pays et autorisé, au passage, Vladimir Poutine à faire deux mandats supplément­aires s’il le souhaite, à peine 250 de ces électeurs de l’étranger s’étaient rendus aux urnes.

« C’est pourtant l’occasion d’exprimer leur voix », se désole Serge Galaktiono­v, le chef de l’agence consulaire de Villefranc­he, vacciné au Spoutnik. Ce diplomate invite ses ressortiss­ants à venir voter demain, de 8 heures à 20 heures, au sein de ce petit bout de la Fédération de Russie installé depuis mars 2017 au 17 bis, rue de l’église. Le diplomate leur garantit « transparen­ce » et « respect des règles sanitaires ».

Même si le scrutin peut ne revêtir que peu d’enjeux pour les Russes de la Côte, et de France en général. Leurs bulletins serviront à départager les candidats de la circonscri­ption de Tomsk, une lointaine région de Sibérie occidental­e, plus proche du Kazakhstan et de la Mongolie que du Kremlin.

Qui peut voter le  septembre ? Quelles sont les conditions ?

Cela ne concerne normalemen­t que les compatriot­es russes âgés de plus de  ans, l’âge légal. Nous serons ouverts à partir de  heures jusqu’à  heures. Le bureau de vote sera organisé ici, à l’agence consulaire de Villefranc­he. Nous serons mobilisés avec l’ensemble de mes collègues pour accueillir tous ceux qui veulent exprimer leur choix politique. Bien sûr, dans ce contexte de pandémie, ce scrutin est une expérience un peu exceptionn­elle.

Faut-il un pass sanitaire ?

Nous appliquero­ns tous les gestes barrières, port du masque, gants, gel hydroalcoo­lique… Pour que ces élections se passent bien.

Nous inviterons les gens à attendre leur tour dehors afin qu’il n’y ait pas trop de monde à la fois dans le bureau de vote. Mais nous accueillon­s tout le monde, à la fois les vaccinés et les nonvacciné­s. Je tiens à préciser toutefois que l’ensemble du personnel de l’agence, lui, est vacciné.

Au Spoutnik ?

Effectivem­ent. Comme ici nous sommes en Russie nous avons reçu à l’agence des doses de vaccin envoyées par notre pays. J’ai été vacciné au Spoutnik et vous voyez je n’en suis pas mort. Comme tous les habitants de San Marino (), tout près d’ici, et qui se portent très bien. Nous regrettons que la France n’autorise pas notre vaccin. D’ailleurs, bien que vacciné au Spoutnik cela ne m’autorisait pas à aller au musée, au restaurant, ou dans un lieu public… J’ai donc dû également recevoir une injection avec un autre vaccin pour avoir mon QR code.

Le maire de Nice, lui, a dit qu’il en voulait bien.

Vous en a-t-il fait la demande ?

Il y a effectivem­ent eu des contacts avec notre ambassade à Paris. Mais, malheureus­ement, cela n’a pas abouti.

Les ressortiss­ants russes de la Côte voteront pour qui ? Le représenta­nt de leur circonscri­ption d’origine, en Russie, ou un député de l’étranger, comme cela se fait en France ?

Ce scrutin va permettre de renouveler  sièges de la Douma [le parlement russe, ndlr]. Les électeurs doivent choisir parmi les  partis politiques enregistré­s. Le système est un peu compliqué mais, en fait, la moitié de ces sièges seront pourvus en votant pour la liste d’un parti et

“Je suis vacciné au Spoutnik et je ne suis pas mort”

l’autre moitié en votant pour un candidat de la région de Tomsk en Sibérie…

C’est-à-dire que les Russes de France voteront tous pour élire le député de Tomsk ?

C’est le choix de notre comité central électoral. Il faut savoir qu’à l’occasion de scrutin,  bureaux de vote seront ouverts à l’étranger dans  pays où nous disposons de représenta­tion diplomatiq­ue.

Dont cinq à France : à Paris bien sûr, mais aussi à Strasbourg, à Marseille, à Monaco et donc chez nous à Villefranc­he.

Combien y a-t-il de ressortiss­ants russes dans les Alpes-maritimes ?

C’est très difficile à dire. À l’époque de l’union soviétique, nous avions le compte de nos ressortiss­ants présents ici. Mais cela n’existe plus chez nous. Je peux simplement vous dire qu’à mon avis il y a à peu près   de nos compatriot­es établis dans le sud de la France.

C’est une grosse communauté, comment l’expliquer ?

Cette région et en particulie­r Villefranc­he, sont liés historique­ment avec la Russie. Cela a débuté en  lorsque l’impératric­e Catherine II a décidé d’installer, ici à Villefranc­he, le consulat de Russie. Cela a continué en , à la fin de la guerre de Crimée, avec l’installati­on toujours à Villefranc­he de la base de la marine russe. Enfin cela a continué avec le savant russe Aleksei Korotnev qui a financé sur ses fonds propres la création du laboratoir­e océanograp­hique de la darse. Au-delà de ces racines historique­s, il y a aussi le climat, la nature, les gens, le confort, l’espace attirent nos compatriot­es. De plus en plus nombreux d’ailleurs.

Est-ce la raison de la réimplanta­tion d’une agence à Villefranc­he alors que le consulat général n’est finalement pas très loin, à Marseille ?

Nous sommes tout de même séparés par  km. C’est tout de même plus confortabl­e pour nos ressortiss­ants qui habitent à Nice, Cannes ou Monaco. Plus pratique pour eux.

Malgré cette proximité, à peine  membres de cette importante communauté ont voté aux dernières élections que vous avez organisées.

C’est peu… Comment l’expliquezv­ous ?

Je pense que parmi ceux qui sont venus s’installer ici, certains sont venus chercher une vie meilleure et ne veulent plus se mêler de ce qui se passe en Russie. D’autres habitent loin et ne veulent pas se déplacer un dimanche. D’autres ne savent même pas que nous organisons le vote. C’est dommage parce que ces élections sont l’occasion d’exprimer leur voix.

Ils se disent peut-être à quoi bon ? En occident, on évoque souvent les problèmes de fraude électorale en Russie. Encore tout récemment, il y a eu cette affaire des candidats sosies…

Ce que je peux vous dire c’est qu’ici, avec tous mes collègues de l’agence consulaire, nous sommes officielle­ment là pour garantir la transparen­ce de ce scrutin. Nous aurons d’ailleurs des scrutateur­s volontaire­s. Et notre ministère a développé un logiciel baptisé « Stop double » pour éviter qu’une même personne vote deux fois, à Villefranc­he puis à

Marseille par exemple.

Le vote sera électroniq­ue ?

Non, ce sera un vote papier que nous dépouiller­ons sur place. Justement parce que nous avons estimé que le réseau électroniq­ue n’était pas suffisamme­nt sécurisé. Notamment avec tout ce que l’on entend sur les cyberattaq­ues…

Justement, les cyberattaq­ues, mais aussi l’ingérence de la Russie dans nos propres élections, les affaires d’espionnage, ce sont aussi des sujets qui empoisonne­nt vos relations bilatérale­s. Et pas seulement avec la France…

Ces derniers temps, beaucoup de mauvaises choses se sont accumulées dans nos relations. Pour dépasser ces obstacles il faut regarder plus loin, discuter, continuer à entretenir des relations et dissiper des malentendu­s. Même si nous avons des différence­s.

C’est aussi votre rôle de consul ?

Nous avons une ambassade dont c’est le rôle. Mais ici, en région Paca, c’est vrai que nous sommes nous aussi le visage de la Russie. Et nous avons un rôle de diplomate à jouer afin de rétablir les bonnes relations qui, historique­ment, nous unissent.

N’est-ce pas parfois compliqué ? Car parfois c’est plus que des malentendu­s que l’on vous reproche : votre prédécesse­ur à l’antenne de Villefranc­he n’a-t-il pas été nommé consul général à Marseille après l’expulsion de ce dernier par la France pour espionnage ?

Absolument pas ! Je vous l’assure !

En , la France a bien expulsé quatre diplomates russes dont l’un était en poste à Marseille ? Tout comme elle avait déjà prié en  un autre vice-consul de Marseille de rentrer en Russie ?

Je vois de quelle affaire vous voulez parler, mais elle ne concernait pas le consul général. La France a effectivem­ent expulsé quatre diplomates russes. Et la Russie a expulsé quatre diplomates français. Ce sont, de temps en temps, les jeux parfois un peu secret des relations internatio­nales. Mais nous sommes, je vous l’assure, des diplomates. Nous travaillon­s avant tout à dissiper de tels malentendu­s. Et à renforcer nos relations. Notamment culturelle­s. Nous allons d’ailleurs inaugurer à la fin du mois, à la fondation Louis Vuitton à Paris, l’exposition des chefs-d’oeuvre de l’art nouveau issus de la collection Morozov. Loin des tensions politiques qui parfois peuvent nous opposer, ces relations culturelle­s doivent être, pour moi, le socle de notre avenir commun au contraire. 1. Saint-marin, micro-etat enclavé en Italie.

 ?? (Photo Sébastien Botella) ?? Serge Galaktiono­v, chef de l’agence consulaire de la Fédération de Russie à Villefranc­he.
(Photo Sébastien Botella) Serge Galaktiono­v, chef de l’agence consulaire de la Fédération de Russie à Villefranc­he.

Newspapers in French

Newspapers from France