Nice-Matin (Cannes)

-Novembre : anatomie d’une nuit de cauchemar

Le procès a été cette semaine le théâtre d’une analyse clinique de l’horreur des attaques, revendiqué­es comme un acte « politique » par Salah Abdeslam.

- THIERRY LÉVÊQUE (ALP)

C’est le procès d’une rage de tuer, d’un massacre méthodique mené férocement. Brossé par des policiers, le tableau clinique épouvantab­le de ce crime « jamais vu» en France a figé la cour d’assises, jeudi et hier. Il a donné le questionne­ment central du procès : quel sens avait véritablem­ent cette action revendiqué­e par le groupe État islamique ? L’audience verra la semaine prochaine de nombreux autres policiers exposer les résultats de l’enquête sur la genèse et le déroulemen­t de cette opération décidée en Syrie, que seul l’accusé Salah Abdeslam, sur les 14 présents, a pour l’heure assumée.

Vision d’horreur

Dans l’échelle de l’épouvante, la descriptio­n par le policier Patrick Bourbotte de la scène de crime du Bataclan, où 90 personnes ont été massacrées entre 21 h 47 et 21 h 56, a écrasé toutes les autres. Quand il entre dans la salle avec son équipe technique de constatati­ons, à 5 heures du matin, il découvre le spectacle dantesque d’une montagne de corps entassée devant la scène.

« Nous marchons dans du sang coagulé, au milieu de morceaux de dents, d’esquilles d’os, de téléphones qui vibrent. » Les murs et les plafonds sont couverts du sang de deux des assassins qui ont fait sauter leurs gilets explosifs, et des morceaux de leurs corps parsèment la salle. Les policiers établiront que les trois assaillant­s, les Français Samy Amimour, Ismaël Omar Mostefaï et Foued Mohammed Aggad ont tiré au total au moins 250 balles de Kalachniko­v.

Un enregistre­ment de la tuerie sur un dictaphone a été découvert, et le policier a lu à la barre les adresses les plus glaçantes des tueurs à leurs victimes. « Lève-toi ou je te tue. » « Couche-toi ou je te tue. » « Vous pouvez vous en prendre qu’à votre Président François Hollande. D’accord ? Il fait le cow-boy du western à envoyer ses troupes partout dans le monde combattre les musulmans. Aujourd’hui, l’heure de la vengeance a sonné ! »

Un policier « ordinaire » de la Bac et son chauffeur ont mis fin à la tuerie en abattant Amimour à 21 h 56. La Brigade de recherche et d’interventi­on (BRI) tuera les deux autres lors d’un assaut final à 0 h 18.

Une cycliste abattue dans le dos

Auparavant, un autre commando de trois hommes avait massacré 39 personnes sur cinq terrasses de cafés entre 21 h 20 et 21 h 36. Un enregistre­ment de vidéosurve­illance projeté à l’audience les montre descendant d’une voiture devant le café La Bonne Bière .Des flammes sortant de leurs armes balayent les personnes assises à un mètre. Les constatati­ons au bar Le Carillon montrent que les tueurs ont exécuté à bout portant onze personnes sur la terrasse, puis mis à mort une automobili­ste dans sa voiture et abattu une cycliste dans le dos.

Il y a eu aussi la scène du stade de France, où trois kamikazes arrivant trop tard, après la fermeture de presque toutes les portes, ont plutôt échoué – sans qu’on sache vraiment pourquoi –, ne faisant qu’une victime. Le kamikaze du café Comptoir Voltaire, Brahim Abdeslam a également échoué, sa ceinture explosive défaillant­e ne faisant « que » des blessés.

« Rien de personnel »

Interrogés en début de semaine, onze des accusés présents se sont déclarés innocents partiellem­ent ou totalement ; deux ont refusé de s’exprimer à ce stade, et seul Salah Abdeslam, seul survivant du commando de tueurs, a revendiqué l’acte, qui avait pour lui un sens : « On a attaqué la France, visé la population, des civils, mais en réalité on n’a rien de personnel envers ces genslà. » L’état islamique voulait punir la France de son engagement militaire en Syrie, a-t-il précisé. À ce traumatism­e, la France veut répondre par un procès équitable, devant une juridictio­n ordinaire.

 ?? (Croquis d’audience AFP) ?? Sur les  accusés, seul Salah Abdeslam a jusqu’ici assumé les attentats.
(Croquis d’audience AFP) Sur les  accusés, seul Salah Abdeslam a jusqu’ici assumé les attentats.

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