« Macho Man »
Dans plusieurs films des années et , Jean-paul Belmondo caressait les tôles froissées après des poursuites échevelées et froissait les étoles de ses partenaires après leur avoir caressé les cheveux. Il roulait des mécaniques et à tombeau ouvert, un flingue et une femme à portée de main. Devait-on renoncer à lui rendre hommage au motif qu’il a joué les machos ?
Même si la critique est restée marginale, certaines féministes radicales ont dénoncé son côté « Bébel et tais-toi » à l’égard des femmes.
C’est oublier que ces longs-métrages, visant essentiellement à divertir, avaient souvent une bonne dose de second degré grâce à la plume de scénaristes comme Michel Audiard. Un peu comme Macho Man, cette chanson des Village People où les machos ne sont pas toujours ceux que l’on croit.
Ces films sont surtout, comme toute création, les témoins d’une époque. Les temps ont changé. Il aura fallu attendre pour que les femmes puissent ouvrir un compte en banque et travailler sans l’autorisation de leur mari. Quel chemin parcouru en ans jusqu’au phénomène Metoo ! Même si on mesure ce qu’il reste encore à faire en matière, entre autres, d’accès à tous les métiers ou de féminicides. Et sans pour autant tomber dans l’excès de certaines dénonciations actuelles du patriarcat, dans une perpétuelle guerre des sexes, comme si rien ne s’était passé. Pourquoi cette pugnacité n’est-elle pas aussi marquée à l’égard de ces pays où la femme n’a guère plus de droits qu’un mineur ?
Belmondo macho, Agatha Christie usant d’un vocabulaire inapproprié, Autant en emporte le vent raciste... La liste est de plus en plus longue de ces oeuvres victimes de ces nouveaux censeurs, adeptes de la pression du politiquement correct. Doit-on juger les créations artistiques du passé à l’aune de nos valeurs de ce début de XXIE siècle ? À ce rythme-là, c’est un véritable autodafé qui nous attend, digne des pires dictatures. Au secours, il a déjà commencé dans une démocratie : il y a quelques jours, livres considérés comme racistes et offensants pour les peuples autochtones d’amérique du Nord –dontdes Astérix et des Lucky
Luke – ont été détruits, dont certains brûlés, dans une trentaine d’écoles francophones de la province d’ontario, au Canada. Dans la même veine, les héritiers d’agatha Christie ont cru bon de modifier le titre du livre le plus célèbre de la reine du suspense.
Dix petits Nègres est devenu
Ils étaient dix, et l’occurrence «nègre» a été remplacée par
« soldat » dans le texte. Dans le roman, les dix petits Nègres sont assassinés les un après les autres. Dans la vraie vie, heureusement, le ridicule ne tue pas : « Nègre » ne fait pas référence à une race mais à un lieu, l’île du Nègre. Va-t-on caviarder, dans un même mouvement, les livres d’aimé Césaire ou de Léopold Sédar Senghor, chantres de la « négritude » ? Ne peut-on pas éduquer, expliquer, mettre en perspective et, s’il le faut, contextualiser en préambule à ces oeuvres ? Plutôt que déboulonner les statues ou jeter les livres au bûcher dans une folie anachronique chauffée à blanc par le mouvement « Woke » importé d’outre-atlantique. Après la malbouffe, l’amérique nous gratifie à présent du fast-food de la pensée. Indigeste.
« Doit-on juger les créations artistiques du passé à l’aune de nos valeurs de ce début de XXIE siècle ? »