Nice-Matin (Cannes)

« On n’est jamais tranquille »

Pour Nice-matin, Julien Fournier, le directeur du football, s’est longuement confié.

- VINCENT MENICHINI

Les événements de Nice Marseille vous ont-ils rappelé que dans le football, il n’y avait jamais de répit ?

Oui, on n’est jamais tranquille.

Tout se passait pourtant bien, vous gagniez -, étiez deuxième de Ligue …

Le jour du match, un ami d’enfance vient récupérer deux places. En voyant ma tête, il me dit : “Tu m’as l’air bien fatigué, heureuseme­nt que le mercato se termine, tu vas pouvoir souffler et partir en vacances.” Je lui ai répondu que le gros problème du foot, c’est que lorsque tout est calme, il te tombe toujours un truc. Et ça n’a pas loupé.

Comment digère-t-on ?

C’est désagréabl­e car ça ne représente pas notre public. Cela faisait sept ans qu’on n’était pas venu en commission de discipline. Puis, merde, on avait le match en mains, on allait battre Marseille. Et tout a explosé.

Vous avez été pointé du doigt les jours qui ont suivi.

Le problème de notre société et des médias, c’est la caricature. Ce match, c’est devenu les méchants supporters niçois qui ont envahi le terrain et qui ont frappé les gentils joueurs de L’OM. Ce n’est pas ma lecture des événements, ce qui n’enlève rien aux comporteme­nts inacceptab­les de ceux qui ont foutu le match en l’air.

L’OM a fait du bruit en marge de la décision de la commission de discipline. Pourquoi avez-vous fait tout l’inverse ?

Cela m’embête qu’on revienne encore là-dessus. J’ai envie qu’on tourne la page. Marseille s’est victimisé, a attaqué, on a préféré ne pas parler. Ce qui m’importe, c’est le prochain match à rejouer contre L’OM. Il va falloir le regagner car on l’a déjà remporté une fois.

Le communiqué d’ineos, c’est plus jamais ça dans l’idée ?

Oui, et c’est bien normal. On est sur la même longueur d’onde.

Jim Ratcliffe pourrait-il se retirer si cela venait à se reproduire ?

Je ne suis jamais animé par la peur. Mais il est évident qu’ineos n’est pas venu dans le foot pour ça. Nice a plein d’atouts et notamment ses supporters. Ces derniers ne sont pas des fachos, des nazis, des jeteurs de bouteilles ou des envahisseu­rs de terrains. Ceux qui ont débordé, je n’ai aucune considérat­ion pour eux. En parler, c’est leur donner trop d’importance. Mais à Nice, on a besoin du public, de cette ferveur pour se sublimer.

Quelles relations entretenez­vous avec les Ultras de la Populaire Sud ?

Elles sont bonnes et le resteront. On va me le reprocher une fois encore, mais j’ai toujours apprécié le mouvement ultra. Les stades, ce sont eux qui les font vivre, comme des enfants turbulents parfois. Il y a zéro cadeau de leur part et du nôtre. On peut être ultra, mettre le feu dans un stade, contribuer à une ambiance électrique, dans le bon sens du terme, sans déborder.

Ineos vous a-t-il mis la pression après la saison dernière ?

C’est comme si on me demande si je mets la pression à mon entraîneur. Cela signifiera­it qu’on s’est trompé de personne. Que ce soit notre entraîneur actuel ou nous, on se met assez la pression, tout seul. On a envie de réussir. La saison dernière va nous servir. Cette équipe s’est construite, on n’a pas tout bien fait. On aurait pu prendre un entraîneur de renom dès le départ de Patrick (Vieira). On s’est donné du temps pour prendre le bon.

A quel moment avez-vous su que le prochain entraîneur serait Christophe Galtier ?

Je n’ai pas envie de tout dévoiler.

Il était le choix numéro un ?

On avait visé trois entraîneur­s de haut niveau, dont Christophe (Galtier), bien entendu.

Qui ?

Joker. Cela pourrait vous donner des idées pour la suite.

Peter Bosz ?

Oui.

Lucien Favre ?

Non, même si des personnes y ont pensé. Ce n’est pas ce dont on avait besoin à ce moment précis.

Est-ce compliqué de travailler avec un proche ?

Non.

Vous êtes vraiment potes avec Christophe Galtier ?

On se connaît depuis quinze ans. Il y a des moments où l’on rigole comme des potes, où l’on se branche. Parfois, il s’autorise à me rentrer dedans. Mais je n’ai aucune gêne à le faire également. Le jour où l’un de nous se vexe, ça sentira la fin.

Avez-vous été surpris qu’il vous réclame du renfort haut et fort ?

Lors du mercato, la pression tu la prends si tu n’es pas sûr de toi. Il a peut-être essayé de la mettre, il est dans son rôle. Est-ce qui me l’a mise ? Non. Christophe a son caractère, il dit les choses. Il faut se mettre à sa place, il arrive de Lille, le club champion de France. Tout le monde lui demandait pourquoi il était descendu d’un étage. Ce qui lui a fait beaucoup de bien, c’est de jouer le Losc rapidement. Il a revu ses joueurs, reçu l’ovation qu’il méritait, remporté ce match. Il a pu définitive­ment tourner la page.

Vous jouez parfois au padel ?

Non, il n’est pas bon (rires).

Pourquoi avez-vous toujours démenti sa venue ?

Parce que je suis parano. J’ai toujours la crainte que l’info sorte. On avait un deal avec Christophe.

Auriez-vous aimé qu’on vous pique votre entraîneur champion de France ?

On verra si un jour ça se produit (sourires). Cet été, tous les dossiers ont été fatigants. Je vieillis sans doute.

Vous n’avez pas eu peur de le perdre ?

Non, jamais. A un moment, je lui ai dit : “Christophe, il faut qu’on se décide.” Il voulait encore un peu de temps, mais je lui ai dévoilé le nom de celui qui était en balance avec lui, avec preuves à l’appui. Il n’y croyait pas. Il m’a donné sa réponse le lendemain matin : “Ok, on y va”.

Qui était au courant ?

Très peu de gens. Ce n’est pas facile de toujours mentir en période de mercato. Pour qu’un deal aille au bout, je suis prêt à tout, sauf à me compromett­re.

Le transfert d’andy Delort, c’est le coach qui vous a convaincu ?

Non. C’est un dossier qui est infaisable tout l’été. Tout est une question de timing. C’est aussi valable pour Melvin (Bard) . Si on arrive trop tôt, ça ne passe pas, idem, si on arrive trop tard.

Comment sortez-vous d’un mercato ?

Rincé. Celui-là a été éprouvant mentalemen­t. J’avais une enveloppe définie, je connaissai­s nos besoins. On a l’étiquette Ineos, donc ce qui coûte un euro on serait censé le payer trois euros. Cela m’est insupporta­ble car si je dépense trois au lieu d’un, il va me manquer deux pour faire un autre joueur.

Parvenez-vous à débrancher durant cette période ?

Impossible. Tant que je ne dors pas, je ne pense qu’à ça. Parfois, ma femme me parle mais je ne suis pas là. Je regarde la télé mais, en réalité, je ne la regarde pas. C’est une vie de dingo mais, attention, je ne me plains pas. Si on n’est pas prêt à ne pas avoir d’été, il ne faut pas faire ce job. C’est un match qui dure deux mois. Il ne faut surtout pas avoir de relâchemen­t. Si tu en as un, tu rates Rosario ou Bard, par exemple. J’ai la chance d’avoir une cellule de recrutemen­t en or, des scouts très compétents. Il y a une connexion entre nous, ce sont mes cerveaux. La réussite ou l’échec de notre mercato, ce n’est pas Fournier.

William Saliba vous a-t-il échappé ?

Oui. Mais avec le recul, c’est un mal pour un bien. Car on n’aurait pas pu faire d’autres dossiers si on l’avait fait.

Cela fait dix ans que vous êtes à L’OGC Nice. Quel bilan faitesvous ?

Ça passe vite. Je ne pensais pas autant m’attacher au club. Je suis venu au départ pour faire mon métier, sans affect particulie­r.

Est-ce toujours aussi fluide avec le président Rivère ?

Oui.

Etes-vous liés à jamais ?

Les gens aiment bien les grandes phrases. On forme un petit couple, avec plus de hauts que de bas. On a des personnali­tés différente­s. On ne s’est pas souvent disputé. J’ai des côtés qui l’énervent et il a des côtés qui m’irritent (rires). Je suis lié à lui, c’est sûr.

Quelle trace aimeriez-vous laisser ?

Que j’ai été loyal vis-à-vis du club. J’ai fait des erreurs, j’en ferai encore, peut-être. Mais je donne tout pour le Gym. Ce qui m’agace dans ce club, c’est cette faculté à se relâcher. Je garde un souvenir horrible de notre troisième place et de tout ce qui a suivi. On a cru qu’on était un grand club, une grande équipe. Pareil après la quatrième place avec Claude (Puel). Là, je sens poindre cette enflammade, alors qu’on n’a eu que quelques bons résultats. J’en ai parlé avec Christophe, qui est capable de gérer ça. A Nantes, on a gagné, certes, mais en première période certaines choses m’ont interpellé. Je n’arrive pas à l’expliquer et ça m’énerve.

Etes-vous surpris par le retour au premier plan de Dante ?

Pour avoir gardé un contact permanent durant sa convalesce­nce, j’ai vu un véritable animal. Je le pique souvent en lui disant qu’on lui a donné une année de plus pour services rendus, qu’il est comme une vieille voiture qui va finir à la casse, que les jeunes poussent derrière, qu’un nouveau coach va débarquer et qu’il va peut-être se passer de lui. Je veux voir sa réaction, mais ça glisse sur lui, il ne bouge pas, sourit et me répond : “ok, pas de problème, on verra.” Je sais qu’il va vouloir prolonger (sourires).

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La réussite ou l’échec d’un mercato, ce n’est pas Fournier”

Le onze probable contre Monaco

Benitez -Atal,todibo,dante,bard - Boudaoui,lemina, Rosario, Stengs (ou Kluivert) - Dolberg, Gouiri.

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