Nice-Matin (Cannes)

BOL D’OR AU CIRCUIT PAUL RICARD « L’endurance, ça me plaît »

Vainqueur des 24 Heures du Mans 2021, Sylvain Guintoli a vite pris ses marques au guidon de la Suzuki n°1. L’ex-pilote Motogp et Superbike enfoncera-t-il le clou au Castellet ? Rencontre.

- PROPOS RECUEILLIS PAR GIL LÉON

C’était hier, ou presque. Dimanche  septembre . Il y a deux ans à peine. Au terme d’un double tour d’horloge quasiment réduit de moitié par une météo exécrable, autant Bol d’eau que Bol d’or, la GSX-R  du Suzuki Endurance Racing Team émerge en tête pour décrocher la timbale. Depuis le dénouement de cette dernière édition en date, on peut dire que de l’eau - encore ! - a coulé sous le pont du SERT. Vincent Philippe, l’emblématiq­ue champion, a tiré sa révérence, d’abord. Et puis, sans lui, l’équipe sarthoise s’en est allée reconquéri­r le titre mondial (FIM EWC) en . Un de plus, le seizième !  ? L’année du changement, de l’associatio­n avec la structure nippone Yoshimura, partenaire privilégié de la firme d’hamamatsu qui amène son expertise. L’année, aussi, de l’arrivée d’un certain Sylvain Guintoli aux côtés de Gregg Black et Xavier Siméon. Le Drômois, champion du monde Superbike , toujours actif sur le front du Motogp où il participe au développem­ent des Suzuki de Joan Mir et Alex Rins, avait déjà mis un pied en endurance aux  Heures de Suzuka avec... Yoshimura. Son nouveau challenge longue distance ne pouvait pas mieux débuter : vainqueur des  Heures du Mans le  juin dernier ! Aujourd’hui, à l’instant de la mise à feu, la Suz’ frappée du numéro  décollera de la pole position. Avec un seul et unique objectif dans la ligne de mire. Suivez son regard !

Sylvain, avez-vous des souvenirs de pilote sur le circuit Paul Ricard ?

Oui, mais ça ne date pas d’hier. Il faut faire une marche arrière de plus de vingt ans. À l’époque (en , l’ultime année de la première vie du circuit avant le changement de propriétai­re et la fermeture longue durée pour travaux, ndlr), il s’agissait du championna­t de France vitesse, catégorie . Et on roulait sur le petit tracé (, km). Je suis revenu fin  pour tester des pneus pluie sur la Yamaha Motogp du team Tech. La séance d’essais n’avait pas duré longtemps : chute dès le premier tour, clavicule cassée !

Ce circuit, aujourd’hui, il a changé un peu, beaucoup ou pas du tout ?

Franchemen­t, pour moi, c’est un circuit nouveau. Vous savez, depuis mon premier passage ici, je suis tombé plusieurs fois sur la tête. Donc je ne me rappelais plus de rien.

(Il sourit) Je l’ai découvert l’autre jour lors des essais pré-bol. Et je l’ai trouvé très beau. Magnifique !

Qu’est ce qui vous plaît particuliè­rement ?

Sur le tracé , km, on ressent un feeling spécial. Différent. Unique. À première vue, vous pensez que c’est plat, mais il y a

tout de même quelques ondulation­s. J’aime la variété des virages : lents, rapides, enchaîneme­nts... Hyper intéressan­t, ouais ! Sans oublier cette ligne droite à nulle autre pareille.  mètres, c’est deux fois plus long que celle du Grand Prix du Qatar. D’ailleurs, ça me botterait de tourner ici avec la Suzuki Motogp.

Juste histoire de voir quelle vitesse de pointe on peut atteindre avant la courbe de Signes...

Vous aviez déjà mis les pieds au Bol d’or ?

Non, jamais. Le Bol, jusquelà, je le suivais de loin, j’en entendais parler souvent. C’est une course d’endurance mythique, comme les  Heures du Mans. L’occasion de découvrir cet autre monde s’est présentée à moi en . Au guidon de la Suzuki du team Yoshimura SERT Motul, on peut dire que c’est l’opportunit­é parfaite.

Pilote d’essai, consultant télé : vous étiez déjà pas mal occupé dans les paddocks. L’adrénaline de la course vous manquait ?

Oui, en effet. Côté Motogp, avant la crise sanitaire, je bénéficiai­s chaque année d’une « wild card » (une invitation) pour faire un test grandeur nature en Grand Prix. En , elle est tombée à l’eau. Pareil cette saison puisque Motegi

(GP du Japon) est annulé. Là, je replonge volontiers dans le bain de la

« compète » pour cette nouvelle aventure partagée avec Suzuki, le SERT, Yoshimura. C’est parfait !

Premier double tour d’horloge, première victoire ! Les  et  juin, aux  Heures du Mans, quelle fut la clé de la réussite ?

(Du tac au tac) La préparatio­n, d’abord. L’équipe a accompli un boulot énorme pour que l’on démarre dans les meilleures conditions. Ensuite, la course s’est déroulée comme dans un rêve. Grosse bagarre avec la Yamaha du YART jusqu’au problème qui a coupé son élan. Après, il fallait juste gérer notre avance. Impossible de faire mieux pour ce baptême du feu en format longue distance.

Monter sur la plus haute marche du podium des  Heures, c’est le même genre de frisson que quand on gagne une course du Mondial Superbike ?

Pas vraiment.

En endurance, il y a plus de fatigue, plus d’usure.

Donc une émotion encore plus vive au bout de l’effort, je pense. Côté vitesse, une fois le départ donné, le pilote roule seul avec sa machine. Là, le travail continue pour toute l’équipe, jour et nuit, nonstop. À l’arrivée, j’ai pleinement savouré cette joie collective.

Pour vous, le sprinteur, quel fut le paramètre le plus dur à assimiler ?

La nuit blanche ! (Il éclate de rire) L’absence de sommeil, la fatigue qui s’accumule. Physiqueme­nt, je m’attendais à en baver. Et je n’ai pas été déçu.

Dure épreuve. Encore plus que prévu... Prendre le guidon à  heures du mat’ avec déjà cinq ou six relais dans les pattes, c’est un vrai challenge, croyez-moi !

Vous pilotez une moto qui n’est pas spécifique­ment réglée pour vous. Et vous ne tutoyez pas la limite sans cesse entre le départ et l’arrivée. Cela génère-til un brin de frustratio­n ? Non. Concernant la moto, avec Gregg et Xavier, on a des gabarits et des exigences assez similaires. Nous sommes sur la même longueur d’onde pour la mise au point, ça tombe bien. Et puis, en piste, la cadence s’avère tout de même très élevée. Il y a de la concurrenc­e, du niveau. Hormis lors de la seconde moitié des  Heures du Mans en mode gestion, là-haut et à Estoril, il a fallu mettre la poignée dans le coin. Être au taquet tout le temps.

L’alliance scellée en début d’année avec les Japonais du team Yoshimura doit agir comme un coup d’accélérate­ur pour le SERT. Dans quels domaines se situent les progrès principale­ment ?

Via Yoshimura, Suzuki renforce le SERT, en effet. Cette collaborat­ion intelligen­te a pour but essentiel d’aller chercher de la performanc­e, à travers la préparatio­n, avec un meilleur accès aux pièces d’usine. Le team Yoshimura possède une énorme expérience forgée aux  Heures de Suzuka. Leurs connaissan­ces sur l’électroniq­ue, la consommati­on, entre autres, constituen­t un précieux atout supplément­aire.

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L’idée, c’est de continuer ce projet, de devenir de plus en plus fort ”

Le facteur numéro  pour faire la différence ce week-end sur cette piste ?

Comme d’habitude, vitesse et régularité sont les deux maîtres mots. Au Castellet, la ligne droite du Mistral tient un rôle important. Donc le moteur Suzuki va faire parler sa puissance. Sans oublier la stratégie essence. À Estoril, on était les meilleurs en conso...

L’objectif : gagner ou marquer des gros points

✔ Endurance (EWC) Vainqueur des  Heures du Mans  avec Gregg Black et Xavier Siméon (Suzuki Yoshimura-sert)

pour la course au titre ?

Gagner ! Les points, on s’en fout. Compte tenu de notre e place au championna­t en débarquant ici, même si les écarts sont minces, mieux vaut foncer et viser le sommet. Il n’y a rien à calculer.

Avez-vous d’ores et déjà envie de prolonger l’expérience l’an prochain, voire au-delà ?

Ah oui ! L’endurance, ça me plaît. Sportiveme­nt. Humainemen­t. Je me fais plaisir. L’équipe fonctionne super bien. Donc, l’idée, c’est de continuer ce projet, de devenir de plus en plus fort.

Au fait, vous allez dormir cette fois ?

Surtout pas ! Chaque pilote agit comme il le sent. Pour moi, somnoler  ou  minutes entre deux relais nocturnes, c’est la pire des erreurs. Parce qu’au réveil, on est complèteme­nt à l’ouest. Au Mans, j’ai essayé de déconnecte­r et ça n’a pas marché. Alors pour la nuit du Bol, je vais rester au rupteur !

 ?? (Photo Eric Damagnez) ?? Sylvain Guintoli : « En endurance, il y a plus de fatigue, plus d’usure. Donc l’émotion est encore plus vive au bout de l’effort, je pense ».
(Photo Eric Damagnez) Sylvain Guintoli : « En endurance, il y a plus de fatigue, plus d’usure. Donc l’émotion est encore plus vive au bout de l’effort, je pense ».

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