Le pointu de Jean-françois : « Dans trois générations, il sera encore là »
Il était commercial dans le secteur de la carrosserie industrielle. Mais, la retraite ayant sonné, Jean-françois Rubolini a vrillé vers le bois. Du pin et du frêne. Les deux essences de son Nistou, petit bateau de 5,60 m, construit en 1953 par le chantier Di Stefano, à Antibes.
C’est l’un des 81 pointus à l’anneau, à Nice. Alignés comme à la parade tout le long du quai Entrecasteaux. 81 pour 101 propriétaires, car certains se sont associés. Non pas que les pointus soient si onéreux, disons plutôt qu’ils sont rares.
Un tour gratuit
Pour Jean-françois, c’est un rêve de gosse, en souvenir du pointu de son père, depuis longtemps revendu. « J’ai trouvé le mien en 2014. Pour 3 500 euros, tout était à refaire. » Cet Azuréen d’aspremont s’est attelé à la restauration et ce travail lui a demandé une bonne année. Il est fier, et il a raison, autant de son embarcation que de l’usage qu’il en fait. Président depuis peu de l’association La Mouette, il a incité la centaine de membres et les cinquante « sympathisants » (qui, pour la plupart d’entre eux, attendent qu’un bateau et donc son anneau se libèrent), à participer, pour la première fois, aux Journées du patrimoine. Encore tout ce dimanche, des bénévoles seront sur le quai pour dévoiler les secrets du pointu. Voiles latines, moteur essence Bernard d’origine, diesel plus banal ou, de plus en plus, petit propulseur électrique. Pour celles et ceux qui sauront répondre au quiz, un tour dans le port sera offert, sur tirage au sort. Jean-françois en a déjà fait, et beaucoup, des sorties. « Il m’est même arrivé d’emmener en promenade ma belle-mère et ma mère. » Respectivement âgéesde93et92ans! «On ne va pas loin, je fais attention. » Autres sorties qu’il aime aussi, et par-dessus tout : « Les parties de pêche avec les enfants, deux fois par an. Ils adorent. »
Entraide
Le pointu, c’est forcément une passion. Relativement dispendieuse si l’on considère que la dernière transaction s’est effectuée sur la base de 25 000 euros, ce qui n’est pas cadeau. Mais à l’entretien, tout va bien. Compter 1 000 euros par an pour l’emplacement, puisque la Chambre de commerce fait un prix, sa façon de contribuer à la protection d’un patrimoine sympathique et pimpant. Prévoir un autre millier d’euros pour la visite annuelle, étanchéité contrôlée, peinture rafraîchie. Frais réduits puisque les membres de l’association s’épaulent entre eux pour sortir de l’eau le bateau. «Ons’ymetàseptouhuit, dans une ambiance assez pagnolesque », décrit Jean-françois qui, en retour, régale la compagnie : « A tour de rôle, celui que l’on aide paye la merenda. C’est-à-dire un bon casse-croûte, la meilleure manière de remercier. »
« Pas une ride »
Ici, le plus vieux des pointus fête son centenaire cette année. « Dans trois générations, le mien sera toujours là et il n’aura pas pris une ride », assure Jean-françois Rubolini en regardant d’un air circonspect le méga yacht mouillant juste en face, « un autre monde », qui, croitil, sera vite passé de mode. Taquiner le poisson de roche. Rejoindre les amis à la « Resquilhada » de Villefranche-sur-mer. Ou profiter d’un simple moment de convivialité « avec sardinade », avec les copains. Tout un art de vivre que les amoureux du pointu sont heureux de faire connaître au public. «Leplaisir, la convivialité. » Et une page d’histoire partagée.