Nice-Matin (Cannes)

« Oliv Oliv », l’ouvrier devenu porte-parole des anti-pass

Des ronds-points d’antibes à Touche pas à mon poste ! En deux ans, le Cagnois Olivier Rohaut est passé de militant à puissant moteur médiatique du mouvement anti-pass sanitaire. Portrait.

- ANTOINE LOUCHEZ alouchez@nicematin.fr

De la lutte des ronds-points à Touche pas à mon poste ! En quelques mois, le Cagnois Olivier Rohaut, dit « Oliv Oliv » sur les réseaux sociaux, est passé de simple vidéaste « gilet jaune » à leader médiatique national du mouvement anti-pass sanitaire. Bien qu’antisystèm­e et antimédias, il a répondu spontanéme­nt à Nice-matin. Figure populaire, charismati­que et touchante, pour les uns, puissant relais des idées de la complosphè­re pour les autres… Les vidéos de cet ouvrier agricole font des dizaines de milliers de vues et il compte plus de 100 000 abonnés sur sa page Facebook. Qui est donc « Oliv Oliv » ? Portrait d’un militant moderne.

Olivier Rohaut, 37 ans, est né à Beauvais (Picardie), où il a eu une entreprise de BTP. Il est venu sur la Côte d’azur « pour le boulot » .Depuis cinq ans, il est ouvrier agricole à l’hippodrome de Cagnes-sur-mer, où il est également délégué du personnel. « J’ai toujours été militant, j’ai toujours voulu combattre l’inégalité et l’injustice », raconte-t-il. La loi Travail, à Paris. Puis aux ronds-points d’antibes, où il devient un pilier des « gilets jaunes ». C’est surtout là qu’oliv le médiatique est né, avec ses face caméra en direct sur les réseaux sociaux. « J’ai pris mon tél, je ne sais pas pourquoi, et ça a explosé. Le fait d’être écouté, de discuter, d’apporter des solutions, ça renforce l’engagement ».

Désormais un « citoyen en colère »

Son charisme, son côté grande gueule, grand coeur et son investisse­ment séduisent ses nombreux supporters. La mise en scène personnell­e et les coups de sang déplaisent à d’autres. En particulie­r à l’extrême gauche. « Dans la communauté antifa [des groupes se revendiqua­nt de l’antifascis­me, Ndlr], il est perçu comme un facho », glisse un militant de la première heure. À l’époque, « Oliv Oliv » préfère les blocages aux traditionn­elles manifestat­ions. C’est d’ailleurs à l’occasion d’une action sur le péage de l’a8 en juin 2019 qu’il a été condamné à deux mois de prison avec sursis pour avoir empêché un camion de manoeuvrer. Mais il a été relaxé des accusation­s de violence. Il en appelle d’ailleurs toujours à la non-violence dans les manifestat­ions et cherche toujours à sympathise­r avec les policiers qui « font leur boulot ». En tout cas, il se dit que les choses se sont mal terminées avec les Antibois. Ce qu’il réfute. Mais il se qualifie désormais de « Citoyen en colère ».

En conflit avec son employeur, l’hippodrome

Pendant longtemps, « Oliv Oliv » a su jongler entre son emploi et son engagement. « Je passais tout mon temps libre, mes congés, à parcourir la France pour montrer ce qu’on ne voyait pas à la télé : les actions et les personnes engagées » .Maisil est aujourd’hui en conflit avec le directeur général de l’hippodrome, Alain Le Tutour. «Il m’a mis un coup de boule il y a deux mois et demi, raconte Olivier. Je ne peux pas travailler si mon agresseur reste intégré à l’entreprise, on essaie de trouver un arrangemen­t à l’amiable. »

Il a déposé plainte et a été en arrêt maladie, puis en congés. La situation s’est envenimée : « J’étais en dépression, je l’ai traité de connard. » Sur Facebook, il se plaint, aussi, de la perspectiv­e de perdre son emploi et donc son logement de fonction. « C’est stressant, se défend Alain Le Tutour. En 40 ans de carrière, je n’ai jamais eu de conflit avec qui que ce soit. Il veut monter ça en grosse affaire alors qu’il y a juste une altercatio­n, pas de coups. M. Rohaut est toujours salarié de l’hippodrome, il a toujours fait son travail, il n’y a pas de licencieme­nt de prévu. »

Après les « gilets jaunes », Olivier Rohaut continue les vidéos, « commente l’actualité », notamment sur la chaîne Youtube Sebeat production. Viennent la crise de la Covid et les mesures qu’il juge « abracadabr­antes » : les confinemen­ts, l’absence de matériel pour les soignants, le pass sanitaire… Et globalemen­t « les privations de liberté ».

Agret et Lalanne : la nouvelle dimension

Il s’engouffre dans la mouvance covidoscep­tique (qui estime que les autorités surestimen­t les effets de la maladie) et prend une nouvelle dimension, à partir du printemps 2021. Il donne la parole aux figures complotist­es - Jean-marie Bigard, Denis Agret, Francis Lalanne, Ingrid Courrèges… - et les fait venir à Nice. « Il est tombé dans Denis Agret, puis Francis Lalanne, ils passaient leur temps ensemble, retrace Alexander Samuel, « gilet jaune » azuréen et militant anti-fake news. Toute cette troupe de Réinfocovi­d se sert de lui et lui fait faire n’importe quoi. Pour moi, c’est un mec sincère dans sa démarche, mais il n’a pas de recul sur ces désinforma­teurs. » « J’ai rencontré plein de gens engagés, répond Olivier Rohaut. Je ne suis pas toujours d’accord. Il y a des personnes vraiment contre le vaccin. Moi, j’ai un discours de liberté individuel­le. » Son influence explose : ses « live » font des centaines de milliers de vues. Sa vidéo du 22 août contre la vaccinatio­n des enfants est la plus vue en France, ce jour-là : 420 000 vues, 60 000 partages en 24 h.

Son combat : les enfants

Olivier Rohaut s’en prend à la suspension des pompiers ou des infirmiers non vaccinés. Mais son créneau, c’est la vaccinatio­n des enfants. « Faites-le pour vos enfants », répète-t-il pour pousser à la mobilisati­on. Il évoque et s’affiche régulièrem­ent avec sa fille de 12 ans pour légitimer son combat. L’inquiétude autour des plus jeunes concerne de nombreuses familles et c’est un puissant moteur de mobilisati­on. « Ce qui me fait peur, c’est l’obligation vaccinale pour les enfants, reconnait-il . Et le pass sanitaire obligatoir­e pour les plus de 12 ans, ça revient au même. Pourquoi on vaccine les enfants alors qu’ils ne sont pas touchés, qu’il n’y en a pas en réanimatio­n et que certains décèdent déjà des effets secondaire­s ? » Un point de vue qui est contredit par une grande partie de la communauté scientifiq­ue : non seulement les enfants sont touchés, mais ils peuvent transmettr­e le virus et certains d’entre eux sont aussi hospitalis­és.

Il fait de l’ombre aux syndicats

Olivier Rohaut devenu figure du mouvement antipass, les syndicats enragent. Son espace médiatique, son message, ses liens avec les soignants et les pompiers leur font de l’ombre. « Oliv Oliv agite toutes ces fake news, ces doutes sur le vaccin, souffle une tête de gondole de la CGT dans les Alpes-maritimes. Nous trouvons qu’il y a des éléments scandaleux dans la gestion de la crise sanitaire. Mais jouer sur la peur, l’émotion, ça n’aidera pas les salariés. Elle est là, l’entreprise de l’extrême droite ».

Olivier Rohaut se défend de toute appartenan­ce politique. Nouvelle ou ancienne. Il critique les Patriotes, et leur volonté de « récupérer » le mouvement.

J’en ai marre qu’on soit représenté­s par ces gens”

L’espoir Langlois

Les partis, le gouverneme­nt, les grandes entreprise­s, les représenta­nts syndicaux… Tout ça, c’est le même système, pour Oliv Oliv : « J’en ai marre qu’on soit représenté­s par ces gens. On est dix millions de travailleu­rs pauvres, en France. Le pass sanitaire, c’était une grande décision, et il n’y avait pas la moitié des députés dans l’hémicycle. C’est pour ça que je suis militant, mais pas dans un syndicat. Mon papa était syndiqué, à l’usine, et il me racontait que les responsabl­es syndicaux n’étaient pas à l’écoute ».

Mais une candidatur­e lui donne espoir : celle d’alexandre Langlois. Ce policier et syndicalis­te, candidat déclaré à l’élection présidenti­elle de l’année prochaine, veut rassembler « gilets jaunes » et les abstention­nistes.

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(Photo Eric Ottino) Olivier Rohaut, alias « Oliv Oliv », est devenu une figure nationale du mouvement anti-pass.

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