Nice-Matin (Cannes)

La semaine vagabonde de Denis Carreaux

- Directeur des rédactions du groupe Nice-matin edito@nicematin.fr

Lundi

Histoires d’adultes. Ils sont à plaindre tous les deux. Cet enfant de sept ans reconduit chez lui manu militari . Ce policier municipal chargé d’escorter un minot dont les parents n’ont pas payé la cantine dans une école de Gironde. Mais que peuvent bien avoir en tête les adultes en agissant de la sorte ? Celui ou celle qui décide, depuis son bureau, de punir un écolier en l’excluant de la cantine. Ces parents sourds aux rappels à répétition qui ne prennent même pas la peine de négocier des facilités de paiement. En choisissan­t de se saisir d’office, la Défenseure des droits Claire Hédon a mille fois raison. Au-delà de son caractère choquant, cet incident envoie un message désastreux dont ne manqueront pas de se saisir les populistes de tous poils.

Dans un pays où les trafics de drogue prospèrent au vu et au su de tous, on se permet de traiter un enfant de sept ans comme un délinquant. Cherchez l’erreur.

Mardi

À l’école du virus. Coup de fil en fin de matinée. « Il faut venir chercher votre fils. Un cas de Covid nous oblige

à fermer la classe ». Retrait express du minot par sa mère, contrainte de quitter son travail illico.

Passage à la pharmacie puis, un coup d’écouvillon dans le nez plus tard, verdict : test Covid +. Et voilà Pierre, dix ans, pourtant maniaque du masque, du gel hydroalcoo­lique et des gestes barrières, confiné dans sa chambre pour dix jours, le visage mangé par un gros FFP. Dans sa classe devenue cluster, on dénombre déjà cinq cas, sans compter tous les enfants, certaineme­nt positifs, que leurs parents refusent de faire tester. Une semaine après la rentrée, le virus galope joyeusemen­t dans les écoles où, par définition, aucun enfant n’est vacciné. Certains instits non plus, ce qui ne contribue pas vraiment à freiner les contaminat­ions. Combien de fermetures de classes ? D’écoles ? Le ministère se garde bien de donner trop de détails. Histoire de ne pas créer de psychose, il entretient la suspicion. Pas forcément le meilleur calcul.

Mercredi

Kevin, Mohammed, Michel et les autres. Comme le répète sans nuance Jean-jacques Bourdin au fil d’une interview tendue et caricatura­le, Éric Zemmour a des obsessions. Les prénoms en font partie. Pour l’ex-vedette de Cnews, chaîne concurrent­e de BFMTV qui lui déroule pourtant le tapis rouge ce matin, le choix des parents traduit trop souvent un refus de s’intégrer à la culture et au mode de vie français. C’est à coups de petits Mohammed que le communauta­risme progresser­ait et que le Grand Remplaceme­nt ferait son oeuvre. Si Zemmour a raison de considérer que les prénoms connotés ne facilitent pas l’intégratio­n et, plus grave, contribuen­t à l’exclusion, vouloir à tous crins gommer les origines est aussi absurde qu’illusoire. À ce compte-là, les prénoms italiens ou portugais n’auraient pas franchi les portes des états civils français.

Éric Zemmour ne s’arrête d’ailleurs pas là. Pour le polémiste, c’est aussi « une erreur d’autoriser les Kevin et

les Jordan ». Jean-michel, Simone, René et Monique : on attend avec impatience de voir égrenés sur le perron de l’élysée la liste des prénoms autorisés par le Président Zemmour.

Jeudi

Le doigt d’honneur de Biden.

Pire qu’un revers, une humiliatio­n. Alors qu’il y a deux semaines encore, les ministres des Affaires étrangères et de la Défense français et australien­s publiaient un communiqué commun évoquant la fourniture de douze sous-marins à propulsion classique pour un montant de  milliards d’euros, l’australie coupe brutalemen­t les ponts, signe avec les États-unis et sort du chapeau un partenaria­t stratégiqu­e et nucléaire dans la zone indo-pacifique, le tout avec la complicité active du Royaume-uni. En venant nous voler ce « contrat du siècle » conclu il y a deux ans avec l’australie, Joe Biden ne se contente pas de porter un coup terrible à l’économie, à la puissance et à l’influence de la France. Il lui fait un doigt d’honneur tout à fait digne de son prédécesse­ur, Donald Trump. Rien de très surprenant quand on sait que les États-unis, qui interdisen­t toujours l’entrée sur leur territoire aux Européens, même vaccinés, n’ont fait aucun cas de leurs alliés du Vieux Continent au moment d’organiser le retrait de leurs troupes d’afghanista­n.

« America is back » : Biden avait pourtant prévenu.

Vendredi

Sarko prend de la hauteur. Barbe de trois jours, sourire radieux et photos soignées au musée Picasso, Nicolas Sarkozy se confie au Figaro

Magazine pour la sortie de son nouveau livre, Promenades. Considérer que cet ouvrage consacré à la culture n’a rien de politique serait évidemment une erreur. S’il emprunte un chemin de traverse en évoquant dans ce livre ses choix en matière d’art, l’ancien Président ne perd pas l’occasion de réaffirmer avec force des valeurs de droite, dénonçant la « désocciden­talisation », pourfendan­t les « nouveaux

censeurs » et s’inquiétant d’une

« civilisati­on qui ne s’aime plus ».

Alors que les premiers coups de cette pré-campagne présidenti­elle volent bas, Nicolas Sarkozy choisit de prendre de la hauteur. Et revient, l’air de rien, dans le jeu.

Samedi

Cancel culture et talibans, même combat. Nous évoquions la semaine dernière ici même ces   livres, dont plusieurs

Lucky Luke et Astérix, jetés au bûcher par une bibliothèq­ue francophon­e de l’ontario en raison de contenus

« désuets et inappropri­és » censés véhiculer des stéréotype­s. On apprend aujourd’hui dans

Le Monde qu’un libraire de la banlieue de Kaboul s’est résigné à faire brûler plusieurs centaines de livres. Il venait d’apprendre que dans d’autres villes du pays, les oeuvres en question, des ouvrages hautement subversifs parlant d’amour ou laissant deviner sur leur couverture un bras de femme dénudé, avaient été confisquée­s par les talibans, et les libraires coupables de les détenir roués de coups. Bienvenue au Moyen Âge.

« Histoire de ne pas créer de psychose, le ministère de l’education nationale entretient la suspicion. »

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France