Terrorisme : « Le monde a changé et on ne l’a pas vu »
Il y a huit ans, le Niçois Michel Dechauffour perdait sa femme et sa fille dans une attaque terroriste au Kenya. Le procès des attentats du 13-Novembre ravive une douleur avec laquelle il a dû apprendre à vivre.
Le Niçois Michel Dechauffour aura 86 ans mercredi, au lendemain du plus douloureux des anniversaires. Le 21 septembre 2013, sa femme Corine et sa fille Anne étaient les premières victimes de l’attentat du centre commercial Westgate, à Nairobi, au Kenya. Un drame qui en préfigurait tant d’autres.
Le procès des attentats du -Novembre fait-il écho à votre propre tragédie ?
Absolument. C’est tellement terrible, ce qui est arrivé en France depuis toutes ces années... Les choses n’ont fait que se développer de façon tragique. Jusqu’à arriver à ce procès monstre.
Dès , dans votre discours aux Invalides, vous redoutiez la montée en puissance de la menace djihadiste...
À l’époque, personne n’écoutait ! Je parlais avec des diplomates qui pensaient que ça n’arriverait jamais en France. Pourtant, si des commandos pouvaient frapper au Kenya, ils le pouvaient ici... On aurait pu l’imaginer et y mettre les moyens. Le monde a changé et on ne l’a pas vu. On n’a pas pris conscience qu’une idéologie nouvelle se développait dans l’ombre, entraînant quelques personnes folles.
Voir la justice passer est, si l’on peut dire, un privilège que vous n’avez pas eu ?
À la vérité, je ne sais pas. On verra à l’issue de ces huit mois. Ce que je sais, c’est que le procès va être très compliqué et difficile. Il met en lumière des auteurs affreux, des tueurs. Il ne faut pas qu’on se trompe de héros : ceux qu’il faut mettre en lumière, ce sont tous ceux qui ont aidé !
Il faut que la justice passe. Après, chaque victime va interpréter cela en fonction de sa sensibilité. On réagit tous différemment. Moi, je n’attends plus de procès [de l’attentat de Nairobi].
Comment se reconstruire après un tel drame ?
Le temps peut passer... mais pas la peine, encore moins la douleur. C’est comme une tumeur invisible du corps et de l’esprit, qui grossit au fil du temps. Pour moi, l’horloge s’est arrêtée au septembre , quand j’ai perdu Corine et Anne. J’essaie de me remémorer les souvenirs heureux. Chaque jour, un souvenir nouveau se présente à moi. Malheureusement, à chaque nouvel attentat terroriste, ces images terribles me reviennent. Et des attentats, il y en a eu beaucoup ! Je me mets à la place des victimes.
Je pense à ce qu’elles vivent sur l’instant et à ce qui les attend.
Et à chaque fois, j’ai le coeur qui saigne.