Nice-Matin (Cannes)

L’accès à la propriété de Cédric Herrou clôturé

L’agriculteu­r de s’est heurté à un mur. Samedi, son voisin a grillagé le chemin d’accès à son terrain après lui avoir accordé le passage. Une galère pour l’un, un droit pour l’autre.

- CÉLIA MALLECK cmalleck@nicematin.fr

Décidément, Cédric Herrou n’a pas la cote avec ses voisins. L’agriculteu­r de Breilsur-roya et figure médiatique de l’aide aux migrants se retrouve une nouvelle fois bloqué.

Samedi, le chemin d’accès à son terrain a été grillagé par le propriétai­re de la parcelle située juste en dessous, le long de la route départemen­tale RD 6 204. Comme son prédécesse­ur, son voisin refuse de lui laisser une servitude de passage, s’appuyant sur une décision de justice de 2017 [lire par ailleurs].

Désormais, pour accéder à son exploitati­on agricole et sa maison, Cédric Herrou, les deux autres salariés et les sept compagnes et compagnons d’emmaüs Roya doivent emprunter un sentier escarpé. Il se situe un peu plus bas sur la RD 6 204. Et zigzague sur des sortes de marches en pierres retenues par des maigres planches en bois.

« C’est un gros problème pour nous, souffle l’agriculteu­r de Breil devant la barrière. J’ai besoin de cet accès pour travailler. »

«   poules à nourrir »

Long d’une vingtaine de mètres, ce chemin en pente douce lui permettait de faire des allers-retours avec son petit tracteur. Pour acheminer la nourriture pour animaux, les bouteilles de gaz et les vivres destinés aux compagnons qui vivent dans les caravanes garées sur son terrain en restanque.

« J’ai 1 000 poules à nourrir, indique Cédric Herrou. Elles ont besoin d’une tonne de grains par semaine qu’on va devoir aujourd’hui porter sur le dos. Un de nos poulailler­s est tout en haut. Et monter sans tracteur, c’est la folie. Ce n’est pas possible de travailler dans ces conditions. » Il ajoute : « J’ai un autre terrain sur le chemin de Veil où je récolte les olives. Mon tracteur et toutes les machines dont j’ai besoin pour la récolte sont bloqués ici. »

Comment en sont-ils arrivés là ? Cédric Herrou a du mal à l’expliquer. « Je ne comprends pas. Notre nouveau voisin avait dit qu’il nous laisserait utiliser le terrain. Il avait enlevé le mur de l’ancien propriétai­re et on avait pu réutiliser cet accès. »

Donation avortée

Il sort son téléphone et montre un extrait vidéo à l’appui. « Il avait été interviewé juste après la tempête Alex par Michel Toesca », précise-t-il avant de cliquer sur play. « Je me suis dit que bloquer les gens comme ça, ce n’est pas bien, déclare face caméra son voisin, Rafael Hernandez, qui se qualifie de « migrant » espagnol. J’ai décidé de faire une donation pour que ce terrain appartienn­e à Cédric Herrou. On ne peut pas obliger des gens d’escalader des murs. Autant leur faciliter la tâche. »

Cédric Herrou poursuit : « J’ai fait venir un géomètre pour borner le terrain. La parcelle a été créée au cadastre. Je lui ai même proposé d’acheter la parcelle mais il a commencé à nous en vouloir pour une histoire de cailloux qui tombaient sur la route. J’ai fait du ciment pour sécuriser, mais ça ne lui convenait pas et il a décidé de l’enlever. » « Je ne comprends pas, répète le fondateur d’emmaüs Roya. On ne fait pas de bruit, il n’y a pas de bordel, et comme le chemin se situe en fond de terrain, le passage du tracteur ne le dérange pas… »

« Je suis dégoûté »

À ses côtés, sa compagne Marion Gachet souffle : « On était dans une phase de retour au calme. On n’avait plus de problèmes juridiques, on commençait à avoir une image positive, les problèmes de la tempête Alex étaient derrière nous… On pouvait enfin se projeter. »

Ce nouveau conflit mine le moral des troupes. « Je suis dégoûté, lâche Cédric Herrou. Plus pour les compagnons que pour moi, d’ailleurs. Ce sont des personnes en grande précarité

qui sont en phase de réinsertio­n. Ils ont eu leur lot de galères. Ils n’ont pas besoin de ça. »

Accolé à sa caravane, José, compagnon de 56 ans, est en rogne. L’attitude du voisin l’agace et il s’interroge. « Comment on va faire pour la distributi­on alimentair­e à Vintimille ? »

« On ne pourra pas descendre les marmites, rétorque Marion. On va cuisiner sur le parking. »

« On se débrouille toujours », conclut Cédric Herrou qui a lancé un appel à la mobilisati­on sur Facebook. Samedi, à 13 h 30, il organise au départ de la gare de Breil une chaîne de solidarité pour porter des sacs de grain de 25 kg chacun.

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J’ai besoin de cet accès pour travailler.
(Photo C. M.) « C’est un gros problème pour nous, » souffle l’agriculteu­r. J’ai besoin de cet accès pour travailler.

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