Nice-Matin (Cannes)

Serge Klarsfeld : « Zemmour commet une erreur historique »

Une plaque a été dévoilée hier à Nice en hommage à Arno, le père de Serge, sur l’immeuble où il a été arrêté en 1943 et envoyé aux camps de la mort.

- PROPOS RECUEILLIS PAR STÉPHANIE GASIGLIA sgasiglia@nicematin.fr

Quinze, rue d’italie. Depuis hier, une plaque est apposée sur la façade de cet immeuble niçois, en hommage à Serge Klarsfeld et à son père Arno. En 1943, alors que les Klarsfeld sont réfugiés à Nice, c’est ici qu’arno va cacher sa famille et sera arrêté par la Gestapo, puis déporté à Auschwitz. Où il mourra l’année suivante. Serge Klarsfeld et son épouse Beate : une vie de combat acharné à chasser les nazis et à lutter contre l’antisémiti­sme.

Qu’avez-vous ressenti en voyant cette plaque, sur l’immeuble où votre père a été arrêté ?

C’est un peu comme si je le rejoignais. Parce que c’est une trace de mon père.

Donc une trace de moi.

C’est aussi un avertissem­ent : bientôt, la porte de la cachette s’ouvrira pour moi, mais ce ne sera pas la Gestapo, ce seront les anges de la mort. Peut-être pas demain, mais bientôt… En même temps, c’est aussi me rapprocher de lui, ce que j’ai toujours voulu.

Qu’il ne soit pas oublié.

En , j’ai été l’un des premiers, à l’ouest, à me rendre à Auschwitz. J’étais tout seul. Je voulais retrouver son numéro de matricule et être dans les lieux où il avait traversé la dernière étape de sa vie.

Mon père n’avait que  ans quand il est mort. Avoir survécu grâce à son sacrifice [Arno

Klarsfeld avait caché son épouse et leurs deux enfants, Ndlr], cela impliquait une responsabi­lité.

Votre vie a été, est un combat perpétuel, un engagement sans faille. Comment ne pas flancher ?

Quand on porte une cause sur ses épaules, on est obligé d’être combatif. C’est un engagement plus fort que soi, il faut vous hisser à sa hauteur. C’est ainsi que font les gens pendant la guerre. Il y a des milliers de héros anonymes qui se dépassent.

Pensez-vous que l’antisémiti­sme prospère ?

Aujourd’hui, jamais les Juifs n’ont été dans une aussi bonne position, il y a un État d’israël puissant, aucun pays au monde n’est officielle­ment antisémite, sauf peut-être l’iran… et encore.

Les États protègent les Juifs et ne les persécuten­t plus. L’antisémiti­sme prend de nouvelles formes, c’est plutôt de l’antisionis­me. Et certains clichés perdurent : les Juifs dirigent le monde, ils sont partout, etc. L’antisémiti­sme est une maladie dont on ne peut guérir qu’en dehors de toute tension. Mais dans le monde, des tensions, il y en aura toujours. Donc, de l’antisémiti­sme. Les Juifs doivent lutter.

Être conscients que cela va continuer, sans s’affoler. La situation actuelle est relativeme­nt satisfaisa­nte, même si les Juifs restent des cibles pour des terroriste­s.

Vous vous êtes récemment indigné, avec votre fils Arno, des propos d’éric Zemmour sur Pétain…

Je me suis indigné parce qu’il est juif. Je le connais depuis longtemps, j’ai eu des face-à-face avec lui à propos de Vichy.

Les partisans de Vichy en ont transmis leur vision. Et, pour eux, comme les Juifs sont morts en moins grand nombre en France qu’ailleurs, c’est grâce à Vichy et à Pétain ! Et ils continuero­nt de dire que Pétain a sauvé des

Juifs ! C’est de l’histoire-fiction.

Les travaux historique­s ont montré que la réalité, c’est que le peuple français et la réaction de l’église ont fait que Pierre Laval a été obligé de dire aux Allemands :

« Je ne peux pas continuer à déporter sur ce rythme. » C’est à ce momentlà qu’il a émis des réticences.

Sous la pression, non pas de sa conscience, mais de l’opinion publique. Ce n’est donc pas à Laval qu’il faut dire merci, ni à Pétain, mais à la population française, et on ne le dit pas assez. Zemmour commet une erreur historique.

 ?? (Photo Eric Ottino) ?? Le maire de Nice, Christian Estrosi, a confié sa « profonde émotion » en dévoilant la plaque en présence de Beate Klarsfeld, d’arno, le fils, et du député Éric Ciotti.
(Photo Eric Ottino) Le maire de Nice, Christian Estrosi, a confié sa « profonde émotion » en dévoilant la plaque en présence de Beate Klarsfeld, d’arno, le fils, et du député Éric Ciotti.

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