Rania Berrada FEMME COURAGE
La journaliste franco-marocaine signe son premier roman Najat ou la survie aux éditions Belfond. Un coup d’essai réussi.
La journaliste franco-marocaine Rania Berrada sort son premier roman, Najat ou la survie. Elle y retrace le parcours d’une jeune Marocaine qui rêve de quitter Oujda, sa ville natale, près de la frontière algérienne. Pour éviter de suivre une vie toute tracée pour elle, d’institutrice ou de mère au foyer, elle suit des études et se prépare à épouser un lointain cousin qui a émigré en France. Mais toutes ses tentatives d’échapper à son destin semblent se solder par un échec. Mue par un courage indéfectible, Najat persévère malgré ce qu’elle pense être sa mauvaise étoile. Mais peut-être y a-t-il des explications plus objectives à sa malchance ?
Comment vous est venue l’idée de ce roman ?
Le personnage de Najat et le roman s’inspirent de la vie d’une personne qui m’est proche, j’ai donc grandi avec cette histoire. Je voulais la raconter car elle semblait cristalliser beaucoup de thématiques qui me sont chères et qui sont plutôt rares dans la littérature aujourd’hui.
Lesquelles ?
Je souhaitais comprendre ce qui pèse sur la vie d’une femme. Le patriarcat est l’un des éléments de réponse, notamment au Maroc où les hommes ont cette réputation d’être des oppresseurs en puissance. Je souhaitais aussi aller un peu à contre-courant de cette idée en rappelant que la dimension économique n’est pas à négliger lorsque l’on parle du destin de ces femmes. Celles issues de certains milieux n’ont pas les perspectives qu’elles pourraient attendre par rapport à leurs études. Je ne voulais pas un texte monolithique mais nuancé sur la pression patriarcale. Parler, par exemple, de la pesanteur de l’administration qu’elle soit française ou marocaine.
Tout au long du roman, Najat fait justement face à des ‘‘murs administratifs’’...
Je voulais donner des exemples les plus parlants possible. On entend souvent que ‘‘la France accueille toute la misère du monde’’ mais on omet juste de dire à quel prix... En France, l’administration reste très rigide et bureaucratique. La littérature permet d’être dans un temps long, loin des petites phrases médiatiques. Demander un titre de séjour, c’est la croix et la bannière. L’administration continue à modeler les vies de milliers d’hommes et de femmes, comme
celle de Najat.
Votre récit revient sur l’histoire récente du Maroc, notamment sur le Mouvement du 20 février, suite au Printemps Arabe...
Najat suit de près cet évènement qui précédera l’arrivée au pouvoir des islamistes à travers le Parti de la Justice et du Développement. La population a voulu croire à leurs promesses mais tout cela va retomber comme un soufflet. Notamment lorsqu’ils sont revenus sur l’engagement arraché lors des manifestations, d’ouvrir des milliers de postes de fonctionnaires pour la jeunesse diplômée. Depuis, j’ai l’impression que certaines choses évoluent dans le bon sens, même s’il reste énormément de progrès à faire, notamment pour le chômage des jeunes.
« Je souhaitais comprendre ce qui pèse sur la vie d’une femme »