« L’apparition de nouvelles alliances politiques »
Alexandre Taithe est chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique. Parmi ses multiples spécialités, ses études sur les changements climatiques et les questions qui y sont liées – comme les négociations au coeur de la Cop21 – font d’Alexandre Taithe un expert tout indiqué pour décrypter les enjeux géopolitiques de la « Conférence des parties » qui s’ouvre aujourd’hui. « Ce qui me paraît intéressant, c’est le fait que ces négociations climat – plus techniques que politiques à proprement parler – sont de nature à modifier les relations internationales. » Pas aussi profondément qu’un sujet comme le désarmement, toutefois. « Mais on voit des alliances inédites. Aujourd’hui, le couple qui donne le “la” c’est États-Unis Chine. Et ce depuis 2009 et la conférence de Copenhague. En 2013, ces deux pays représentaient 44 % des émissions de gaz à effet de serre. Faire un accord sans eux n’a pas de sens. Et malheureusement, ce sont les moins-disants qui ont donné la tonalité de la négociation, son cadre et son ambition. » D’où l’échec scientifique de Copenhague. « Mais cette réunion a vu la mise en place d’un nouveau mécanisme politique », poursuit-il. « Et plutôt contre l’Union européenne, qui est un acteur proactif. Rendez-vous compte : imaginer un rapprochement États-Unis - Chine contre l’Europe, était assez invraisemblable il n’y a pas si longtemps… »
Alliances inattendues
Autre phénomène géopolitique lié à ces négociations : « l’apparition de nouvelles polarisations. Notamment au sein des pays du Sud [le G77, qui compte 120 pays, plus la Chine, Ndlr] où le front n’est plus aussi uni qu’il y a 4 ou 5 ans. Les pays les moins avancés et les plus exposés montrent du doigt la Chine et l’Inde, les grands émergents, en leur disant : “Vous ne pouvez pas continuer à polluer pour vous développer.” Tout en disant aux pays historiquement forts de faire l’effort. Il y a là une nette fracture entre ces pays et les grands émergents. » « Ces négociations », termine Alexandre Taithe, « ont créé de nouveaux rapprochements et des éloignements selon les circonstances : Chine-USA; Chine-Inde; Inde-Pakistan. Ce n’est pas anodin. Mais pas forcément durable et de nature à modifier les relations internationales. Mais ça renouvelle les cartes. » GUI. BERTOLINO