Controversé mais sanctifié : la Raoultmania à tout-va !
Bière, santon, bougie, mug, casquette ou tee-shirt : les articles à son effigie font L’intéressé ne les a pas désirés, mais il se murmure que ces produits dérivés ne seraient pas pour lui déplaire
Mettre au monde un professeur Raoult, c’est un sacré protocole. Il faut d’abord le démouler. Puis l’ébarber afin de bien retirer les bavures. Ensuite, le gratter. Délicatement le laver. Et enfin l’essuyer. À l’éponge, au pinceau. Pour atténuer les coutures et soigneusement effacer toute aspérité.
Rien ne doit dépasser. Alors seulement, quand tout est cliniquement net, quelques touches de peinture et un passage au four à 980°. Voilà pour la version santon. Des pieds d’argile, mais une stature en béton. C’est Fabienne Pardi qui l’a fait. Il fallait oser, mais l’intéressé a, paraît-il, adoré. Cette santonnière qui crèche à SaintCyr-sur-Mer, aide-soignante de formation, pourrait en produire à bras raccourcis. Sa miniature a fait le tour de la planète et justement, il n’y en aura pas pour tout le monde. Elle croule sous les commandes. C’est qu’il a fière allure, son petit Raoult à crinière blonde et blouse blanche, lunettes à monture dorée, éprouvette à la main. Dans laquelle Fabienne a inoculé, pardi, c’est facile, une mini-dose de virus SarsCoV-2 vert pistache. Cette minuscule interprétation au bon goût de tradition exhale un puissant parfum de grandeur.
Sept centimètres de terre cuite, trois heures et demie de façonnage. Trente-cinq euros, le prix n’est pas exagéré pour l’incarnation du pape de la lutte contre l’infection. Adulé ou honni urbi et orbi. Clivant, génie pour certains, charlatan selon des médecins.
Le professeur est bière et lumière
Fabienne Pardi a santonifié Raoult. Éric Sgarroni, lui, le fait mousser. Ce Niçois bientôt quinqua dirige une petite entreprise d’habillage de bouteilles de bière dont le contenu est confié à des artisans indépendants. Depuis l’été dernier, il fait fermenter à Montpellier une spécialité à l’effigie de l’infectiologue marseillais.
L’étiquette est illustrée par un street-artiste azuréen, Vëki Graff. Qui avait offert l’original à son modèle ; le cliché figure en bonne place sur un site où l’on reconnaît aussi l’Abbé Pierre et Maître Gims, Louis de Funès dans les oripeaux de Rabbi Jacob ou Brigitte Bardot dansant le mambo. Chloroquine Dundee. C’est le nom de la boisson imaginée par Éric Sgarroni.
Non, elle ne contient pas le moindre milligramme d’antipaludique. Seulement 33 cl d’une bière bio.
Blanche, blonde ou ambrée. Ce n’est pas tout à fait un coup d’essai. On doit notamment à cet entrepreneur haut en couleur la Bièra Nissarda à laquelle il a été contraint de renoncer, boycotté par des brasseurs locaux qui lui reprochaient de déléguer.
Lui non plus ne fait pas l’unanimité. C’est peut-être ce qui lui plaît aussi chez Raoult : la singularité et une certaine inflexibilité, face à l’adversité. Sgarroni se range volontiers dans le camp des irréductibles. Fan du personnage, il lui prête « une honnêteté que manifestement d’autres n’ont pas », sur la foi de quoi il promet de reverser « une partie des bénéfices » aux soignants.
Compter trois euros le flacon. Tête de gondole de toute une déclinaison de produits dérivés, comme un hommage au médecin controversé. Où l’on trouve encore, à son effigie, un décapsuleur, un mug, une casquette, un tee-shirt… Un inconditionnel s’est fait faire sur la cuisse un tattoo de Raoult. À La Ciotat, c’est le même visage quasi divinisé qu’un artisan a reproduit sur la peau d’un cierge. Le Cabinet de Cire propose, contre vingt euros, cette bougie « saint Raoult » « à prendre au second degré », puisque dénuée de tout effet thérapeutique ou spirituel. « Prier devant elle ne sert à rien, la manger non plus », prévient le site en précisant que ce placebo rigolo n’est pas davantage remboursé par la Sécurité sociale.
En revanche, le professeur brillera de toute son aura durant quarante-cinq heures. On peut lui préférer d’autres lumières, puisqu’il existe aussi des bougies tatouées à la gloire de Beyoncé, Mylène Farmer ou Johnny Hallyday.
FRANCK LECLERC fleclerc@nicematin.fr PHOTOS FRANCK MULLER ET DR