Cabinet précieux, l’art du voyage au XVIIe
Ce petit cabinet de voyage du XVIIe, en placages d’ébène de Macassar et d’ivoire, présenté par l’antiquaire varois Fabrice Alric, est l’héritier d’une histoire qui remonte à la Renaissance.
Il s’agit d’un petit cabinet de voyage du XVIIe siècle. Il est en placages d’ébène de Macassar, d’os et d’ivoire, avec des décors de lambrequins et d’animaux : des lièvres et des écureuils. Il faut savoir que ces cabinets étaient les premiers meubles où était utilisée l’ébène. Ce sont ces meubles qui ont donné leur nom aux ébénistes. » C’est un objet rare et précieux, mais aussi chargé d’Histoire, qu’ont choisi de nous présenter Fabrice et Nathalie Alric, antiquaires à Villecroze. Leur boutique, installée dans une ancienne bastide du XVIIIe « en l’état », au coeur du village, regorge de trésors. En temps normal, cette belle demeure se visite depuis les cuisines jusqu’aux chambres, ce qui permet d’y découvrir meubles et objets en situation. Idem pour le jardin, avec ses jarres et ses poteries. Depuis quelques années, ils y marient antiquités et décoration.
Les premiers ébénistes
Utilisée en Europe depuis le XIIe pour faire de petits objets, l’ébène était considérée comme l’un des bois les plus précieux. Au XVIIe, les artisans ont réussi à le couper en fines planches qu’ils collaient sur des meubles richement décorés.
« L’abattant découvre une série de huit tiroirs, dont trois dissimulés dans un long tiroir. Au centre, une porte guichet à décor floral masque deux petits tiroirs en partie haute et une niche en partie basse. Les petits boutons de tirage sont en ivoire et le meuble est en parfait état. Il y a eu simplement des restaurations d’entretien, mais pas de restauration majeure », poursuit Fabrice Alric. « Ce cabinet de voyage a été fabriqué probablement en Italie du Nord. Le décor est intéressant avec ces écureuils : l’écureuil était l’emblème des Médicis. Mais de là à l’attribuer aux Médicis ! »
Destinés à la noblesse
Une chose est sûre, ces objets luxueux et raffinés qui utilisaient des techniques de fabrication de pointe et des matériaux exotiques ramenés de pays lointains, étaient destinés à la noblesse. « Les gens y mettaient leurs objets précieux, de petits bijoux et aussi leurs documents, des papiers et des courriers. C’étaient de petits meubles qui fermaient à clefs et que l’on pouvait facilement transporter durant les déplacements. Celui-ci mesure 42 centimètres de large, 37 centimètres de hauteur et 31 centimètres de profondeur. L’abattant servait aussi d’écritoire. C’est un objet très rare à trouver, pratiquement une pièce de musée. »
À l’origine, le cabinet ou studiolo ,qui apparaît au XVe siècle en Italie, est une pièce où les princes et les savants se retiraient ou travaillaient. François de Médicis, grand duc de Toscane en avait installé un, couvert de peintures et de boiseries, au Palazzo Vecchio, à Florence.
La mode des cabinets
En France, à la Renaissance, c’est un lieu où l’on conserve des objets précieux, mais aussi un lieu d’étude et de travail. Avec la découverte du nouveau monde, il devient cabinet de curiosités, un petit musée privé où le propriétaire réunit ses collections d’objets antiques, exotiques, scientifiques ou encore ses souvenirs de voyages. Parallèlement, apparaît ce type de meubles dits cabinets de voyage, dont on peut admirer un magnifique exemplaire au Louvre.
Sur un tableau de l’atelier du peintre Flamand Frans Francken II (ci-contre, en bas) – dont le décor est un cabinet de curiosité du XVIIe siècle – on aperçoit un cabinet de voyage au fond à droite, avec un tiroir ouvert qui laisse entrevoir un collier.
C’est un objet très rare à trouver, pratiquement une pièce de musée”
N. BRUN nbrun@nicematin.fr Alric Antiquités Décoration. 7, place de l’Église, à Villecroze. Rens. 06.03.34.52.41. antiquites-alric.fr