Attaqués dans leur sommeil pour un butin de
Deux inconnus masqués avaient agressé un couple et leur bébé dans une villa du Cap Ferrat. Seul le guetteur présumé, qui craint pour sa vie, a été condamné à cinq ans de prison
Ils avaient quitté les Bahamas pour un séjour sur la Côte d’Azur dans une luxueuse villa de location à Saint-Jean-Cap-Ferrat. Leurs vacances de rêve se sont transformées, trois jours plus tard, le 30 mai 2018, en cauchemar. Le couple et son bébé de onze mois ont été attaqués pendant son sommeil vers 5 heures du matin. Deux individus, gantés, visages dissimulés les ont aspergés d’un gaz anesthésiant avant de leur voler une montre Richard Mille à 100 000 euros, et 600 000 euros de bijoux.
Les malfaiteurs ont pris la fuite avec la BMW de location qui sera retrouvée aspergée de poudre d’extincteur. Le butin, introuvable, aurait été écoulé pour à peine 80 000 euros chez un receleur monégasque.
Repérage à scooter ?
L’enquête très controversée des gendarmes de la brigade de recherche de Menton a établi que trois individus avaient participé à ce vol à main armée. Un seul comparaît devant le tribunal correctionnel de Nice. Jérôme Carbone, 40 ans, casier judiciaire chargé, clame son innocence. « Vous êtes d’Antibes, que faisiez-vous à scooter à Saint-Jean-Cap-Ferrat dans une impasse qui mène à la villa ? », s’interroge la présidente Marion Menot. « Je me promenais », répond le prévenu, bien décidé à se défendre. Depuis cette affaire, il est menacé de mort en détention. « Mon client a reçu des photos prises dans la maison d’arrêt agrémentée de cercueils », indique Me Dubois qui a vainement demandé que le procès se tienne à huis clos. Jérôme Carbone s’estime victime dans l’impasse qui mène à la villa. « Une coïncidence », s’amuse Me Gérard Baudoux, avocat des victimes, qui sont revenues à Nice pour exprimer le traumatisme indélébile subi cette nuit-là. « Nous avons décidé de nous installer en Finlande, un pays très sûr, dans une résidence très sécurisée », explique Azadeh, la mère de famille, alors que Robert, son mari, très affecté, préfère ne pas prendre la parole. « Des coïncidences s’acharnent à désigner M. Carbone », poursuit Me Baudoux : le pantalon de survêtement et les baskets retrouvés lors de la perquisition, des téléphones éteints au moment des faits... Coïncidence encore, quand Azadeh, catégorique, reconnaît à l’audience la silhouette de son agresseur.
« Je suis incapable de faire ça »
« C’est grotesque, insensé, réagit le prévenu. Je suis incapable de faire ça », grommelle le prévenu. La procureure Clotilde Ledru-Tinseau n’est pas convaincue que Jérôme Carbone ait pénétré dans la villa. En revanche, elle est persuadée qu’il était à la fois l’apporteur d’affaire et le guetteur. Une Mégane signalée volée, repérée aux abords de la villa, sera retrouvée carbonisée. « M. Carbone a choisi une stratégie de dénégations systématiques, de faire le procès d’un gendarme mais son agenda judiciaire est chargé. » Il est notamment appelé à comparaître pour association de malfaiteurs l’an prochain et son casier judiciaire comporte dix-sept condamnations.
L’homme, qui possède une confortable assurance vie et une villa avec piscine, sait passer sous les radars, selon la procureure qui requiert sept ans de prison. En défense Me Bertrand Dubois demande au tribunal « d’examiner cette procédure nébuleuse, truffée d’inexactitudes, avec le seul regard du droit ». L’avocat accuse les gendarmes d’avoir placé une cible dans le dos de Jérôme Carbone. « A-t-il commis ce vol ? Non. A-t-il été complice ? Non. »
Et de plaider la relaxe. Me Proton de la Chapelle estime qu’en demandant de retenir la complicité, « le parquet met une béquille à ce dossier ».
« Je ne comprends pas pourquoi les enquêteurs se sont focalisés sur moi », se plaint Jérôme Carbone. Un autre suspect, un temps mis en examen, a bénéficié d’un nonlieu faute de charges suffisantes. CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr