Nice-Matin (Menton)

Alévêque remet les pendules à l’heure

L’humoriste remontera sur les planches, en public, le 17 décembre prochain à Paris et dévoilera son tout nouveau spectacle, en juin, à Antibes. « Enfin, j’espère », dit-il. Car à cette crise sanitaire, il ne comprend rien. À moins que ce ne soit l’inverse

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Ne lui parlez pas de la Covid. Christophe Alévêque va en faire une jaunisse. Ou un spectacle. Feu un baptême du feu, en solitaire au théâtre du Rond-Point à Paris. Devant une salle vide. Devenu virale sur la toile...

Une première au vitriol qu’il s’était juré de ne pas rééditer. L’insolent reviendra donc, en croisé, sur la même scène le 17 décembre. Avec du public cette fois. « Enfin j’espère », ditil. Avant une tournée, un nouveau show en bandoulièr­e, qui le mènera à brûler les planches antiboises, à Anthéa, début juin 2021.

Preuve que l’humoriste déborde d’optimisme ? La bonne blague ! Le mal le ronge, plutôt. Le mal de l’isolement et la colère. « Comment je vais ? C’est une question qu’on ne pose plus. Surtout depuis la dernière allocution du général en chef. Je n’ai rien compris... » Au point d’évoquer un cadeau empoisonné pour les artistes. «Il nous parle de couvre-feu, d’horodateur­s. C’est fou. Il est hors-sol ! » Il, le président de la République. Et elle, Roselyne Bachelot, la ministre de la Culture. Égratignée aux tiges d’orties. « Elle n’a pas la main. Elle fait juste de la représenta­tion. De l’enfumage. C’est une pipe. Quant à son prédécesse­ur, Franck Riester, c’était un pet inexistant. »

L’Alévêque, remonté tel un Poilu à

Verdun, n’est pas avare de boules puantes. De gaz moutarde sur nos gouvernant­s dont « le but ultime est de nous faire taire. Bien sûr qu’il y a des aides et on ne va pas cracher dessus. Bien sûr que vouloir sauver des vies, c’est magnifique. Mais qu’ils cessent de nous infantilis­er, bordel ! »

Les Lumières et la bougie

L’avis du Creusotin est tranché. À la hâche, pas à la harpe. «Ilyapleind­e choses que je ne comprends pas. Mais c’est vrai que je suis un non-sachant. Il n’empêche que des ordres sont donnés pour que ceux qui remettent en cause la politique actuelle ne disent rien. Et moi, cette tartufferi­e m’énerve profondéme­nt... »

Sans verser dans le parti mou des y a qu’à, faut qu’on, il a eu le temps de prendre du recul sur la période covidesque. D’analyser. De griffonner des notes. «Je suis en rébellion alors que j’ai l’impression que la majorité des Français a l’esprit critique dans le formol. C’est dommage. Or, depuis le début de la crise, tout a foiré. Tout ! »

Et de se lancer dans un inventaire qu’aurait renié Prévert : les masques, les tests, l’appli. « Pourtant, chacun sombre dans une espèce d’acceptatio­n des décisions et des erreurs. Tourne dans la lessiveuse. Le débat s’est arrêté car il n’y a plus de débat... » Aux yeux de ce fou, au regard du roi, seules deux pensées circulent en parallèle. Sans la moindre contradict­ion.

« Il y a le couloir des complotist­es – d’ailleurs je n’ai pas voulu voir le pseudo-documentai­re Hold-up et le couloir de la pensée unique. Et au milieu, le vide. On est loin du quinquenna­t des Lumières. C’est plutôt celui de la bougie... »

Révélateur d’une société où la mort n’a plus sa place. Même au dernier rang. « Je comprends qu’on veuille vivre le plus longtemps possible. Mais de là à sacrifier les jeunes, notamment les jeunes pauvres, pour des vieux riches. Et puis les vieux, dans les maisons de retraite, ils n’ont pas eu leur mot à dire. Franchemen­t, je ne me sens plus en démocratie. Au moins jusqu’au 17 février (Ndlr : date de fin de l’état l’urgence sanitaire) .» D’accord, pas d’accord avec le chroniqueu­r ? Sa porte est ouverte à la discussion. À l’échange. Voire au bras de fer. Argumenté. Mais personne n’y frappe. « C’est navrant. On tourne en rond du coup. Avec en soi cette culpabilit­é permanente. »

Qu’il combat à la force de ses mots. De ses sketches. De ses scuds. Lui, le non essentiel. À l’instar de l’ensemble des acteurs culturels, des restaurate­urs, des patrons de discothèqu­es, de bars...

« C’est irrationne­l. On se sent inutile. Impuissant. Cette incertitud­e – qui fait certes partie intégrante de notre métier – est aujourd’hui difficile à encaisser. On subit cette psychose internatio­nale. »

Abasourdi d’être « dirigé par un Conseil scientifiq­ue », il ne reproche pas tant la volonté d’agir des gouvernant­s mais, chacun l’aura compris, que la manière.

« Quand on est en guerre, on met en place une machine de guerre. Sauf que depuis le premier confinemen­t, qu’a-t-il été fait de plus dans les hôpitaux ? Vraiment ? Et les personnes à risques ? On les stigmatise plus qu’on s’en occupe. En réalité, le mot d’ordre, c’est planquez-vous ! »

Jusqu’à la fin du conflit. Le sacrosaint vaccin, attendu comme l’aiguille salvatrice de tous les maux. «Elleva foirer cette campagne de vaccinatio­n. Reste à savoir comment ? De toute façon, ce virus ne disparaîtr­a pas. D’ailleurs le général nous avait bien dit qu’il fallait apprendre à vivre avec. Même s’il fait tout pour qu’on vive sans ! » Il a la dent dure contre les politiques et ne se gêne pas pour le crier sur tous les toits. À commencer par le sien, vu que « pour aller acheter une plaquette de beurre, je dois remplir une attestatio­n au ministère de l’Intérieur... ».

Dépression historique

Il s’y plie. Ou pas. Tout dépend du trajet. « Et, sérieux, si vous regardez à Paris, y a pas grand monde qui respecte les consignes. Je n’ai jamais vu autant de gens dans la rue. »

Un constat. Pas une gloriole de comique. Un constat amer, en particulie­r pour les suivants. « Les jeunes paieront tout ça au prix fort : la dette, l’urgence climatique. La retraite pour eux, ce sera à 95 ans ! » Si c’est en pleine forme. Comme avant. Dans les années 70-80, champs de l’insoucianc­e. « Malheureux, ne dites surtout pas que c’était mieux avant. C’est interdit aujourd’hui. On préfère une époque où nos aînés finissent dans les congélateu­rs à Rungis, tout seuls, parce qu’on n’a pas les moyens de faire autrement. »

Chassez son naturel... Et dire qu’il essaye de se soigner. La preuve, Christophe Alévêque est « certain qu’on va s’en sortir. Mais dans quel état ? Les grosses emmerdes, elles sont pour 2021. Laissez la parole aux psychiatre­s, pédiatres, associatio­ns caritative­s, ils vous annonceron­t la couleur... »

Ballotté au coeur de cette dépression historique, mais debout, il n’a visiblemen­t rien perdu de sa rebelle attitude. Persiste et signe d’une ultime tirade : « Toutes proportion­s gardées, il y a un petit côté pétainiste dans tout ça. Vous avez bien joui, maintenant vous allez payer ! »

Combien ? « La note sera salée. ». Merci. Et sinon, ça va quand même ? « Super, youpi. J’écris mon prochain one man show sur un père qui n’a plus 20 ans et se demande s’il n’a pas fait une connerie de faire un enfant dans ce monde-là et je dois finir aussi mon premier roman. Je continue... » Armes verbales au poing.

RAPHAËL COIFFIER rcoiffier@nicematin.fr

J’ai l’impression que la majorité des Français a l’esprit critique dans le formol... ”

Je suis certain qu’on va s’en sortir. Mais dans quel état ?”

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