Nice-Matin (Menton)

« Le débat sur la prescripti­on est médiatique, démagogiqu­e. Il n’a pas de sens »

Me Romain Callen, avocat au barreau de Toulon

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Avocat au barreau de Toulon, Me Romain Callen est intervenu, en défense, dans le dernier dossier d’inceste jugé, du  au  janvier, par la cour d’assises du Var. Mais il se place aussi régulièrem­ent aux côtés des victimes, sur le banc des parties civiles.

Quand on parle d’inceste, de quoi parle-ton?

La notion d’inceste a récemment été insérée dans le Code pénal (par la loi du  mars , Ndlr), le mot a été ajouté quand les violences sexuelles sont commises par un ascendant, un frère, une soeur, un oncle, une tante, un neveu, une nièce, le conjoint ou le concubin d’une de ces personnes s’il a sur le mineur une autorité de droit ou de fait. Pour autant, ce n’est pas une circonstan­ce aggravante mais une avancée symbolique pour les victimes. Il existe une gradation en fonction de la gravité : atteinte sexuelle, agression sexuelle, viol, mais quelle qu’elle soit, c’est toujours grave. Les conséquenc­es psychologi­ques sur les victimes sont dramatique­s même lorsque les faits ne relèvent pas de la cour d’assises.

Que vous inspire la libération de la parole sur les réseaux sociaux ? Les réseaux sociaux ce n’est pas ma tasse de thé. Sur le #metooinces­te il y a des témoignage­s de tous ces degrés de violences sexuelles. Mais chaque dossier, chaque situation est différente.

Et le débat sur la prescripti­on ?

C’est un débat médiatique. La loi du  août  protège les victimes de manière accrue avec une prescripti­on de  ans à compter de la majorité de la victime en cas de viol sur mineur. On peut donc dénoncer de tels faits dont on a été victime jusqu’à l’âge de  ans. Mais la loi n’est pas rétroactiv­e s’agissant des faits intervenus avant son entrée en vigueur en . Les faits sont jugés en fonction de la date de prescripti­on qui existait au moment où ils ont été commis. Le fait qu’une victime se réveille à ,

 ans, ce n’est pas étonnant, mais la réponse judiciaire ne sera pas au rendez-vous. Rendre le crime imprescrip­tible c’est de la démagogie. Plus le temps passe, plus la preuve sera compliquée. Dans ces dossiers, c’est souvent parole contre parole. Ce débat n’a pas de sens.L’imprescrip­tibilité des faits ne résoudra jamais le problème de la preuve. Et il y a aussi, malheureus­ement, des allégation­s mensongère­s en particulie­r dans les divorces qui se passent très mal, et c’est terribleme­nt destructeu­r.

Les auteurs d’incestes sont-ils des monstres ou Monsieur Tout-lemonde ?

Les monstres n’existent pas. Les salauds, les criminels, oui.

Le malheur, c’est qu’ils peuvent être très très bien insérés socialemen­t. L’inceste touche tous les milieux sociaux, culturels. Il n’y a pas de portraitro­bot de l’incestueux.

Depuis des années on parle du problème de l’inceste et pourtant ça continue. Comment l’expliquez-vous ?

C’est l’interdit absolu de toute société moderne et pourtant il est toujours là parce que ça se passe dans l’intimité familiale, parce que la victime n’ose pas parler. C’est très compliqué pour une victime de dénoncer.

Défendre un violeur ou un auteur d’inceste, estce différent ?

Ce n’est pas la même approche de défense. Et même dans les violeurs incestueux, il y en a plusieurs : ceux qui reconnaiss­ent, qui ont fait un travail sur eux-mêmes, qui ont compris qu’ils ont fait du mal, on porte cette voix. L’avocat est là pour aiguiller aussi dans cette voie car on travaille avec eux bien avant le procès. Et puis il y a ceux qui expliquent qu’ils n’ont rien fait, et qui lorsqu’il y a des preuves les minimisent, et finissent par dire « elle m’a provoqué ».

Ceux-là relèvent des robes noires et surtout des blouses blanches.

PROPOS RECUEILLIS PAR VÉRONIQUE GEORGES

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